Chapitre 7 : Pourquoi survivre en enfer ?

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Les premiers rayons du soleil me réveillèrent le lendemain, m'apportant leur douce chaleur matinale sur la peau de mon visage. J'ouvris faiblement les paupières, dans les vapes. J'avais froid. Chaud en même temps. C'était étrange. Je ne savais même pas quand j'avais fini par me reposer, alors que le sol inconfortable et sa caillasse m'avaient transpercé le dos toute la soirée, que le froid m'avait tenaillé une grande partie de la nuit malgré le corps de Jake contre le mien, et les questions incessantes de mon cerveau qui perturbaient ma quête de sommeil. J'avais finalement dormi mais d'un sommeil agité.

Je soufflais un coup, déprimée, et mais un goût âcre se forma dans ma gorge. La soif. J'avais terriblement soif.

Il fallait que je trouve de l'eau, et vite de préférence. Je n'étais pas idiote, c'était l'été, et l'Arizona était une fournaise pendant la journée. Tant qu'à faire, éviter la mort par déshydratation à mon deuxième jour ici était une bonne idée. Enfin, éviter la mort tout court était le but, ici. Je me relevais en position assise, alors que la tête me tournait. Il me faudrait aussi manger. Je me tournai vers mon ami, encore ensommeillé, malgré ses paupières qui frémissaient.

— Hé, psst. Debout, Jake.

Le soleil faisait briller ses mèches dorées, blondes comme le blé. Dans son sommeil, ses traits d'enfant que j'avais toujours connu ressortaient, seul le soupçon de barbe blonde trahissait le fait qu'il ait grandi. Je lui secouais doucement le buste, le forçant à ouvrir ses beaux yeux sombres.

— Laisse-moi, grogna-t-il sans enthousiasme.

— Super le réveil. On dirait que tu n'es pas du matin, remarquai-je, vexée.

— Non, c'est pas ça.

Quelle humeur de chien. Bon, en même temps, vue notre situation, cela pourrait être compréhensible. On a été arrachés à nos vies, nos proches, le peu qu'il nous restait. Il avait sans doute faim et soif, lui aussi. La fatigue le rendait exécrable. Jake se redressa lentement, comme un zombie.

— Bon, écoute je pense que comme on est ici tous les deux, on va devoir survivre ensemble. Notre priorité c'est d'abord l'eau, ensuite la nourriture. Enfin, un meilleur abri pourrait nous...

— Tais-toi, bon sang ! Ne commence pas avec ça là, dès le matin ! me coupa-t-il. Tu ne comprends rien !

Hein ? Quoi ? Mais pourquoi il s'énervait, là ?

— Ça ne sert à rien tout ce que tu fais ! On va mourir tous les deux, tu ne peux pas lutter contre ! Les gens crèvent quand ils sont condamnés, et encore plus quand ils finissent dans cet État de merde ! Tu vois le soleil ? Tu vois toutes ces couleurs rougeoyantes autour de nous ? C'est l'enfer ici. On est au beau milieu d'un enfer, et quoi que l'on fasse, on est morts.

Je n'en revenais pas. Comment pouvait-il dire cela ? Ce n'étais pas le Jake que j'avais connu ! Je l'avais toujours vu courageux, comme quelqu'un qui se battait toujours. Il filait après les cours, dans un travail mal payé dans les champs, histoire de gagner l'argent nécessaire pour entretenir ses sœurs. Il prenait des risques inconsidérés à voler tout le temps, pour revendre des babioles au marché noir. Alors pourquoi, pour la première fois de sa vie, il abandonnait ? Je ne l'avais jamais vu tomber aussi bas qu'aujourd'hui, et je ne savais pas quoi faire. Parce qu'il avait toujours été mon héros, désormais, il m'impressionnait moins. Pire, je ressentais quelque chose que je ne pensais pas connaître de lui : de la déception.

— Jake, on doit survivre. Après notre peine, on reviendra chez nous. Tu retrouveras tes sœurs, tentai-je pour lui remonter le moral.

— Tu crois vraiment que ma famille sera encore vivante dans trois années ? Non ! J'étais l'unique personne qui leur apportait de quoi manger ! Alors il va se passer quoi, hein ? Elles vont crever d'ici quelques semaines, ou plus tard au début de l'hiver ! Personne ne les calculera, parce que ceux qui crèvent de faim, il y en a des tas chaque jour ! Elles ne survivront jamais trois ans toutes seules !

ArizonaWhere stories live. Discover now