Chapitre 43 : Bons moments

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J'avais l'impression d'être une autre personne avec des vêtements propres, qui en plus sentaient divinement bon la lessive. Je croyais avoir oublié ce que c'était. Marcello avait fait livrer à chacun d'entre nous plusieurs sets de vêtements pour se changer, dans de jolis tons pastel. J'avais donc récupéré une chemise bleu ciel et un short en coton beige, ainsi que des bottines. Même si la chemise m'était largement trop grande et que j'avais dû chercher une ceinture pour éviter de perdre mon bas à chaque pas effectué, j'espérais vite grossir pour avoir une meilleure apparence dans ces vêtements.

La première fois que Kai m'avait vue dans cette nouvelle tenue, il avait fait une tête entre l'hébétement et la surprise, avant de sourire et de me sortir un joli compliment :

— Tu es vraiment trop belle ! J'aime beaucoup tes vêtements, ils te vont bien ! Tu as l'air bien plus innocente par rapport aux vêtements délavés que je t'avais trouvé au camp !

Je lui avais fait un baiser sur le coin des lèvres, avant de laisser glisser une main le long de son torse. Il avait hérité de nouveaux habits lui aussi, et arborait un bermuda marron clair ainsi un t-shirt blanc. Mais il faisait souvent des mouvements d'épaules, arguant que le tissu le serrait. Je pensais surtout qu'il était un peu trop habitué à porter des chemises largement ouvertes sur son torse ou rien du tout, et qu'il faudrait qu'il se fasse aux tenues classiques en société.

Toutefois, je repensais souvent à sa dernière phrase. Surtout au mot « innocente ». Et je compris. Tous les vêtements donnés aux prisonniers arboraient des teintes claires. Rien de criard. Tout dans la douceur. Je comprenais le désir de nous donner une image d'innocents, peut-être pour rassurer la population si jamais nous devions enfin la rencontrer. Tout était calculé jusqu'au moindre détail. Était-ce parce Marcello n'avait aucune confiance en nous ; ou bien voulait-il nous aider au maximum pour récolter la confiance unanime des sud-américains ? Je ne savais pas, mais penchais sincèrement vers la deuxième option. Nous étions tous des nouvelles personnes maintenant : propres, beaux, nourris... L'époque où nous survivions en Arizona paraissait étrangement lointaine alors que ce n'était que quelques jours auparavant. Maintenant, il ne nous manquait plus qu'un avenir et une liberté totale, mais je savais que ce serait le plus compliqué à obtenir.

Mais Marcello y travaillait durement. En effet, nous devions apprendre quand même de nouvelles langues latines : l'espagnol et le portugais. J'avais quelques facilités dans la compréhension de la construction des phrases, me souvenant comment mon père me parlait parfois en français, et décalquant cette construction avec l'espagnol. Cela m'aidait. Et puis, j'étais jeune et avais l'habitude du travail scolaire. La dernière fois que j'étais allée en cours remontait à quelques mois. José parlait déjà couramment espagnol et se donnait à cœur de nous aider dans nos exercices, et ne manquait pas de rappeler à l'ordre Nolan qui comme à son habitude, montrait rapidement des réflexes d'élément perturbateur.

Celui qui avait le plus de mal avec ces cours était Kai. Actif comme il était, il peinait à rester assis plusieurs heures à écouter quelqu'un ou faire des exercices. Il râlait tout le temps, baillait au bout d'une heure, se plaignait qu'il ne comprenait rien, et gribouillait n'importe quoi sur sa feuille quand cela l'agaçait. Quand j'étais assise à côté de lui, j'essayais de l'aider et le motiver. Quand c'était Nolan, c'était pire et les deux ne faisaient que déconner, s'attirant des soupirs du professeur.

Un jour, Marcello passa dans les couloirs et interpella Kai, et je me doutais qu'il avait eu des échos de nos cours de langues :

— Kai. J'ai entendu dire que tu n'étais pas si assidu aux cours de langues. C'est important pour votre intégration.

C'était aussi ce que je redoutais, mais parfois, Kai était simplement immature et ne voulait pas comprendre cette problématique. Il allait falloir qu'il s'intègre, qu'il se conforme aux exigences d'une société. Il ne pourrait pas éternellement n'en faire qu'à son libre choix, comme en Arizona.

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