Chapitre 38 : Conditions d'intégration

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Je regardais l'engin mécanique en face de moi. Un hovercraft, uniformément noir. Les hommes armés de Nogales nous mirent en rangées avant de rentrer à l'intérieur. Une certaine boule se forma dans mon ventre. Je n'aimais pas les hovercrafts. Ils avaient beau s'être développés ces vingt dernières années pour être utilisés en masse par l'armée et divers services, j'en gardais un mauvais souvenir. J'en avais pris qu'une seule fois jusque-là, et c'était pour aller en Arizona. Même si celui que j'allais prendre ce jour-là allait m'amener loin de ma terre d'accueil, à des milliers de kilomètres plus au sud dans un territoire hors de tout conflit, une certaine appréhension ne voulait pas me quitter.

Je voyais Kai négocier avec José pour la place réservée aux chevaux, par un dialogue de divers arguments variés et solides pour que les gardes nous laissent prendre nos fidèles montures. Elles en avaient bavé jusqu'à la frontière, et je pensais sincèrement qu'elles méritaient elles aussi d'un avenir avec nous. Et puis séparer Kai de ses animaux, ce serait signer directement son arrêt de mort. 

Il avait toutefois boudé quand il avait été décidé d'accepter les chevaux, mais en ayant recours aux fléchettes tranquillisantes. En effet, les animaux auraient été trop turbulents dans un espace clos et inconnu de l'hovercraft, eux qui avaient toujours vécu sans limites spatiales dans l'immensité du désert arizonien. Au vu de la fougue de Kai qui continuait d'argumenter dans son coin, je soupçonnais les gardes de Nogales de vouloir discrètement piquer la fesse de notre chef avec l'une de ces seringues, afin que lui aussi apporte la paix lors de notre voyage. 

De notre côté, le reste du groupe faisait profil bas pour l'instant, comprenant que nos sauveurs nous donnaient déjà une chance énorme en nous récupérant dans leurs hovercrafts, sans qu'ils n'y gagnent au change, sauf s'ils aimaient supporter un Kai grincheux.

Je me méfiais toutefois de l'attitude radicale de ces gardes, passant de la menace à l'acceptation envers notre groupe, acceptant même de prendre nos animaux sous l'ordre de l'homme à la chemise blanche. Notre ange gardien devait probablement avoir une forte autorité pour autant changer les esprits de ses hommes. Je devinais que comme Kai, il était probablement un chef. A l'intérieur de l'engin, tout était éclairé par des néons légèrement teintées de vert. Un des hommes me guida jusqu'à une zone qui comprenait des banquettes de plusieurs sièges. Je m'installais sur un, regardant nerveusement le reste de mes amis prendre place à côté de moi, un peu comme des enfants timides un jour de rentrée des classes.

J'attachais ma ceinture, tout en merdouillant quelques minutes en m'emmêlant avec les sangles, sous l'œil scrupuleux des gardes.

Ces derniers nous fixaient perpétuellement, les mains sur leurs fusils baissés, comme s'ils n'avaient jamais vu de criminels de leurs vies et qu'on allait leur sauter à la gorge. Alors qu'ils n'imaginaient pas que l'on était davantage épuisés par notre périple de plusieurs semaines et du flux d'émotions fortes qui venaient de nous traverser depuis quelques heures. Ou bien ils nous fixaient car on attirait également leur curiosité sur le plan physique. Ils revêtaient des uniformes bruns implacablement propres et repassés tandis que nos vêtements étaient au contraire déchirés et pleins de tâches diverses, et je commençais à sérieusement douter de notre odeur corporelle. Très enrichissant pour notre première découverte du milieu extérieur de la prison. J'étais sûre que c'était la dernière fois que ces individus voudraient sauver des prisonniers (j'espérais pour eux que le système de ventilation de l'hovercraft était performant).

Soudain, une grande silhouette s'interposa face à moi. Je reconnu notre ange gardien, malgré le fait que la lumière verdâtre reflète sur sa peau mate et ne laisse apparaître que certains détails de son physique. Ses yeux noirs et perçants me regardaient continuellement, et il commença à me parler :

ArizonaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant