Chapitre 12 : La sentence de Kai

6K 555 119
                                    

Les doux rayons du soleil sur mon visage me réveillèrent doucement. Je baillais à m'en décrocher les mâchoires, avant de respirer un grand coup. Je remarquais qu'il n'y avait pas la légère odeur des pins, remplacée par celle de la poussière. Je n'étais plus au Canada. Il n'y avait ni mon frère, ni mon père. Juste moi, et seulement moi, et ce putain d'État où j'étais coincée pour trois ans.

Je me levai clairement du mauvais pied, jurant quand je renversai rageusement la chaise en allant vers la boîte au fond de la chambre, où je stockais mes rares vêtements dénichés par Kai. Il y avait de tout dedans, et Kai avait dû à chaque fois y déposer au hasard des tissus qui traînaient quand il estimait que c'était pour les femmes. Ça allait de la robe pour jeune adolescente qui m'arrivait en haut des fesses, un vieux t-shirt troué à l'effigie d'un ancien boys band dont le chanteur avait probablement eu des tas de groupies à ses pieds avant de mourir bombardé, au débardeur pour enfant avec un poney dessus et aux paillettes délavées.

Je trouvais un t-shirt gris large où une écriture calligraphiée encourageait d'un joyeux « think positive », ironique ici. Je rentrais mon haut dans un short noir et terne, que je dus resserrer par une ceinture de corde. Quand Kai entra sans frapper dans la chambre (toujours de bonnes manières), je finissais le nœud de ma ceinture de fortune. Il arrivait trente secondes plus tôt, je l'aurai accueilli en culotte. Pervers.

— Tu es matinale aujourd'hui. Heureusement.

C'était ses seuls mots. Pas de « bonjour », pas de « je ne te dérange pas ». Je ne comprenais jamais le manque de manières de ce type. Comme pouvait-on être aussi maladroit dans des relations sociales ? Je restais muette face à lui. Plus je fréquentais ce Kai étrange, plus je voulais Jake. Même si visiblement, Kai avait abandonné tout espoir pour que nous retrouvions mon ami.

— ­Alors on y va ? continua-t-il de sa voix trop enjouée de bon matin. Une très grande journée nous attend.

Je le suivis dans le plus grand silence jusqu'à une pièce du rez-de-chaussée, qui servait de garde-manger, selon ses mots. J'aurais plutôt dit un entreposage aléatoire de denrées alimentaires.

— C'est Katie et les intendants qui gèrent le stock. On ne pique rien sans accord d'un chef, ou d'un des bras droits.

Kai prit deux pommes et m'en donna une pour le petit déjeuner. Il lança la sienne en l'air, la rattrapa et la croqua allègrement, un air de défi dans les yeux.

— ­Cadeau du chef, dit-il avec un clin d'œil. Quel avantage d'être chef : échapper à la bouffe de Katie.

Là-dessus, il n'avait pas tort. Manger une bouillie au goût de vomi si tôt, cela promettait une journée de gâchée. Kai partit sereinement en sifflotant, grignotant sa pomme sur le trajet.

Au corral, il retrouva Nolan qui préparait un harnais pour son cheval. Il salua gaiement son ami via une accolade affectueuse, et j'eus le droit à la même.

— Ah, les gars ? Bien dormi ? Et toi, Léane ? Tu n'entends pas les ronflements de Derek la nuit ? Il réveille tout le bâtiment ! Un vrai tracteur ! Au fait, José est parti ce matin, il va voir pour la nourriture et surveiller notre territoire.

— Parfait, répondit Kai en profitant du faible instant où Nolan reprit son souffle pour réussir à en placer une. Tu vas faire quoi, toi ?

— Chasse au lièvre, ricana Nolan.

— On pourra encore manger de la poussière ce soir, se moqua le chef.

— Et vous deux ?

— Je vais montrer les environs à Léane, histoire qu'elle ne se perde plus et qu'elle n'aille pas dans des endroits dangereux. Au fait, si jamais tu croises un inconnu dans le secteur, probablement sale ou déshydraté, ou mort, ce sera sans doute l'ami de la demoiselle. Tu me tiendras au courant ?

ArizonaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant