Chapitre 26 : Le passé de Kai

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Le lendemain, Kai avait organisé notre journée à la minute près, relevant d'un sens de l'organisation de sa part qui m'impressionnait. D'abord, il voulait à tout prix se balader à cheval, chose qui lui avait manqué durant son repos obligatoire. Nolan et moi l'accompagnâmes donc, même si Kai avait passé plus de temps à parler à sa jument qu'autre chose. Mais cela faisait du bien de le voir ainsi, si heureux. La liberté était quelque chose impossible à lui enlever. Je m'étais souvent demandé pourquoi il tenait tellement à cette liberté sans limite, et je croyais que si on y avait goûté une seule fois, on voulait garder ce sentiment toute sa vie. C'était sans doute le cas de Kai.

Derek était resté surveiller le camp, Karin aidait Katie et ses équipes en cuisine (ce qui expliquait le meilleur goût de notre nourriture depuis quelques temps, s'il fallait lui reconnaître une qualité). Une journée paisible pour tout le monde prenait place, chacun vaquant à ses occupations quotidiennes.

Puis en fin de journée, Nolan repartit au camp, tandis que Kai m'amenait ailleurs. J'étais à la fois impatiente de savoir tout ce qu'il voulait me dire, et à la fois anxieuse, au vu comment son passé semblait le détruire. J'avais difficilement attendu ce moment tout au long de la journée, et à présent, mon cœur battait la chamade sous l'excitation d'enfin tout connaître.

Nous avions fait une bonne partie du chemin à cheval, avant de finir à pied. Il m'amena en haut du grand canyon. Je m'approchai du gouffre, mais Kai m'attrapa la main.

— Fais attention.

Il me faisait rire. Je voulais bien croire que j'étais maladroite et savais parfaitement me mettre dans le pétrin, je n'avais pas non plus des poussées suicidaires. Contrairement à lui.

Je regardais face à moi, émerveillée. Le paysage était grandiose, avec une vue surprenante sur plusieurs kilomètres. On surplombait les paysages splendides de l'Arizona et ses multiples canyons, baignés par le soleil orangé, recouvrant de magie l'atmosphère magique et réchauffant ma peau d'une douce chaleur.

Au début, je pensais que ce cadre majestueux était le fruit du hasard, mais en me retournant vers Kai, je vis ses prunelles ambrées embrasser du regard ce qui était devant nous, avec une telle passion et émotion que je comprenais que cet endroit représentait bien plus pour lui. Il s'assit par terre, à proximité du vide. En silence. Je compris et m'installais à côté de lui. Les rayons du soleil couchant illuminaient nos visages. Les yeux de Kai viraient au doré, sa peau semblait plus bronzée. De même, mes cheveux roux étaient plus lumineux.

Kai ne détourna pas le regard de l'horizon, et commença à parler, d'une voix faible et atone :

— Tout remonte à vingt ans environ. Mon âge. Les gardes du futur Nouvel Empire Russe étaient venus ici, à Supai exactement. C'est un des villages les plus isolés au monde. Ils préparaient une mission secrète. Ils prévoyaient où devaient atterrir les bombardements futurs pour faire le plus de victimes...

Dès ses premiers mots d'introduction, je comprenais que son récit ne serait pas aussi beau que le paysage face à nous. Je sentais à sa voix qui partait quelques fois chercher un mot, difficilement, comme s'il était enterré au plus profond de son être, que Kai me révélerait quelque chose qui ne me plairait pas. Le début commençait à être triste, et je craignais que cela s'accentue par la suite.

— Leur camp n'était pas très loin de l'hôtel de ville sur lequel ils avaient la main mise. Ils vivaient dans une réserve aux portes de Supai. Où vivaient déjà d'autres personnes. Les Yavapais, une des rares premières nations encore vivantes. Au début, les gardes n'y avaient pas fait attention, mais ils s'en méfiaient quand même. Pourtant, c'était des indigènes pacifistes. Ils faisaient leur vie, vivaient dans leurs petits campements avec leur communauté. Très vite, ils ont commencé à les ficher. Pour savoir qui ils étaient. Ils ont appris à les connaître, ainsi. Certains ont commencé à leur faire confiance. Dont un général russe. Il a commencé à sympathiser avec une femme Yavapai. Je crois qu'ils s'aimaient vraiment. Enfin, c'est ce que mon père me disait, même si forcément, ce genre de relation était mal vue en raison du contexte. Je suis né quelques mois plus tard, un peu comme un secret. C'est un curieux métissage, non ? Avoir du sang Yavapai mais aussi russe. Ça doit expliquer ma génétique bizarre, avec ma peau bronzée mais mes cheveux et mes yeux plus clairs que les autres indigènes. Enfin, ce mélange posait un problème. On fait quoi d'un gamin qui ne semble suffisamment appartenir à un seul peuple ?

ArizonaWhere stories live. Discover now