Stockholm

20 - Let's rock

Trois coups brefs réveillèrent les prisonniers. Luc bondit en ramassant sa couverture au sol et fila vers la salle de bain sans traîner.

— Dépêche-toi, c'est lui ! lança-t-il à Ellie, paniqué.

La jeune femme poussa un grognement d'indifférence. Elle avait encore un pied dans le monde des rêves et était confortablement installée entre les draps tièdes du lit, elle ne comptait pas bouger de là pour satisfaire un geôlier rustre qui ne s'était pas soucié d'eux depuis plus d'une semaine. Ils auraient eu le temps de mourir quinze fois sans qu'il ne s'en aperçoive.

Luc ne fut pas téméraire au point de revenir chercher sa camarade, il ferma la porte de la salle de bain derrière lui et se rongea les ongles de nervosité. Seth avait été clair sur ce point dès le début, quand il se présentait ici il voulait trouver la chambre vide. En général, ses visites consistaient en un simple dépôt de rations de survie supplémentaires. En de rares occasions, il demandait à Luc de l'attendre dans la salle de bain, les mains dans le dos, et il venait l'attacher avant de le conduire en cabine de pilotage ; mais ça faisait bien longtemps que ce cas de figure ne s'était pas présenté.

Comment réagirait Seth en voyant que sa prisonnière ne suivait pas le code de conduite ? Peut-être qu'il se contenterait de repartir avec sa cargaison de rations pour les punir. Leur réserve n'était pas encore à sec, ils pourraient patienter quelques jours de plus, mais d'ici là il serait indispensable de faire accepter les règles à Ellie.

La jeune femme se redressa et s'adossa contre le mur au niveau de la tête de lit. La porte s'ouvrit. C'était la première fois qu'elle voyait la silhouette de Seth si clairement. Il faisait au moins deux mètres comme elle l'avait déjà estimé par le passé, et la longueur de ses membres accentuait encore leur maigreur. Elle ne l'aurait pas deviné si fort en le voyant ainsi, presque fragile.

Il avait dû la voir car il s'immobilisa à l'entrée, réticent, puis il se décida et avança dans la chambre. Elle le vit se baisser pour déposer un carton au sol, après quoi il se releva en dépliant sa silhouette élancée et s'approcha du lit.

Ellie ne bougea pas quand il se pencha vers elle. Les ombres qui masquaient son visage l'empêchaient de discerner ses traits avec netteté. Que faisait-il si près ? Peut-être voulait-il s'assurer qu'elle ne dissimule pas une arme bricolée avec les objets disponibles dans la chambre. Elle ouvrit les mains, paumes vers le haut, pour lui prouver qu'il pouvait être en confiance ; puis elle écarquilla les yeux de surprise en le voyant se pencher encore plus bas pour renifler sa main vide. Ce devait être la pointe de son nez qu'elle sentait glisser sur sa peau, du poignet jusqu'à l'extrémité du majeur. Un frisson indéfinissable la traversa.

— Aide-moi, murmura Seth en relevant la tête.

Interloquée, Ellie regarda en direction de la porte de la salle de bain. Si l'étranger parlait à voix basse, c'était sans doute pour que Luc ne les entende pas.

— Le vieil homme, il nous met en danger.

Ce devait être la phrase la plus longue qu'elle l'avait jamais entendu prononcer de son intonation exotique et hésitante.

— Falco ? chuchota Ellie en plissant les yeux pour essayer de percer l'obscurité. C'est lui qui a baissé la température à bord ?

— Oui. Trop de lumière dans la salle des machines. Ça fait mal.

— Tu veux que je t'aide à l'arrêter ? comprit-elle.

Son silence valait confirmation.