25 - Promenade de santé

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C'était le jour fatidique. Falco avait préparé avec minutie tout le matériel dont ils auraient besoin pour détourner le contrôle des communications extérieures vers la salle des machines. Il avait été très concentré sur sa tâche, n'en fermant pas les yeux pendant près de quarante-huit heures.

Ellie tenta une dernière fois d'endormir son attention en lui suggérant d'aller faire une sieste avant leur sortie périlleuse, mais il rejeta l'idée. De toute évidence, il ne faisait pas confiance à sa camarade ; il n'aurait de répit qu'une fois sa mission accomplie.

Lestés de sacs à dos pleins à craquer d'outils et de matériel électronique, la partie la plus risquée de leur périple était sans doute celle qui consistait à rejoindre le sas permettant d'accéder au ventre du Stockholm. Ils devaient descendre de quelques niveaux et traverser plusieurs coursives plongées dans le noir.

Falco s'était armé de sa puissante lampe-torche et avait confié une vieille lampe-tempête à Ellie. Il avançait en tête, chassant la pénombre de son rayon agressif, tandis que la jeune femme balayait leurs arrières pour s'assurer qu'aucune ombre menaçante ne les poursuivait. Elle ne tenait pas plus que le mécanicien à ce que celui-ci se fasse capturer, tout comme elle ne tenait pas au succès de leur mission ; elle était prise entre deux feux.

Presque étonnés, ils arrivèrent sans encombre dans les plus basses entrailles du Stockholm. Le long des parois, sur près de dix mètres, on trouvait alignées de chaque côté des capsules à taille humaine prévues pour stocker les combinaisons des ouvriers ; désormais vides, elles n'étaient plus qu'un vestige d'un passé révolu.

Falco s'affaira aussitôt à préparer son matériel, donnant la priorité aux harnais et aux mètres de câbles qui assureraient leur sécurité quand ils seraient offerts à l'hostilité froide et impitoyable de l'espace. Il préférait tout contrôler lui-même, peu enclin à déléguer une tâche aussi vitale.

Pendant ce temps, Ellie s'approcha de la porte au fond de la salle. Un hublot permettait d'observer la pièce étroite de l'autre côté : un sas de la taille d'un ascenseur qui permettait de faire la jonction entre l'environnement propice du vaisseau et le vide inhospitalier qui les enveloppait. Tout comme dans la cabine de pilotage, elle était déçue. La porte qui donnait accès à l'extérieur était pleine et n'offrait, elle non plus, pas la moindre perspective sur le paysage environnant. Pouvait-on encore parler de paysage quand il s'agissait d'une éternité abyssale vertigineuse ?

— San Lucar, arrête de rêvasser et enfile ta combi, la tança Falco qui était déjà en tenue.

Elle se plia aux consignes d'un air absent, tracassée par la nécessité d'empêcher le plan qui se mettait en œuvre sous son regard impuissant. Est-ce que saboter les antennes sur lesquelles elle allait intervenir suffirait à faire avorter le projet ? Elle n'avait pas assez de connaissances techniques sur le sujet et n'osait pas poser de questions à Falco de peur de lui mettre la puce à l'oreille. Elle n'aimait pas improviser sur le tas mais, d'une manière ou d'une autre, elle allait devoir agir.

La jeune femme s'équipa. La combinaison était lourde et entravait les mouvements ; on n'avait pas trouvé de nouvelle matière magique pour alléger les contraintes d'une sortie dans l'espace depuis les premiers âges de la conquête spatiale. L'orgueil l'empêcha de demander de l'aide au spécialiste et elle finit par venir à bout de cet effort toute seule.

— T'inquiètes, y'a aucune raison que ça se passe mal. Ça sera une promenade de santé, promit Falco qui se montrait étonnamment rassurant pour une fois, presque paternel.

Ellie clipsa le casque sur le col de sa combinaison et le grésillement d'une radio crachota à ses oreilles.

— Tu m'entends ? vérifia le mécanicien d'une voix déformée par la transmission.

StockholmWhere stories live. Discover now