13 - Jeu de lumière

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Luc ne trouvait pas le sommeil. Depuis que l'étranger lui avait mis la main dessus, il ne faisait que des cauchemars. Ses yeux le faisaient souffrir à force de pleurer des larmes sèches, il avait aussi recommencé à tousser de façon suspecte comme si l'air lui manquait et il crachait parfois du sang. Son ravisseur n'avait pas été violent – même si sa capture ne s'était pas faite sans heurt – mais la situation prélevait un lourd tribut sur sa santé.

Le jeune homme passait ses journées penché sur la console de pilotage du Stockholm, sous l'étroite surveillance de Seth – c'est comme ça que l'étranger avait dit s'appeler. Mais à la question de ce qu'il voulait, ce dernier était resté évasif ; il parlait de désactiver le pilotage automatique sans plus de précision. Luc devinait qu'il avait l'intention de détourner le vaisseau de sa trajectoire programmée mais n'en savait guère plus, et n'osait pas en demander davantage.

Seth lui parlait très peu. Il n'avait de toute façon pas l'air vraiment à l'aise dans la langue de son captif et un accent indéfinissable teintait ses rares propos. Luc ne lui adressait pas la parole plus que nécessaire, trop intimidé. Tout juste baragouinait-il un merci quand son geôlier lui jetait une ration de survie et un pardon quand il s'avouait encore une fois incapable de faire ce qui était attendu de lui après une longue journée à entrer des commandes inefficaces dans l'interface de l'IA.

Le jeune homme craignait les représailles de son ravisseur s'il continuait à échouer de la sorte. Valider les codes de contrôle dans le système avait été la partie facile – il avait cédé à cette demande aussi naturellement qu'un employé braqué renonce à la caisse du magasin qui le sous-paie – mais pour la partie plus technique, il devait reconnaître qu'il n'y connaissait rien et que l'interface de l'IA ne se montrait pas intuitive du tout. Falco aurait su faire ça en deux coups de cuillère à pot.

Seth s'était montré étonnement indulgent jusqu'à présent, mais il n'allait pas faire preuve d'une patience infinie à l'égard de son prisonnier. Il allait peut-être même finir par le soupçonner d'échouer exprès, ce que Luc redoutait de façon plus concrète à chaque jour infructueux supplémentaire.

Le fait que Seth se comporte toujours avec une distance froide et placide amenait l'otage à craindre d'autant plus l'intensité de la colère qui sommeillait peut-être sous la glace. Le jeune homme n'avait aucun indice pour étayer son préjugé, mais les poils qui se hérissaient d'instinct dans sa nuque à l'approche de l'étranger suffisaient à le convaincre.

A vrai dire, il ne savait même pas à quoi ressemblait le visage de son geôlier ; il n'avait jamais osé lever les yeux sur lui de peur de croiser son regard. De surcroît, ils passaient toutes leurs journées dans la pénombre. Sans justifier cet ordre, Seth avait exigé que les lumières restent toujours éteintes. Luc passait donc son temps à maltraiter ses yeux, ébloui par le rétroéclairage d'un écran dans une pièce entièrement noire.

Après quelques semaines de ce traitement, un lancinant mal de crâne s'était installé de manière durable au cœur de son cerveau. Son mental ne tiendrait pas le coup bien longtemps lui non plus. Il n'avait déjà plus les idées claires, plus de notion du temps et peut-être même plus réellement d'envie de survivre à tout ça. Ironiquement, plus cet enfer durait et moins il était susceptible d'accomplir ce pour quoi il avait été enlevé. Il fallait que cela cesse.


⭐⭐⭐


Ellie fouillait la cuisine de fond en comble, les placards étaient presque vides. Il était temps d'aller refaire les stocks – si la soute qui contenait les réserves du personnel était toujours accessible. Plusieurs couloirs avaient été bloqués les jours précédents et il était parfois complexe de se rappeler où on pouvait encore circuler ou non. Graduellement, inexorablement, leur cage rétrécissait.

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