42 - Se rendre utile

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— Je comprends pas pourquoi tu leur as menti, insista Luc. Ils vont être furieux quand ils reviendront.

— C'est bien pour ça que je compte pas rester dans les parages.

La serrurière du dimanche laissa tomber deux vis au sol et écarta la poignée disloquée pour accéder au mécanisme interne. En quelques gestes habiles, elle débloqua le système et la porte s'ouvrit en couinant.

Luc sentit sa mâchoire se décrocher de surprise. Pris de panique, il se précipita sur la porte avec l'intention de la refermer sur-le-champ, mais la poignée dévissée lui resta entre les mains.

— T'es complètement folle ! angoissa-t-il. C'est l'ADICT, on peut pas lutter contre eux !

— Tu préfères lutter contre moi ? suggéra la jeune femme avec un regard piquant.

— N-non, bafouilla l'intimidé.

Sans perdre de temps, Ellie entraîna son boulet réticent vers le poste de pilotage. Le Waterloo était un vaisseau coquet, comme on aurait pu le qualifier pour éviter de le vexer, et il était aisé de s'y retrouver dans son espace restreint. Dès que Luc comprit les intentions de la jeune femme, il freina des quatre fers.

— Ne me dis pas que tu veux voler un patrouilleur de l'ADICT ? se crispa-t-il.

— T'as une meilleure idée ? proposa l'aventurière, déjà installée derrière les commandes.

— On va passer le restant de nos jours en prison ! C'est du délire !

— Pour ça, faudrait qu'ils nous attrapent d'abord.

L'apprenti se laissa tomber dans un fauteuil, le visage caché derrière ses mains prises de tremblements compulsifs. Il ne voulait pas être là. Il voulait revenir en arrière, quand Falco était encore en vie. Revenir en arrière, pour dissuader son oncle d'accepter cette clandestine porteuse de malheur à bord.

— Hé, jette un œil à ce charabia, requit la jeune femme en attirant l'attention de son camarade d'un coup de coude.

Luc releva la tête, la vue brouillée par la pellicule de larmes qui voilait ses yeux. Il se pencha vers les écrans de contrôle et y vit une lueur d'espoir.

— Alors, insista Ellie. Tu peux contourner ça ?

— Non, sourit le jeune homme malgré lui. Sans le code de sécurité, on ne peut rien faire.

— Allez, y'a toujours un moyen. Me fais pas croire que t'as pas un début d'idée.

— Ellie, reprit-il en la regardant dans les yeux avec sérieux. C'est un patrouilleur de l'armée, pas un vieux transporteur bon pour la casse. Il y a probablement plus de mesures de sécurité dans ce système que de moutons à bord du Stockholm. Sans compter que je n'ai pas le plus petit début de connaissance sur le sujet. Tu te fourres le doigt dans l'œil si tu penses pouvoir contrôler quoi que ce soit ici.

La jeune femme laissa voir la contrariété sur les traits durs de son visage. Changer de plan au dernier moment était une action périlleuse, mais de toute évidence nécessaire étant donné la situation critique dans laquelle ils se trouvaient. S'ils ne parvenaient pas à fuir à bord du Waterloo, ils allaient devoir reprendre le contrôle du Stockholm.

Ellie délaissa le fauteuil de pilote à regret et repartit vers les coursives, suivie avec quelques pas de retard par son fardeau démotivé.

— Où sont les clés de la cellule de détention ? interrogea-t-elle sans ralentir.

— Les clés ? Tu ne vas quand même pas le libérer...

— Bien sûr que si, si quelqu'un peut se montrer utile ici, c'est bien lui.

Le couloir à proximité de la cellule était tapissé de casiers dans une ambiance de vieux vestiaires sportifs. La jeune femme n'attendit pas que Luc se décide à l'aider pour entreprendre une fouille rigoureuse.

— Il est trop dangereux, protesta l'apprenti, à bout d'arguments pour stopper la folie téméraire de sa camarade.

— J'espère bien, approuva Ellie en agitant le trousseau de clés qu'elle venait de dénicher. Dangereux, c'est justement ce qu'il nous faut pour l'emporter sur quatre soldats de l'ADICT.

Elle pénétra dans la pièce au fond de laquelle se trouvait la cellule, retenant à la dernière seconde un geste automatique qui s'apprêtait à allumer la lumière. Seth était comme à son habitude tapi dans un coin, en partie dissimulé sous une couverture.

— Sois raisonnable, implora une dernière fois Luc en essayant de retenir sa camarade par le bord de son t-shirt.

Elle l'ignora et l'abandonna sur le seuil qu'il n'osait pas franchir. Quelques pas l'amenèrent devant les barreaux de la cellule et elle tourna la clé adéquate dans la serrure d'acier. Un bruit sec indiqua le déverrouillage du mécanisme. Seth n'avait toujours pas esquissé le moindre mouvement. La libératrice entra alors dans la cellule et s'agenouilla auprès du prisonnier passif.

— J'ai besoin de toi pour battre les soldats qui empêchent le Stockholm de repartir.

Elle dévoila une paire de lunettes à vision nocturne récupérées dans le vestiaire des militaires et les passa d'un geste prudent sur la tête de son allié. Après quelques réglages, l'outil pallierait son problème de vue sensible. Seth se laissa faire, docile, avant de poser ses mains sur celles de l'humaine pour l'aider à placer la lanière correctement. Ce contact presque contre nature les fit frissonner tous les deux.

Ellie sourit au masque qui semblait la dévisager, puis se releva. En silence, Seth la suivit hors de la cellule. Le spectacle de ce géant sur les pas de la jeune femme glaça Luc d'effroi. L'apprenti recula contre le mur, prêt à se laisser avaler par la paroi pour échapper à l'approche de ce terrifiant allié qu'on lui imposait. Il avait un très mauvais pressentiment. 


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Pour écrire ce chapitre, j'ai fait des recherches sur les poignées de porte et j'ai même essayé d'en démonter une chez moi... C'est plus ou moins bizarre que de faire des recherches sur la gestation des moutons ?


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StockholmWhere stories live. Discover now