Arizona

Chapitre 40 : Nouveau camp

Mes yeux mirent plusieurs secondes pour distinguer nettement ce qui m'entourait désormais. Mais quand la lumière du soleil arrêta de m'éblouir, je découvris stupéfaite un endroit différent de tout ce que j'avais pu croiser jusqu'à aujourd'hui : un paysage verdoyant à perte de vue, composé d'une forêt équatoriale dense, peinte de toutes les nuances de vert inimaginables, du vert vif des premières poussées d'herbes du printemps à celui sombre des conifères en hivers. De gigantesques arbres couverts de larges feuilles et entourés de mousses et de lianes sauvages encadraient une petite prairie défrichée où nous avions atterris. Nous devions être dans l'unique zone déboisée à des kilomètres à la ronde. Cette piste d'atterrissage était bien discrète dans cette nature luxuriante. Un air moite rentrait dans l'hovercraft, rompant avec la climatisation agréable que l'on pouvait apprécier dans celui-ci. Des sueurs commencèrent immédiatement à se faire sentir dans mon dos. Il devait faire légèrement moins chaud qu'en Arizona, mais cette humidité suffocante qui accompagnait l'air était étrange.

Les gardes nous firent descendre rapidement après avoir baragouiné des mots en espagnols que presque aucun de nous de pouvait comprendre. Mais visiblement, ils ne voulaient pas perdre de temps avec nous et ne s'en inquiétaient guère. Ainsi, notre groupe de survivants sortit de l'engin et retrouva ceux qui avaient voyagé dans un autre hovercraft. J'aperçus Kai qui se frayait un chemin au travers les individus, et quand il me vit enfin, il pressa le pas pour me serrer dans ses bras musclés.

— Je suis content de te retrouver ! Ça a été ton voyage ?

— Oui, toi aussi ?

Je pensais lui dire ensuite pour ce que m'avait avoué Marcello. Un nouvel endroit signifiait déjà beaucoup trop de changements pour Kai.

— Bof. J'ai été un peu malade en transport... Et, tu as vu l'Arizona ? me demanda-t-il d'une voix peinée.

Je secouais seulement la tête, avant de reporter mon regard vers son visage. J'essuyais avec mon pouce une larme qui descendait le long de sa joue. Il me sourit en fermant les paupières et faisant disparaître ses yeux aussi innocents que ceux d'un enfant. J'avais peur pour lui. Était-il prêt à vivre hors de l'Arizona ? Était-il prêt à autant de sacrifices ?

— Kai, nous devons penser à notre futur maintenant, tentai-je de le motiver.

Il rigola nerveusement face à ma dernière remarque, mais je savais que c'était dur pour lui, sans doute plus que n'importe qui d'autre. Tout son passé, l'Arizona, lui avait été détruite de la façon la plus barbare qui soit. Il ne comprenait pas tout ce qui lui arrivait, toute cette nouvelle modernité, et je me doutais que le pire serait à venir pour lui.

Marcello nous pris à nouveau en charge. Ses militaires se tenaient plus loin, nous fixant comme si nous étions que des criminels assoiffés de sang. C'était horripilant de voir cette image monstrueuse que nos visages semblaient perpétuellement refléter aux yeux des inconnus. Marcello était même protégé perpétuellement par deux gardes qui étaient à ses talons. Dur de faire confiance à un homme qui ne nous faisait même pas pleinement confiance. Notre groupe le suivait sans rien dire, et cachant difficilement l'émerveillement par ce qui l'entourait. Je pense qu'aucun de nous n'avait vu autant de verdure réunie en un seul endroit. L'Amérique du Sud était unique, et aucun d'entre nous n'en était ressortissant. J'entendis juste un homme dire qu'il y avait voyagé, il y avait maintenant trente ans de cela, mais qu'il n'était qu'un enfant à l'époque. Il ne se rappelait plus que c'était aussi beau. Personne ne disait un mot, mais on savait que cela ne servait pas à grand-chose de dire quoi que ce soit, seul Marcello étant en mesure de nous répondre. Et visiblement, il semblait pressé au vu de la cadence rapide avec laquelle il nous amenait. Vers où ? Aucune idée. Et nous suivions bêtement, mais je ne pensais pas que l'on n'avait autre chose de possible, et plus intelligent, à faire.