Chapitre 28 : Préparation au grand départ

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Ce soir-là, le discours de Kai résonnait dans toutes les oreilles des prisonniers. On leur offrait une chance inouïe : s'échapper. Cela semblait inimaginable pour beaucoup dans un premier temps, car on l'avait tous plus ou moins rêvé, sachant pertinemment que l'on ne pourrait s'échapper. Et pourtant Kai le proposait quand même, avec un plan complètement invraisemblable. Comme s'en était douté Derek, il y eut bien sûr quelques réticences. Tout d'abord, certains étaient effrayés rien que par la tentative d'escapade. Quand Kai avait annoncé son plan, plusieurs étaient restés sceptiques. D'autres craignaient la distance à parcourir, qui était vraiment non négligeable. Kai avait affirmé que l'on n'irait pas trop vite (mais un peu quand même, s'était-il empressé de rajouter), au rythme de chacun d'entre nous, et qu'il y aurait des chevaux au cas où.

Enfin, quelques-uns auraient préféré partir ailleurs qu'en Amérique du Sud et retrouver leurs familles, dispersées sur d'autres continents. Derek avait clarifié la situation en rappelant que l'Amérique du Sud était à côté, et qu'on n'allait pas traverser l'océan pour regagner l'Afrique ou l'Europe. Ce n'était pas la meilleure remarque de motivation de sa part, mais elle sonnait plutôt comme une inébranlable réalité.

Finalement, après deux heures de négociations, de questions, de remarques ou d'informations de la part des autres prisonniers, la décision du camp était prise : la plupart partait. Kai avait dit qu'il ne voulait forcer personne, mais qu'avec le manque de nourriture à venir et la menace de nouveaux bombardements, il était fort possible que l'Arizona devienne une terre trop hostile. 

Certains, proches de leur fin de peine ou doutant de bombardements imminents, avaient refusé. Mais une cinquantaine venait avec nous. Dont Katie. Je pensais devoir donner un coup de coude à Nolan qui ferait une remarque déplacée à cette nouvelle, mais il se contenta de faire un geste du poing satisfait en murmurant un « yes » conquis.

Kai avait donc programmé au millimètre près (grâce à Derek surtout) les prochains jours avant notre départ. La priorité était de prendre des forces, choisir les réserves de nourriture à emporter pour le voyage tout en en laissant suffisamment à ceux qui choisissaient de rester. Tout le camp s'organisa en petits groupes, une solidarité plus importante que d'habitude s'était mise en place. C'était beau à voir. Finalement, la plus grande humanité se trouvait dans l'endroit où l'on amenait les gens aux comportements jugés inhumains. Cette douce ironie me faisait sourire.

— Comme il faut prendre des forces, on va devoir bien manger. On partira à la chasse tous les jours, la viande nous calera bien pour les quelques temps qu'on sera encore au camp. Je formerai quelques types à la chasse pour qu'ils puissent prendre le relai quand on partira. On leur laissera nos poulains, ils ont deux ans, ils sont prêts à être montés.

Pendant quinze jours, une nouvelle routine s'était installée. Je partais avec Kai, Nolan et José chasser du gibier, ainsi que deux autres types volontaires pour apprendre. On essayait de rapporter au moins deux bisons et quelques fois des petits animaux comme des lièvres dès que l'occasion se présentait. Quelques compagnons partaient aussi à la pêche dans les eaux environnantes près du grand canyon, ou bien s'en allaient simplement à la recherche de baies.

Katie nous préparait des ragoûts et des grillades (Karin vérifiait par derrière qu'elle ne la fasse pas cramer), ainsi qu'avec quelques légumes. En plus, elle s'améliorait réellement en cuisine, profitant de la présence et des conseils de Karin. Je lui trouvais enfin sa seule utilité.

Jamais une telle organisation au camp avait été visible. Kai ordonnait, Derek coordonnait, on obéissait et Nolan saccageait. C'était le talent de ce dernier avait ses deux mains gauches. Ce n'était pas nouveau, mais c'était bien plus embêtant en ces temps de préparation d'escapade. Une fois, il avait dû se charger de la surveillance du repas de Katie. Ce jour-là, on pouvait dire que le bison était carbonisé (et encore, je me demandais si ce n'était pas un faible mot). Une autre fois, en nettoyant les quelques couteaux et dagues que Derek était parti chercher à Supai (Derek avait affirmé que de nouvelles armes seraient nécessaires, pour nous comme pour ceux qui restaient), Nolan s'était ouvert le pouce, par une technique doit lui seul doit avoir le secret. Rien de bien méchant, mais il était tombé dans les pommes après avoir crié comme s'il agonisait.

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