18 - Promiscuité

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Un chuintement bref fit sursauter Ellie. La porte de sa prison étriquée était entrouverte. Une fente d'à peine cinq centimètres laissait filtrer la lumière verte du couloir sur toute la hauteur, côté gauche. Presque aussitôt, une ombre masqua la lueur en se postant derrière l'embrasure.

— Seth ? demanda la jeune femme en approchant.

Elle avança son visage au niveau de l'ouverture mais ne discerna rien de plus qu'une silhouette étirée en contrejour.

— Mange, répondit une voix masculine râpeuse.

Un bruit d'aluminium froissé glissa entre les parois de la porte. Ellie présenta une main prudente, la pulpe de ses doigts reconnut l'emballage d'une ration de survie et effleura l'épiderme de Seth.

— Merci, souffla-t-elle, sur la retenue tant qu'elle n'avait pas fini d'analyser la situation.

L'étranger retira sa main en douceur et des griffes acérées glissèrent contre les phalanges de la jeune femme. Il fallait qu'elle en voie plus.

— J'ai besoin d'aller aux toilettes, ajouta-t-elle presque comme un ordre.

Un grognement agacé échappa à Seth. Quelques secondes s'écoulèrent, pendant lesquelles il parut s'affairer à chercher quelque chose dans ses poches.

— Le mur du fond, tourne-toi, commanda-t-il.

Sortir de ce trou à rat était une priorité ; Ellie se plia aux exigences du geôlier sans hésiter et alla se placer contre la paroi désignée. Elle entendit la porte coulisser pour s'ouvrir complètement. L'ombre impressionnante en taille de Seth se dessina sur le vert feutré du mur devant elle.

D'ici, il avait tout l'air d'un humain – un humain d'au moins deux mètres, certes. Pourtant, ces griffes, ce regard blanc qu'elle avait croisé cinq mois plus tôt, cet étrange tatouage sur son poignet...

L'ombre s'étira sur le mur ; il se posta juste derrière elle. Une pulsion susurra à l'oreille de la captive que c'était le moment de se rebeller, mais elle garda cette idée à distance. Elle savait qu'il ne se laisserait pas surprendre maintenant et, surtout, elle ne voulait pas gâcher cette occasion d'en apprendre plus.

Lorsqu'il lui effleura le bras, elle comprit d'instinct ce qu'il attendait et elle réunit ses poignets dans son dos pour lui permettre de les lier avec une cordelette. Elle se laissa faire, docile. Il serra fort – il n'avait pas l'intention qu'elle s'échappe cette fois – puis les griffes du geôlier pressèrent la chair tendre du bras de sa captive pour la faire pivoter vers la sortie. Elle sentit une respiration calme se rapprocher de son oreille quand il se pencha.

— Avance, souffla-t-il en l'incitant à obéir d'un léger attouchement dans le dos.

Elle fit quelque pas. La prise sur son bras était ferme. A la lueur des veilleuses du couloir, elle tourna la tête et leva les yeux vers lui mais une main fit aussitôt barrage et l'obligea à regarder droit devant. Deux mètres plus loin, ils s'arrêtèrent au niveau d'une porte marquée Toilettes.

A défaut d'avoir pu observer le visage de Seth, elle vit cette fois clairement sa main. Celle-ci aurait pu passer pour normale si ce n'était ces courtes griffes noires au bout des doigts. Sa peau avait l'air pâle, mais c'était difficile d'en juger à la lumière maladive des veilleuses. Ellie elle-même ne pouvait se targuer de bénéficier d'un teint très halé après cinq mois à bord du Stockholm.

Seth ouvrit la porte sur un petit cabinet exigu.

— Je vais avoir besoin de mes mains... négocia la jeune femme.

StockholmWhere stories live. Discover now