Chapitre 22 : Proposition inespérée

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Les mots de Nolan m'avaient marquée, mais ils n'avaient pas effacé un fait : cela faisait exactement six jours que Karin collait Kai à longueur de journée, ce qui ne semblait point déplaire à celui-ci. Nolan restait avec moi, et au moins, notre complicité s'était accrue. Mais je n'avais pas le courage d'aller voir Kai, lui dire que j'aimerais à nouveau que l'on passe du temps ensemble, comme avant. Malgré les nombreux encouragements de mon ami, je n'arrivais pas à trouver l'assurance nécessaire pour l'avouer à Kai. Il ne restait que ma jalousie, car je détestais cette Karin pour voler toute l'attention que lui avait eu l'habitude de me porter. Cela me faisait d'autant plus souffrir que j'avais l'impression que notre complicité s'était comme dissoute.

De toute façon, je me forçais à croire que ça ne servait à rien, que les sentiments n'avaient pas leur place ici. Mais ces derniers restaient quand même bien ancrés dans mon esprit et l'accaparaient douloureusement dès que je voyais Kai sourire à sa nouvelle grande amie.

Pour m'occuper et cesser de voir Kai et Karin sous mon nez, je m'affairais comme je pouvais dans le camp ou en expédition. Notre balade de ce matin avec Nolan et José avait permis de tuer un mouflon, que Nolan avait réussi à toucher avec son arc. Il ne s'y attendait pas, nous non plus, mais le camp en avait été ravi. Ça m'aurait presque fait oublier l'absence de Kai, alors que Karin avait insisté pour qu'il continue à lui apprendre l'équitation qu'elle avait soi-disant pratiquée enfant. Et comme Kai était trop gentil, il avait forcément accepté. Depuis quand promener une princesse sur un cheval était plus vital que ramener de quoi faire des grillades pour remplir notre estomac de nourriture comestible ?

Mais je n'étais pas la seule à qui cette situation déplaisait. Nolan était clairement jaloux que quelqu'un attire autant l'attention de son meilleur ami et Derek soufflait parfois quand Karin venait chercher Kai pour qu'il lui apprenne à monter à cheval. En effet, tant que Kai était avec sa princesse, il n'allait pas à la chasse au bison, et dieu sait que Derek n'était pas content s'il devait faire une croix sur ses grillades. Même José avait échappé une critique, qui rejoignait également la moins bonne implication de Kai à la chasse. Et il avait ensuite lancé une moquerie en disant que Kai était probablement sous le charme de notre nouvelle recrue, ce qui m'avait fait serrer les dents en silence.

Conformément à mon programme, je décidais d'aller me promener pour l'après-midi, à la recherche de denrées et pour m'éloigner du camp et de son chef. Quelques mois auparavant, je n'aurais sans doute pas fait de cas d'une telle crise de jalousie. Ce n'était pas le genre de problème qui m'aurait concerné. La vie au Canada était trop différente. Une vie sous une dictature russe n'était comparable à rien. Étonnement, nous avions plus de liberté dans un État américain, car nous n'étions pas autant surveillés.

Par ailleurs, je ne savais pas si le reste du monde était heureux. Je m'étais souvent posée la question, et les réponses que j'avais obtenues étaient rares. Personne n'osait en parler. Sans doute parce que le peu qu'ils savaient n'allaient pas toujours de paire avec la vérité qu'essayait de nous faire croire le nouveau régime.

Pourtant le Nouvel Empire Russe avait voulu mettre en place d'égalité sur le monde, changeant de l'époque capitaliste antérieure dominée par les États-Unis, mais elle avait lourdement échoué. Du moins en Amérique du Nord. De toute façon au Canada, les Russes avaient leurs raisons à eux pour nous détester. On était pour la plupart des émigrés américains, leurs ennemis du passé. Alors, on pouvait vivre dans un enfer, ils n'en avaient rien à faire. Ils devaient aimer nous voir crever dans la boue en craignant les prochaines rigueurs de l'hiver.

La situation était meilleure pour la plupart des pays d'Europe et d'Asie, qui avaient signé des traités de paix avec le Nouvel Empire. Ils voulaient éviter une guerre. Sans les États-Unis, quoiqu'il arrive, l'Europe était trop fragile ; et l'Asie ne voulait pas se retrouver seule contre tous. L'Afrique avait le même destin que l'Asie, encore secouée par des grandes sécheresses de la décennie 2030, poussant la population à continuer une émigration vers des zones moins touchées par le climat, malgré les ressources dont bénéficiait le continent après une forte croissance dès les années 2020. Politiquement, beaucoup de pays y restaient instables, et c'étaient mieux pur eux de compter sur la nouvelle alliance au bénéfice du Nouvel Empire Russe. L'Océanie avait été trop durement touchée par une épidémie, d'un virus appelé XI-06, qui avait divisé par quatre la population de l'Australie dans les années 2020. Les autres pays du globe avaient voulu fermer leurs frontières pour se protéger. Cela avait plus au moins marché. Il ne restait qu'un monde instable, facilitant une nouvelle prise de pouvoir mondiale.

ArizonaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant