Chapitre 27 : Plan fou d'échappatoire

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J'avais souvent pensé à l'histoire de Kai, et son passé. Ça m'avait torturé l'esprit après toutes ses révélations. J'essayais de ne pas être trop ailleurs, aider au camp, mais c'était difficile. On ne pouvait pas rester indifférent après un tel témoignage. C'était trop poignant, trop injuste. Une enfance gâchée et des stigmates qui restaient. Parfois, je m'en voulais d'avoir fait remarquer à Kai que socialement, il avait du mal à se comporter avec les gens. Maintenant, je réalisais que c'était parce qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'évoluer sainement dans une société et avec des tiers. J'avais parlé de mon ressenti à Nolan et Derek, et ils m'avaient avoué qu'ils avaient réagi de la même façon. Ils étaient restés longtemps sous le choc. Qu'il fallait attendre. Ce même cours imperturbable du temps était ce qui avait permis d'éloigner Kai de sa souffrance. Ça pouvait nous permettre de nous éloigner de telles atrocités. Seul le temps pouvait guérir ce genre de blessures.

Pour ne rien arranger, l'atmosphère était différente au camp. Si je ne pensais pas aux problèmes passés de Kai, je m'inquiétais pour ceux actuels que connaissait l'État. La crainte d'un manque de nourriture était sur toutes les bouches. Celles de guerres entre camps pour piller les ressources des autres aussi. Pour faire oublier cet état d'esprit, on était allés chasser trois bisons en deux jours ; mais les gens comprenaient que ce n'était pas normal, qu'il se passait quelque chose. Kai avait refusé de leur dire la vérité, que lui aussi s'en inquiétait tout en ne voulant pas créer de mouvement de panique. Pourtant, on savait tous qu'un jour ou l'autre, il faudrait leur annoncer : l'Arizona ne serait plus viable. Et idéalement partir, mais comment ?

— On va s'enfuir d'ici, déclara Kai d'un air résolu en réunion avec Derek, Nolan et moi.

— S'enfuir ? répétai-je, pour être sûre.

— Oui, Léane, cet endroit est une prison. C'est bien pour ça qu'on va s'en échapper, quel qu'en soit le prix. Mourir ou être prisonnier, c'est la même chose, de toute façon.

Une fois de plus, cet homme montrait qu'il était fou. Habituée, je lui souris. Nos amis ne dirent rien : ils savaient eux aussi que Kai était borné, et la situation désespérée. Sa folie éternelle pouvait se justfier.

— C'est une prison surveillée et barricadée. Notre issue est le sud, on est d'accord sur ça. Maintenant, il faut savoir comment parvenir jusque là-bas, fit la voix ferme de Derek.

— A pied et à cheval, affirma Kai en haussant les épaules d'un air désinvolte.

Je regardai le regard pesant de Derek sur Kai, qui visiblement n'appréciait pas l'humour de ce dernier en ce moment même. Si l'un avait l'habitude d'une organisation décousue, l'autre représentait l'ordre et la rigueur militaire. Ils étaient différents, mais leur union nécessaire, et elle faisait que le camp s'était toujours bien porté. Je levais le regard vers notre dernier comparse, Nolan, qui était davantage intéressé par l'analyse de la dernière statuette de bois gravée par Kai. Il complétait bien son chef pour ça... Derek soupira en comprenant que ses alliés n'étaient pas au plus sérieux, malgré la gravité de la situation. En effet, nous étions tous les quatre à discuter dans la chambre de Kai des différentes façons de nous évader.

Nous avions un obstacle évident qui justifiait une réunion : les États Unis étaient une prison. Les prisons étaient faites pour garder les prisonniers, pas pour qu'ils puissent s'échapper. Devant cette constatation évidente, c'était justement tout notre problème qui se posait. Comment s'échapper discrètement et en préservant toutes les vies humaines ?

— On sait qu'il y a les grillages mais pas de gardes, mais sans doute des caméras de surveillance sur la frontière. Personne n'a jamais essayé de s'échapper, on ne peut donc pas apprendre de leurs erreurs, rajoutai-je.

ArizonaWhere stories live. Discover now