Chapitre 37 : Comité d'accueil

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Plus personne n'osait bouger. Notre groupe regardait entre curiosité et anxiété les hommes qui se tenaient devant nous. J'imaginais aisément tout le monde se poser des milliers de questions dans sa tête, comme j'étais en train de le faire.

Les hommes armés face à notre groupe demeuraient immobiles, les viseurs pointés sur nous. Après la frénésie de notre fuite, le temps s'était stoppé. Un jeu de regard s'interposait entre nos deux camps, l'inquiétude et l'incompréhension présentes dans tous les esprits.

L'homme qui avait parlé une première fois dit de nouveau quelque chose, qui ne sonnait pas clairement dans nos têtes. Je n'avais pas compris le sens de sa première phrase, il parlait une langue qui m'était étrangère. Une seule chose me rassurait : ça ne ressemblait pas à du russe. Même Kai ne semblait pas en avoir saisi le sens.

On ne comprenait rien et en conséquent, on ne faisait rien, ce qui semblait avoir le don d'agacer les individus face à nous. En même temps, vu leurs visages sévères, un seul faux-pas et ils semblaient prêts à ouvrir le feu, donc autant ne pas bouger, même si cela les tracassait.

— ­ Mettez-les mains sur la tête et ne bougez pas !

C'était la première fois que j'entendais José porter fort la voix et de plus donner un ordre à l'ensemble du campement. Sous la pression, tout le monde obéit en une seule seconde. José avait compris, et l'évidence me frappa comme si j'avais longtemps été une idiote.

Les hommes en face parlaient espagnol. Comme la majorité des gens en Amérique du Sud, en toute logique. C'était quelque chose auquel on n'avait pas réfléchi en élaborant notre unique (et fou) plan d'évasion, mais maintenant, on avait réalisé que la barrière de la langue s'imposerait à nous, quelques minutes après avoir quitté le sol des Etat-Unis. C'était près, même trop près. Ces types parlant en espagnol étaient probablement membres de l'UNASUR. Si c'était miraculeux que notre explosion n'ait pas alerté les autorités du Nouvel Empire Russe, ce n'était pas le cas de celles des pays du Sud de l'Amérique. En espérant qu'ils se montrent compréhensifs avec notre cause de détenus en pleine escapade (ça semblait compromis).

Par chance, ou par poisse, un seul avait la capacité de comprendre ce que l'on nous disait, et en conséquent d'en faire l'interprète : José. Le moins loquace du groupe tout entier. Je me souvenais de notre rare discussion entière que l'on avait eue un jour, lui m'expliquant qu'il était passeur bien avant, aidant les Mexicains à passer vers États-Unis. Ce mur avait probablement une histoire particulière pour lui. Il savait donc parler l'espagnol couramment. Tous nos espoirs reposaient sur José. S'il lançait une insulte en espagnol, je ne donnais pas cher de notre peau en ce moment.

L'homme brailla autre chose, ce à quoi José répondit. C'était la première fois que je le voyais parler ouvertement avec un inconnu. Son ton de voix montait, la colère le gagnait. Oh mon dieu, ce n'était pas bon signe. Au milieu de ce chaos, nous les autres, avions sans doute l'air d'être les individus les plus ridicules de la planète : tous avec deux mains sur la tête, immobiles, ne comprenant rien du tout à ce qu'il se passait, à part que notre tentative d'évasion avait réellement échoué. Enfin, elle était en cours d'échec. Elle serait terminée quand on nous renverrait dans l'Arizona ou qu'on nous mettrait une balle dans la tête une fois la joute verbale entre José et l'inconnu terminée. Aucune de ces issues ne me plaisait, mais je commençais à reconnaître intérieurement que tout semblait foutu. Même Kai n'en menait pas large ajouté au fait qu'il devait garder les mains sur la tête alors qu'il se pliait en deux pour tousser la fumée qu'il avait fortement ingérée plusieurs minutes avant.

— José, l'appela malgré tout Derek. Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est qui ? Et que nous veulent-ils ?

José se retourna doucement, et au vu de la tête qu'il tirait, ce n'était pas bon. Pas du tout. Je sentais une boule se former dans ma gorge, je savais que la suite ne nous plairait vraiment pas. Mourir sous l'explosion de Kai aurait eu le mérite d'être plus glorieux qu'une balle d'un inconnu dans la tête parce que, zut, on ne parlait pas espagnol.

ArizonaWhere stories live. Discover now