Chapitre 8 : Différentes manières de mourir

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Je ne savais pas par quel miracle je me réveillai le lendemain. Ma tête était affreusement lourde, mes membres glacés. La nuit avait été fraîche, sensation accentuée par la rivière et mes vêtements trempés qui étaient à peine secs à l'aube. Je n'avais plus de présence humaine près de moi pour me réchauffer. Ma gorge se serra. Jake me manquait.

Je gagnais en me trainant le bord de la rivière, puis lâcha un cri d'effroi en croisant mon reflet. La pâleur de mon visage de se voyait presque plus avec toute la poussière accumulée sur ce dernier et mes cheveux roux ébouriffés comme une crinière de fauve me donnaient l'air d'une sauvage. Je me débarbouillais vite fait, avant de penser à mes plans pour la journée. Mais à part survivre en trouvant à manger, il n'y avait rien d'autre.

Je me mis alors péniblement en route en suivant la rivière. Techniquement, il y avait toujours des petits animaux ou des végétaux près des points d'eau. Donc je devrais bien trouver quelque chose de comestible dans le coin. Et je ne voulais plus errer à la recherche de quelque chose à boire comme la veille.

Le soleil était presque au sommet du ciel quand je décidai de m'arrêter un peu, fatiguée, affamée. Décidément, ma survie rimait beaucoup plus à trek dans l'Arizona qu'autre chose. Je mouillais encore une fois mes vêtements pour m'apporter un peu de fraicheur, même si l'effet durait à peine. La peau de mes bras était déjà rouge écarlate à cause du soleil, qui brillait sans un pur ciel azur, sans la trace d'un seul nuage.

Mon corps n'en menait vraiment pas large, que ce soit entre les coups de soleil, les grognements de mon ventre, mes pieds souffrant le martyr, sans doute à cause d'ampoules, mais je n'avais pas osé enlever mes chaussures pour vérifier, sachant que cela m'aurait plus démoralisée qu'autre chose. Et je commençais à avoir mal à la tête. Pourvu que je n'attrape pas une insolation.

J'avais aperçu plusieurs petits animaux comme des lièvre ou des souris, mais je ne pouvais pas les chasser. Ils étaient trop rapides, et il m'aurait fallu un arc (ainsi qu'une trentaine d'heures de pratique pour être en capacité de viser quelque chose sans mettre en danger ma propre santé, dégourdie comme j'étais). J'avais aussi aperçu un serpent, me faisant sursauter et pousser un cri ridicule digne d'une grosse criminelle envoyée dans l'Arizona. Parfois, la solitude avait du bon. Même si ça devenait pesant. Je désespérais de plus en plus, mes jambes étaient lourdes, contrairement à mon estomac complètement vide.

Soudain, une souris me fila entre les jambes, apeurée. Je relevais la tête, avant de découvrir plusieurs de ses compères à une dizaine de mètres de moi, qui prirent leurs jambes à leur cou à leur tour, abandonnant leur butin. Un tas de nourriture. J'avais l'impression de rêver. Je me pinçais le bras une fois, deux fois, et ne voulant pas souffrir une troisième fois, décidais que c'était suffisamment réel pour dévorer un biscuit. Il y avait à côté deux pains légèrement poussiéreux et aux trognons grignotés par les rongeurs, mais je savais que cela n'avait pas d'importance. J'avais faim. J'aurais pu en pleurer, sérieusement. De toute façon, j'avais déjà perdu pas mal de dignité en paniquant pour rien face au serpent à une quinzaine de mètres de moi, quelques larmes échappées pour un biscuit ranci ne compteraient pas. Il se disait que parfois, les stocks de nourriture non consommés par les gardes au Canada étaient envoyés aux États-Unis en même temps que certains prisonniers. Ça permettait de redorer un peu l'image du nouvel ordre installé : « regardez, on envoie peut-être les criminels ici, mais on ne les envoie pas vraiment à la mort, on les nourrit un peu ». Comme si deux pains durs allaient sauver du monde.

Malgré ma mastication et de mes dents qui essayaient de broyer des bouts de pain, un bruit attira mon attention. Je stoppai toute action, à l'affût. Des pas et des paroles. Des personnes. Que faire ? Et si cette nourriture était à eux ? Alors je n'étais qu'une voleuse. Non, ils ne laisseraient pas traîner de la nourriture au sol pour les rongeurs. Paniquée, je préférais trouver une cachette. Je tournai la tête dans tous les sens avant de découvrir une petite fissure dans le mur de pierre à côté de moi. Je m'y engouffrais en quatrième vitesse, en espérant que personne ne m'ait vue.

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