5 - Premier contact

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Ellie revint brutalement à elle et se cogna la tête une fois de plus. Un juron mourut sur le bord de ses lèvres quand elle perçut un mouvement furtif et un froissement de tissu à l'extérieur de sa prison de bois. Elle n'était pas seule.

Un coin de la caisse s'était brisé lors de l'impact et une lumière blafarde s'insinuait dans l'interstice fracturé. La jeune femme fixa un moment cette minuscule lucarne donnant sur l'extérieur, retenant son souffle, quand tout à coup une ombre masqua la faible source d'éclairage avant de s'écarter à nouveau. La captive maîtrisa son sursaut de stupeur juste assez pour éviter une nouvelle rencontre fâcheuse entre son crâne et les planches au-dessus de sa tête ; elle en aurait eu le souffle coupé si elle n'avait pas déjà été à court d'oxygène.

Avec une extrême prudence, elle prit une inspiration lente et profonde tout en coordonnant ses membres engourdis pour s'avancer vers la mince ouverture. Elle avait besoin de savoir ce qui rôdait là dehors. Il y avait peu de chances qu'il s'agisse du complice de Barkha venu pour la libérer de son sarcophage dérisoire, rien ne justifiait un mutisme et un comportement aussi étrange. Peut-être du bétail alors, Ellie avait entendu des moutons bêler pendant le chargement des soutes, mais elle s'expliquait mal le silence des animaux s'ils étaient encore dans les parages.

La jeune femme colla son œil au judas hérissé d'échardes et tenta d'y voir quelque chose. Il faisait sombre, seules quelques veilleuses sous faible tension diffusaient une lueur verdâtre le long des murs, on se serait cru un soir de pleine lune, mais un soir nuageux.

Brusquement, un second œil vint se plaquer à l'ouverture, tout contre celui d'Ellie. La jeune femme bondit en arrière et envoya un solide coup de pied réflexe vers l'objet de sa frayeur. Les planches de bois craquèrent mais ne cédèrent pas. Le souffle court, le cœur battant à tout rompre, la jeune femme resta tétanisée quelques instants.

L'œil étranger s'était retiré. Elle n'avait eu qu'une fraction de seconde pour s'y perdre avant que ses réflexes instinctifs ne prennent le dessus et l'en éloigne, mais elle savait déjà que cette vision resterait à jamais gravée dans sa mémoire. Un hypnotique iris d'un blanc laiteux et scindé par une fente noire avait happé jusqu'à son âme. A qui, à quoi appartenait donc cet œil d'une irrationalité absolue ?

Ellie crispa la mâchoire si fort qu'un léger grincement irrita ses tympans. Elle sentait cette présence incompréhensible trop près d'elle, de l'autre côté de son ridicule bouclier de planchettes. Un nouveau bruit se laissa deviner, d'abord discret, puis de plus en plus fort, comme un molosse dressé à flairer la drogue au milieu des marchandises. Les reniflements firent le tour de la caisse, méticuleux, frénétiques, implacables.

La proie tapie dans l'obscurité déglutit dans la douleur tant sa gorge était nouée. Son intuition était formelle, elle avait attiré l'attention d'un prédateur redoutable.

Tout à coup, un bruit familier fit cesser les reniflements primitifs. Une porte automatique venait de s'ouvrir dans un glissement fluide. Il y eut quelques secondes de silence complet, trois pas, quatre... puis un cri. C'était le cri d'effroi d'un homme aussitôt relayé par une exclamation de colère. Des échos de lutte, des coups, un grognement rauque, une débâcle acharnée...

Ellie assistait, impuissante, à l'affrontement brutal entre un homme et... une chose.

Un hurlement de douleur bien humain résonna à ses oreilles ; insoutenable.

Incapable de rester terrée là pendant qu'un homologue humain se faisait rudoyer sans pitié, la jeune femme verrouilla ses craintes derrière un mur mental et se mit à envoyer de puissants coups de pied dans sa prison de bois.

StockholmWhere stories live. Discover now