11 - Chaos

122 22 125
                                    

Ellie remplit généreusement une cuillère de café soluble avant de se raviser et d'en faire retomber la moitié dans le pot. Il était temps de commencer à se rationner sur son breuvage matinal si elle voulait faire durer les réserves jusqu'à Chimaera. Une attention probablement futile puisque tôt ou tard elle n'aurait d'autre choix que de se sevrer de cette innocente addiction ; on ne trouvait pas un seul grain de café à la surface de l'exoplanète destinée à être son nouveau foyer.

La jeune femme attrapa la bouilloire pour verser de l'eau chaude dans sa tasse puis tenta de capturer les effluves discrets en invitant son nez au milieu des volutes éthérées de fumée. Elle réchauffa ses mains en les posant en coupe autour de la céramique presque brûlante et alla s'asseoir à table.

Elle aimait beaucoup être la première au mess le matin et profiter de la quiétude des lieux avant que les activités des uns et des autres n'animent l'endroit. En toute franchise, elle n'aurait pas détesté être la seule passagère à bord du Stockholm... mais peut-être qu'elle aurait tout de même accordé un passe-droit à l'intrigant clandestin histoire de pimenter un peu le voyage.

Falco débarqua dans le mess avec la marque de ses draps imprimée sur la figure et les cheveux comme un nid artistiquement désordonné sur le sommet du crâne. La gorgée de café tout juste avalée par Ellie en perdit le sens de l'orientation et fit fausse route dans son œsophage.

— Bien dormi ? crachota la jeune femme en riant autant qu'elle toussait.

— Il est pas là, le gamin ? interrogea Falco, hagard.

— Luc ? Je l'ai pas encore vu ce matin, mais je crois qu'il me fait la tête.

— Et moi je croyais qu'il avait passé la nuit dans ta chambre.

— Oh là, t'emballe pas, tempéra Ellie en levant les mains comme pour prouver leur blanche innocence. Tu surestimes un chouïa le charme de ton neveu, je crois.

— Il a pas dormi dans son lit en tout cas, affirma le mécanicien. Où est-ce qu'il a pu aller ?

— Pas bien loin, essaya-t-elle de le rassurer en voyant la lueur d'angoisse naissante dans les yeux de l'homme. C'est pas comme s'il pouvait fuguer à des kilomètres d'ici.

Elle embrassa l'étendue du vaisseau en écartant les bras avec une moue taquine.

— Ça me plaît pas de pas savoir où il est, râla Falco, les traits marqués par une inquiétude sincère. C'est pas normal.

— Il doit juste bouder un peu dans un coin parce qu'il a eu quelques mots plus hauts que les autres avec moi hier soir.

— Et s'il avait recroisé la route du passager clandestin ? J'ai un mauvais pressentiment.

— Bon, je vais t'aider à le retrouver pour éviter que tu te fasses encore plus de cheveux blancs, céda Ellie en vidant le fond de sa tasse d'un trait avant de se redresser avec énergie.

Falco approuva d'un mouvement de tête reconnaissant et ils se déployèrent sans perdre de temps dans les coursives.

Ellie opta pour ce qu'elle estimait être l'aile droite, mais elle n'était jamais certaine de pouvoir faire confiance à son sens de l'orientation sur ce navire trop grand et à l'organisation alambiquée. C'était comme si le concepteur du Stockholm s'était basé sur les plans d'un vaisseau plus petit pour venir y greffer des sections supplémentaires au gré de ses fantaisies et des exigences changeantes de son commanditaire.

StockholmWhere stories live. Discover now