14 - Cachotteries

107 22 74
                                    

Les choses ne s'arrangèrent guère dans les jours qui suivirent ce coup de poker perdant. En plus d'avoir perdu l'accès à la lumière et aux réserves de nourriture, les réglages du système de survie avaient été modifiés eux aussi. L'oxygène se raréfiait, ce qui rendait tout effort physique plus inconfortable. Difficile de déterminer ce qui anéantissait le plus le peu d'énergie laissée aux captifs entre le manque d'air et le manque de nourriture convenable.

En réalité, la nourriture ne leur faisait pas aussi cruellement défaut qu'Ellie l'avait craint. Avant que les choses n'empirent, Falco avait eu la présence d'esprit de remplir une chambre inoccupée avec un stock de rations de survie. Cependant, le goût de cette mixture nutritive était si peu engageant qu'il fallait être au bord du malaise pour se résoudre à en avaler une petite quantité. Ellie avait pour sa part accès à une réserve personnelle de biscuits qu'elle avait gardés dans un coin de la bergerie depuis qu'elle y dormait, mais celle-ci ne durerait pas bien longtemps.

Dans le noir presque complet, il était difficile de maintenir ses repères, aussi bien directionnels que mentaux. La succession des jours, parfois laborieuse à suivre dans des conditions normales de voyage, était ici presque impossible à percevoir. Pour la première fois depuis qu'elle avait quitté la Terre, Ellie n'avait plus grand espoir de trouver une solution pour s'en tirer. Elle était à la merci d'un geôlier rancunier et la clémence de ce dernier était sa seule porte de sortie. Se rendait-il seulement compte de ce qu'il leur infligeait ?




Un matin – du moins c'est ce qu'elle aimait s'imaginer après un sommeil de plusieurs heures – Ellie errait dans les couloirs à la recherche de Falco. Elle n'avait pas échangé plus de quelques mots avec lui depuis qu'ils vivaient dans une nuit permanente, mais l'homme lui paraissait être le seul levier de pression encore à leur disposition et elle avait besoin d'éclaircir quelques points avec lui avant de se résoudre à jeter l'éponge. En pénétrant dans le mess, elle entendit du bruit en provenance de la cuisine.

— Falco, t'es là ?

— C'que tu veux ? marmonna l'homme de mauvaise humeur.

Il sortit de la cuisine, équipé d'une lampe torche qu'il posa sur une table, et s'y installa d'un air las. Ellie s'assit en face.

— Tu te souviens quand tu m'as dit que le quatrième passager aurait mieux fait de te prendre toi plutôt que Luc ? entama-t-elle.

— Ouais, le gamin a beau connaître les codes d'accès primaires, il connait rien aux protocoles à suivre pour contrôler l'IA. Tout a été programmé en amont, bien avant le décollage, par les commanditaires de cette expédition. Ils se sont bien assurés qu'on ne puisse pas faire n'importe quoi avec leur marchandise vu le coût d'un voyage dans un secteur aussi éloigné.

— Tu crois qu'il veut détourner la cargaison du Stockholm vers une autre planète ?

— Je vois pas bien ce qui pourrait l'intéresser d'autre ici, avança Falco. Et surtout, j'ai vu dans l'historique des commandes qu'il avait essayé à plusieurs reprises de désactiver le pilotage automatique. Je vois qu'une seule raison pour laquelle il ferait ça, il veut changer de destination.

— On peut pas le laisser faire, s'inquiéta Ellie qui refusait de voir ses plans sur Chimaera contrecarrés.

— Aucun risque, la rassura le mécanicien. Luc sait pas comment s'y prendre, toutes ses tentatives se sont soldées par un échec. Y'a que moi qui sait comment lancer les procédures d'arrêt d'urgence.

StockholmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant