38 - Détention

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L'atmosphère à bord du Waterloo avait quelque chose de différent. C'était une sensation probablement stupide et d'origine psychosomatique, mais Ellie ne parvenait pas à s'en défaire. Depuis qu'elle avait franchi le sas du patrouilleur de l'ADICT, un malaise tenace oppressait sa poitrine et rendait ses mains moites ; et ce n'était pas à cause des soldats qui la bousculaient pour la faire avancer plus vite vers une cellule de détention.

Sa nouvelle prison n'avait rien de réjouissant : cinq mètres carrés pourvus de barreaux sur toute la longueur et n'offrant aucune intimité, une planche retenue par deux chaînes fichées dans le mur en guise de couchette, ainsi que des toilettes et un lavabo en inox dans un coin. En bonus, on lui offrait un codétenu amoché en la personne de Seth ; elle s'avouait pour l'instant bien incapable de déterminer si elle devait s'en réjouir ou non.

Pendant que le capitaine Dubrov verrouillait la serrure à l'ancienne à l'aide d'une grosse clé, un sourire arrogant affiché sans vergogne, la silhouette voutée de Luc fuyait le regard inquisiteur de son ancienne amie. L'apprenti fixait les rangers des soldats et les suivait comme un serviteur bien docile vers une autre pièce ; il était sans doute bon pour un interrogatoire dans les règles de l'art, au cas où il aurait encore quelques secrets à cracher pour prouver sa lâcheté.

Une fois les prisonniers sécurisés derrière les barreaux – Seth avachi dans un coin, inconscient, et Ellie debout face à son opposant dans une posture fière – Dubrov ricana en se frottant les mains. C'était une belle prise qu'il avait faite là.

— J'aimerais bien savoir ce qu'une demoiselle comme toi faisait planquée dans le faux plafond avec cette chose, indiqua-t-il en désignant Seth d'un mouvement dédaigneux du menton.

— La demoiselle t'emmerde, rétorqua-t-elle, aussi mordante qu'un vent solaire.

Le militaire ne se départit pas de son sourire vainqueur et entama un balai de va et viens réguliers le long des barreaux.

— Il t'a emmenée avec lui pour que tu lui serves de casse-dalle ? suggéra l'homme, l'air d'être dans la confidence.

Elle tenta de ne pas laisser paraître sa crispation ; évidemment que l'ADICT était au courant des particularités de Seth...

— Ça te surprend ce que je dis ? interrogea Dubrov en cherchant la réponse au-delà des pupilles rétractées de sa captive. Tu savais pas que ton copain l'albinos était un carnivore de la pire espèce ?

Les yeux de Seth étaient toujours fermés, mais leur blancheur hantait encore l'esprit de la jeune femme.

— Albinos... répéta-t-elle avec une aversion évidente pour ce sobriquet.

— C'est comme ça qu'on les appelle entre nous, ça leur va bien à ces monstres, non ?

Ces monstres ? Il dit qu'il est le seul survivant, précisa Ellie sans quitter des yeux son codétenu assoupi.

— J'aimerais voir ça, ricana le capitaine. S'il y en a d'autres à bord du Stockholm, dis-le-moi tout de suite, on pourra envisager d'alléger ta sentence, la clandestine.

— Dévissez tous les boulons du Stockholm si ça vous chante, encouragea-t-elle. C'est pas comme si j'étais pressée d'être livrée à vos supérieurs.

— T'inquiètes pas, mademoiselle dure-à-cuire, c'est ce qui est prévu dans tous les cas. Mais si je trouve une autre surprise planquée dans les murs de ce vaisseau et que tu me l'as cachée... disons simplement que tu le regretteras.

StockholmWhere stories live. Discover now