Chapitre 30 : Long périple arizonien

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Le lendemain, le réveil fut dur, malgré ma bonne compagnie de la nuit. Kai ouvrit ses yeux quand je me mis en position assise, étirant mon dos qui me faisait souffrir. Mon lit grinçant de l'immeuble aux murs vacillants me manquait déjà.

— Bien dormi, toi ?

— Très bien, répondit sa voix rauque du matin. Mon oreiller était particulièrement moelleux.

— Tu ne méritais pas d'avoir une nuit reposante après me l'avoir volé.

Il sourit en penchant la tête, fier de son coup, et arrivant qui plus est à m'attendrir. Il m'énervait. Avant de trahir ce que je ressentais pour lui, je rapportais mon regard sur mes autres compagnons de voyage. Tous dormaient encore sur le sol du hangar, probablement encore fatigués de notre longue marche de la veille. Nolan, enroulé dans une couverture, ronflait bruyamment. Apparemment son organisme n'en avait que faire du confort : il pouvait dormir comme un loir et ce sur le sol le plus dur d'Arizona.

— Je vais aller à la rivière, me laver un peu, avant de me faire déranger par cinquante hommes sans manière.

— Ok, je vois. Amène les chevaux alors, répondit Kai alors qu'il sombrait à nouveau dans le sommeil. Ah... Et fais gaffe aux alligators.

Je me retournai subitement vers Kai. Hein ? Les alligators ? C'était bien un animal que je n'avais jamais croisé à Havasu et que je ne pensais pas faire la connaissance ici.

— Des échappés de zoo, sans doute, maugréa Kai. La vie en Arizona, ce n'est pas un long fleuve tranquille. Ce sont des rivières pleines d'alligators en bougeant vers le sud. Ne va pas où c'est trop profond, et surveille les chevaux. Ils ont un meilleur instinct que nous, me conseilla-t-il avant de fermer ses paupières.

En plus, il me mettait en garde comme on mettait en garde un enfant face au petit chien d'un voisin. Pas d'un prédateur avec des rangées de dents acérées. Je pris avec moi mes meilleurs amis à quatre sabots, espérant qu'ils sauraient vraiment me prévenir d'un danger imminent.

 Comme le disait Kai, les chevaux avaient un excellent instinct. Malgré le fait qu'ils aient probablement soif, ils ne se jetèrent pas comme des rustres vers l'eau. Non, ils observaient la surface pendant de longues minutes, leurs oreilles pointant vers tout ce qui pourrait être intéressant et potentiellement dangereux. Ce fut quand Hopi (bien plus courageux que son cavalier) commença à s'avancer que ses compères le rejoignirent. J'attendais quelques secondes, restant méfiante. Hopi m'en voudrait probablement de savoir que ne lui faisait pas entièrement confiance. Puis je me déshabillais et m'avançais au milieu de l'eau fraîche. Elle n'était pas aussi cristalline qu'à Havasu, mais ça suffisait pour se nettoyer de la poussière.

Quand je revins au camp, accompagnée des équidés, le reste des hommes était en train de déjeuner. Je me joignis à eux afin de déguster ma bouillie de maïs, au goût étrange, dont seule Katie avait le secret. Certains allèrent se laver, tandis que je préparais les chevaux et les sacs pour notre départ imminent, aidée de Katie et Karin. Cela ne se faisait pas dans la meilleure humeur possible évidement. Ça sautait aux yeux que je ne m'entendais pas avec Karin, et Katie n'avait pas envie de s'embêter avec nos broutilles de filles.

Quand tout le monde fut prêt, on avait de notre côté fini de préparer le nécessaire pour l'expédition du jour. Quelques hommes échappèrent des grimaces : ils savaient que l'on devrait se remettre en marche malgré nos courbatures de la veille. Le problème, c'était que je voyais déjà que notre mental allait s'effriter peu à peu : on avait beau croire à notre liberté, on avait sous-estimé le chemin jonché d'embuches pour y parvenir.

Je vis Kai approcher de sa jument, et avant d'avoir eu le temps de lui sourire, Karin se rua vers lui afin de s'accrocher à son cou, l'enlaçant comme si elle ne l'avait pas vu depuis dix ans, avant de lui parler en rigolant. Je soufflais en levant les yeux au ciel, mais au fond, Karin savait comment faire mal : en s'interposant entre moi et ceux que j'appréciais le plus. Sa meilleure arme contre moi était Kai, et les foutus sentiments que je ressentais pour lui. Ce n'était pas nouveau, nombre de fois j'avais été jalouse de cette autre fille, mais aujourd'hui, elle devenait trop entreprenante. Je tentais d'ignorer la scène qui se déroulait devant mes yeux, et rejoignis Tokpa.

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