10 - Les dessins de la colère

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Une nuit de sommeil avait en partie apaisé le tumulte dans l'esprit de Luc. Il avait hésité à rejoindre son oncle pour le supplier de le laisser dormir avec lui, mais sa dignité l'avait retenu juste assez longtemps pour qu'il s'endorme avant d'avoir l'occasion de céder à sa peur. Maintenant qu'il n'était plus sous le coup de l'émotion, il se sentait un peu moins en danger imminent. Sa raison insidieuse cherchait à le convaincre que l'intrus n'en avait pas après lui personnellement et désirait juste fuir, mais il avait encore du mal à se laisser séduire par cette voix intérieure trop rassurante.

Falco avait dispensé son apprenti de tournée d'inspection ce matin. Il avait décidé de se lancer dans une fouille méthodique du vaisseau et de verrouiller toutes les salles derrière lui après les avoir passées au peigne fin. Pas sûr que la technique donne des résultats étant donné les dimensions cyclopéennes du Stockholm, mais au moins cette fois il agissait au lieu de tourner en dérision les paroles de son neveu.

Luc décida de profiter de son temps libre pour mettre les choses à plat avec Ellie. La jeune femme ne s'était pas montrée au petit déjeuner et il ne l'avait pas revue depuis sa bouffée de colère de la veille. Quand il frappa à la porte de sa chambre, elle l'autorisa à entrer et il la trouva assise à son bureau en train de fourrer un tas de papiers dans un tiroir.

— Salut, commença-t-il, timide.

Elle ne lui répondit pas et se contenta de l'observer, son regard couleur café avait quelque chose d'intrusif qui le mettait encore plus mal à l'aise.

— Pardon pour hier soir, poursuivit-il en se mordillant la lèvre.

— Pourquoi ? répondit-elle, sèche et incisive.

— J'étais sous le choc de ma rencontre avec le...

— Pas ça, le coupa-t-elle. Je te demande pas pourquoi tu t'es énervé, je te demande pourquoi tu t'excuses.

— J-je... bégaya Luc, décontenancé.

Il s'était fait un sang d'encre une bonne partie de la nuit à l'idée qu'Ellie lui en veuille, et voilà qu'en réalité elle avait l'air de s'en soucier comme de sa première paire de chaussettes. Il avait vraiment du mal à la cerner et à savoir comment se comporter avec elle.

— J'ai retourné chaque morceau de métal de ce vaisseau jusqu'à plus de minuit hier, mais j'ai pas réussi à repérer notre intrus, confia la jeune femme. Il est doué à cache-cache, le fourbe, mais moi j'ai toujours été très bonne pour jouer au loup...

— Ne prends pas trop de risques, je m'en voudrais si ce gars te faisait du mal.

— Ce gars ? Alors tu ne crois plus qu'il s'agisse d'un animal maintenant ?

— Ben... hésita Luc. Je l'ai pas bien vu, mais j'ai quand même bien remarqué qu'il avait la stature d'un homme. Et puis une bête sauvage n'aurait pas réussi à se cacher sur le vaisseau sans se faire repérer pendant si longtemps, c'est forcément un signe d'intelligence.

— Ou de bêtise, nuança Ellie avec sarcasme. Dans les deux cas, ça dénote un comportement plutôt humain, en effet.

Plutôt humain ? Tu vas pas recommencer à te moquer de moi en parlant d'extraterrestres, dis ?

— Je me moque pas, je considère sérieusement la possibilité...

Luc examina avec attention le visage de sa camarade, il ne décelait aucun signe d'humour sur son expression pensive, mais il avait déjà trop souvent fait les frais de ses plaisanteries dissimulées pour s'y laisser prendre. Un extraterrestre, et puis quoi encore ? Elle voulait certainement le faire frissonner un peu avant de relâcher la tension en s'autorisant enfin un rire aux dépens de sa victime trop crédule.

StockholmWhere stories live. Discover now