41 - Négociations

55 14 94
                                    

Dans la salle de pause, le pilote Sargasse s'empiffrait de raviolis en boîte pendant que Luc préparait assez de café pour toute la tablée. Le glouton ralentit la cadence à l'arrivée de son capitaine, réalisant qu'il aurait peut-être dû attendre ses camarades avant d'attaquer le repas.

— Je vois qu'on se fait plaisir, commenta Dubrov, sarcastique.

Sargasse reposa sa fourchette et essuya sa moustache de sauce tomate sur une serviette blanche, penaud. Horton et Nevak flanquaient l'occupante de leur cellule de détention – ex-occupante, de toute évidence.

— J'arrive au bon moment à ce que je vois, nota Ellie en lorgnant sur le gros plat posé au milieu de la table.

— T'es là pour cracher le morceau, pas pour avaler quoi que ce soit, répliqua Dubrov, cinglant.

— Allons capitaine, vous savez aussi bien que moi qu'on attrape mieux les mouches avec du miel qu'avec du vinaigre.

— Y'a pas de mouches dans l'espace.

La jeune femme apprécia le trait d'esprit d'un rire honnête.

— J'ai été surveillante pénitentiaire pendant sept ans, indiqua-t-elle. Si vous avez accès aux réseaux, vous pourrez confirmer cette information : Ellie San Lucar, dernier poste au pénitencier de Cayenne.

— J'ai pas accès aux réseaux ici, et qu'est-ce que ça peut bien me faire de toute façon ? s'agaça le capitaine.

— Je vous montre patte blanche en vous révélant mon identité, et je vous montre que je suis du côté de la loi, d'habitude. Vous n'avez rien à craindre de moi.

Dubrov rit à son tour. Elle ne manquait pas de cran, la petite, à imaginer que ses hommes pouvaient craindre quoi que ce soit venant d'elle ; comme s'ils avaient besoin d'être rassurés !

— Si t'es si innocente, mademoiselle la gardienne de prison, tu vas me dire ce que tu foutais sans autorisation à bord d'un transporteur en partance pour une zone interdite ?

Ellie fit un pas en direction de la table, quatre assiettes étaient disposées autour d'un plat débordant de raviolis encore fumants – dont celle de Sargasse, déjà pleine. Elle interrogea le haut gradé d'un regard implorant et Dubrov finit par céder, l'autorisant à prendre place avec un soupir et un roulement des yeux vers le haut.

Spectateur interloqué de cette arrivée inattendue, Luc délaissa la cafetière pour servir deux grosses louchées à l'invitée surprise. Elle lui sourit en le regardant faire. Que pouvait-elle bien mijoter ?

— T'as eu ton miel, donne-moi des réponses maintenant, relança le capitaine en toisant l'affamée qui se goinfrait pendant que Sargasse, en face, se demandait si ça l'autorisait à faire de même.

— J'ai de la famille sur Chimaera, avoua-t-elle. Je voulais les rejoindre avant que les relations avec la Terre ne soient définitivement rompues.

Dubrov croisa les bras et pencha la tête sur le côté pour étudier cette réponse qui sonnait honnête et cohérente venant d'une jeune femme dans sa situation.

— Bon, peut-être, concéda l'homme. Maintenant passons à ce qui m'intéresse vraiment, j'ai encore du mal à croire que t'aies réussi à tirer les vers du nez de cet albinos.

— Vous aviez raison, il n'était pas seul à bord du Stockholm.

Luc en laissa tomber sa louche en inox sur le sol dans un fracas métallique qui fit grimacer tout le monde.

StockholmWhere stories live. Discover now