42 - Se rendre utile

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A quel moment est-ce qu'une humaine était devenue sa possible porte de sortie ? Il avait passé tellement de temps à haïr cette espèce pour ce qu'elle lui avait fait subir, à lui et aux siens, et voilà qu'il avait courbé l'échine pour s'en remettre à l'une d'entre eux. Et pas n'importe quelle humaine, par-dessus le marché ; celle-là était un adversaire redoutable, il le sentait dans ses tripes.

Encore une fois, Seth se reposait sur les autres pour s'échapper et survivre. Trois avait donné sa vie pour qu'il puisse prendre la fuite, cette blessure était encore loin d'être cicatrisée. L'humaine allait-elle elle aussi payer le prix fort de cette folie ? Les choses auraient été tellement plus simples si elle avait accepté de le tuer quand il lui en avait fait la demande. Il n'était même pas sûr d'être capable d'affronter le regard des siens s'il retournait un jour sur sa planète d'origine, pas en sachant tous les sacrifices qui lui avaient permis d'en arriver là.

Mais peut-être qu'il surestimait sa codétenue maintenant libérée, peut-être qu'elle n'avait jamais eu l'intention de l'aider et qu'elle allait profiter de cette occasion pour fuir en l'abandonnant sans un regard en arrière. Ça ne le surprendrait pas de la part de cette espèce fourbe.

Une lumière jaune éclaira le couloir dans le dos du détenu solitaire. Au lieu du calme habituel de la soirée, une certaine frénésie s'était emparée du Waterloo. Les soldats se préparaient à repartir en chasse à l'heure où ils auraient dû profiter d'un repos nécessaire. Les rires étaient gras et l'atmosphère électrique.

Seth resserra la couverture autour de ses épaules, il allait bientôt être fixé sur son sort.


⭐⭐⭐


Un malaise unilatéral emplissait le local verrouillé. Luc se tenait dos au mur, se triturant les mains, indécis quant à la manière de se comporter avec Ellie.

— Tu... les mènes en bateau ? interrogea-t-il, sans parvenir à capturer le regard de la jeune femme dans l'obscurité environnante.

— Il fallait bien que je trouve un moyen de sortir de cette cellule, fit-elle valoir.

Ça sonnait comme un reproche aux oreilles de l'apprenti qui n'avait rien fait pour aider sa camarade jusque-là.

— Ils m'enferment ici à chaque fois qu'ils me laissent seul, expliqua-t-il. J'avais aucun moyen d'agir.

— T'avais aucun moyen de t'échapper d'un vieux placard avec une porte prévue pour résister aux tentatives de fuite d'une paire de balais ?

Son ton était plus incrédule que sarcastique, mais laissa Luc sans voix de la même manière.

— A mon avis, même un bon coup d'épaule dégonderait ce truc-là, jugea la jeune femme en testant la solidité du matériel d'un appel du pied modéré.

L'apprenti se renfrogna, blessé par cette vérité incisive qui ne faisait que confirmer sa lâcheté ; s'il s'était laissé enfermer de la sorte, c'est qu'au fond il le voulait bien.

Ellie s'accroupit devant la porte, le visage à hauteur de poignée, et tira son arme secrète de sa manche. Sa plâtrée de raviolis n'avait pas seulement servi à la rassasier, mais aussi à lui offrir l'occasion de subtiliser un couteau. Rien de bien menaçant, un simple couteau à bout rond même pas assez tranchant pour couper un steak, mais sa lame était suffisamment fine pour s'insérer dans le fin sillon d'une tête de vis. Avec un peu de patience et de minutie, elle allait pouvoir démonter la poignée de la porte.

StockholmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant