28 - Captif (1/2)

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Fin Décembre 2204 Après l'Ère Commune


Y a-t-il quelque chose de plus traître que la lumière ? A la fois une onde et une particule, elle joue sur les deux tableaux ; on peut difficilement faire plus fourbe. Est-ce que ça suffisait à justifier le rejet de Seth envers ce cadeau des étoiles ? Non, il n'avait pas toujours haï la lumière à ce point ; mais il n'avait jamais été confronté à une intensité si froide auparavant.

La toute première fois qu'un faisceau lumineux lui avait arraché un cri de douleur, c'était après avoir perdu connaissance pendant si longtemps qu'il était incapable d'estimer combien d'heures son absence avait duré. Ce souvenir remontait à plusieurs années avant qu'il échoue sur le Stockholm. Une main gantée de latex l'avait tiré de son inconscience pour forcer l'ouverture de sa paupière et y braquer une fine lampe au rayon foudroyant. Il s'était senti percé à jour par un tison ardent jusqu'au cœur de son cerveau sans défense.

Surprise par son réveil agité, la main s'était retirée dans la foulée, emportant avec elle son outil de torture. Si l'expérience avant duré plus longtemps, le choc aurait probablement renvoyé Seth dans les limbes de l'inconscience qu'il venait de quitter. Acculé comme une bête, il s'était recroquevillé dans un angle de sa cage en priant tous les dieux de le laisser mourir plutôt que de lui infliger à nouveau un tel supplice ; mais ses dieux, quels qu'ils soient, ne l'avaient pas écouté.

Depuis lors, il ne cessait de revivre cette scène traumatique, ainsi que les nombreuses autres qui suivirent, jusqu'à la dernière en date. Cela faisait près de deux mois qu'Ellie avait eu ce même geste envers lui, elle s'était forcée sous sa paupière implorante, y avait laissé s'infiltrer de la lumière mêlée à son souffle sec pour l'étudier sans pitié. Parfois, il n'en dormait pas pendant des jours ; ses cauchemars étaient trop pleins de clarté aveuglante. Il n'avait pas écouté son instinct, il savait qu'il n'aurait jamais dû faire confiance à cette femme, bien que ça lui ait paru être la seule option à ce moment-là. Encore une fois, il avait été victime de la duplicité humaine.

Sa combativité l'avait abandonné, ou c'était peut-être son instinct de survie qui avait pris le dessus et qui le poussait à ne pas faire de vagues. Quoi qu'il en soit, il n'avait rien tenté pour changer sa situation. De toute façon, qu'aurait-il pu faire ? Il était conscient que le Stockholm poursuivrait sa course inaltérable jusqu'à destination et que, même s'il parvenait à se frayer un chemin jusqu'à la cabine de pilotage, sa tentative serait aussi infructueuse que les nombreuses l'ayant précédée. Il était prisonnier de ce tas de ferraille hors d'âge ; autant profiter du calme et de l'obscurité de sa cellule pour les derniers mois restants.

Soudain, trois coups brefs résonnèrent contre la porte. Il avait bien appris sa leçon et en savourait l'ironie à chaque fois qu'il détalait pour s'abriter dans la salle de bain. Il savait à quoi s'en tenir s'il s'obstinait à rester dans la chambre : une lumière crue le frapperait de plein fouet, le rendant incapable de se défendre et lui infligeant un sévère mal de crâne pour les jours à venir. Échapper à cette torture valait bien de ravaler un peu sa fierté.

Seth s'assit par terre dans la salle de bain, dos à la porte, et guetta les bruits de l'autre côté. Ça ne durait généralement pas bien longtemps ; sa geôlière se contentait de passer tous les deux ou trois jours pour déposer un gros morceau de viande encore congelé. Il n'avait pas revu la jeune femme de ses yeux meurtris depuis qu'elle l'avait enfermé ici ; ni l'un ni l'autre n'avait cherché le contact, semblant d'ailleurs plutôt l'éviter. Ça lui convenait très bien comme ça.

Il y avait tout de même eu du changement depuis une semaine. Les généreux morceaux de viande avaient été remplacés par ces rations de survie ridicules que les humains détestaient tant. Il n'y avait bien sûr pas touché et ne s'en était pas encore plaint malgré la faim qui le tenait au ventre, mais un coup unique derrière la porte de la salle de bain lui indiqua que c'était peut-être le moment de renouer le dialogue.

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