29 - Captif (2/2)

79 17 64
                                    

Il avait déjà vécu ça ; il y a bien longtemps, quand on ne l'appelait pas encore Seth. L'enfermement, la solitude, la malnutrition... La fièvre et la nausée l'entraînaient vers des souvenirs qu'il aurait préféré oublier.


Il se trouvait dans une cage trop petite pour ses longs membres ; son crâne déjà meurtri rencontra dans la douleur un toit d'acier bien trop proche. Il se prit le visage entre les mains et le contact des griffes sur ses joues lui rappela une sensation désagréable, celle d'un filet de métal lesté lui lacérant la peau. Il toucha son front puis ses bras à la recherche d'entailles douloureuses, et il les trouva. De longues stries à vif marquaient tout son corps. Le poids des lourds barbelés resterait à jamais imprimé dans son esprit et dans sa chair qui en portait les stigmates.

Les choses s'étaient passées si vite. Il venait d'être secouru par ses camarades d'escouade, prêt à prendre la fuite avec eux dans les couloirs d'un bunker imprenable. Ils couraient tout en riant de leur ruse, fiers d'avoir leurré l'ennemi et de s'en tirer à si bon compte, lorsqu'une explosion dévastatrice les cueillit par surprise. La lumière éclatante et le bruit, la poussière aussi, les avaient désorientés, aveuglés, neutralisés sans pitié.

Seth s'était relevé dans la foulée, soufflé au sol par l'explosion mais relativement épargné. Il cherchait à tâtons ses camarades blessés pour leur venir en aide. La fumée opaque ne lui accordait qu'un champ de vision réduit d'une cinquantaine de centimètres à la ronde, juste assez pour voir arriver droit sur lui une toile d'araignée métallique vive comme l'éclair et implacable comme un instrument de mort. Le piège cloua sa victime au sol, lourd et oppressant ; les fils d'acier acérés cisaillaient la chair en profondeur, mordant les muscles et arrachant des cris de souffrance irrépressibles à leur victime. Seuls des humains avaient pu imaginer un outil de torture aussi vil et barbare.

Après ça, les choses demeuraient assez floues. Seth avait perdu connaissance sous le poids de ce piège redoutable. Son esprit fut balloté dans un demi-sommeil cotonneux, entraîné par le ressac des vagues de douleur et d'angoisse qui le submergeaient.

Son premier retour à la réalité avait été froid et brutal ; une main étrangère avait violé l'intégrité de son œil vulnérable et transpercé son crâne d'un faisceau de lumière incisif. Ce choc traumatique n'avait pas tardé à le renvoyer à l'inconscience moins effrayante qu'il venait de quitter.

Et puis il était revenu à lui bien plus tard, dans cette cage étriquée ; seul, déboussolé. Il faisait froid dans l'endroit où il se trouvait, même pour lui qui avait une tolérance assez élevée aux températures basses. Il faisait sombre aussi, presque noir, à son grand soulagement. La façon dont les sons se répercutaient contre les murs lui indiquait que la pièce n'était pas bien grande ; c'était comme si on l'avait remisé au placard.

Son souvenir – rêve – sembla soudain subir des interférences, une succession de flashs lumineux lui imposèrent la vision de ses camarades d'escouade maintenus derrière des barreaux eux-aussi. Parfois, leurs cages posées sur des chariots se croisaient dans un couloir, d'autres fois ils faisaient escale dans une sorte de laboratoire ; les humains qui les avaient capturés semblaient n'avoir d'yeux que pour les laboratoires en tout genre et le matériel scientifique. Ceci dit, Seth n'avait pas observé grand-chose de ce qui l'entourait ; ici, tout baignait dans une nauséabonde clarté à la blancheur démente ; il ne trouvait le repos que dans son petit cagibi obscur, quand on voulait bien l'y oublier un moment.

Une vive brûlure au poignet attira son attention tandis que le décor continuait de changer et de défiler autour de sa cage à la manière d'une succession de diapositives hétéroclites. Il avait la sensation qu'on venait de le marquer au fer rouge, et il découvrit avec une surprise renouvelée les fines lignes d'un 7 tatoué sur sa peau. Les poignets de ses camarades aussi portaient des marques, il les avait entraperçus de loin. Numéro 2, numéro 8, numéro 5... Ils étaient tous logés à la même enseigne, tous traités comme des animaux, comme des cobayes.

StockholmWhere stories live. Discover now