3 - Enfermement

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Entre songes et pensées abstraites, Ellie n'était plus certaine d'avoir fait les bons choix. Elle avait joué le tout pour le tout dans le but d'arriver là, mais maintenant qu'elle était en face de la possibilité de tout perdre, elle n'était plus aussi sûre que le jeu en vaille la chandelle.

A quoi bon se torturer l'esprit ? Les dés étaient jetés. Où qu'elle se réveille, sa vie sur Terre n'était plus qu'un souvenir. Et puis, ce n'était pas comme si elle ne méritait pas cette chance d'un nouveau départ ; elle avait jeté toutes ses forces dans cette entreprise et avait compromis de manière irrémédiable sa vie terrienne pour obtenir une place à bord du Stockholm.

Si elle se trouvait là maintenant, c'était grâce à Holtzman... 



L'homme de trente-cinq ans correspondait à l'archétype du raté dans toute sa splendeur. De sa vie, il n'avait jamais rien su faire d'autre qu'enchaîner les magouilles et escroquer qui voulait bien croire à son baratin fumeux. Cette carrière douteuse, dans laquelle il n'excellait pas, l'avait d'ailleurs conduit droit en prison. C'est là qu'il avait croisé la route d'Ellie pour la première fois.

Elle exerçait le métier de surveillante dans le centre pénitentiaire où il purgeait sa peine, et pas l'une des plus commodes ; la jeune femme suscitait un amalgame de crainte et de respect parmi les détenus. Le bruit courait qu'elle savait mater les plus irrespectueux et force était de constater que, durant les quelques mois qu'il passa derrière les barreaux, jamais Holtzman ne surprit le moindre regard déplacé ni la moindre messe-basse dans le dos de la jolie fonctionnaire.

La situation du prisonnier se dégrada vite entre les murs de béton aveugles. Ses malversations passées lui avaient apporté un paquet d'ennemis – à défaut de lui avoir apporté la fortune – et il ne tarda pas à cumuler les altercations avec d'autres détenus. Un matin qu'il s'était fait rosser dans les douches, Ellie vint le trouver. Elle lui jeta une serviette – qui prit l'eau sur le sol – et exigea le nom des hommes qui l'avaient passé à tabac.

Ces types ne s'en prirent plus jamais à lui par la suite. Holtzman ne posa pas de questions.

Les ennuis de l'escroc n'étaient pas terminés pour autant, ils ne firent d'ailleurs qu'escalader en intensité. Un soir, alors qu'il s'était mis au lit dans sa cellule, peinant à trouver le sommeil après une journée d'indolente inactivité, il subit l'attaque inopinée de son codétenu. Ce dernier s'était procuré, on ne sait comment, un couteau à la lame affutée et était déterminé à assassiner son voisin de chambre contre les gros billets d'un commanditaire extérieur.

S'il avait trouvé le sommeil cette nuit-là, Holtzman n'en aurait pas réchappé, mais son esprit et son corps encore suffisamment alertes lui permirent de résister à son assaillant juste assez longtemps pour voir intervenir la jolie surveillante. Ellie maîtrisa l'agresseur avec rapidité et dextérité comme s'il ne faisait pas du tout deux fois son poids, ce qui était pourtant le cas.

Après cet incident, Holtzman n'osa plus sortir de la cellule qu'il occupait désormais seul, craignant pour sa vie à chaque pas qu'il faisait en dehors des quatre murs si familiers. Il n'avait plus confiance en personne, pas même les surveillants qui lui apportaient ses plateaux repas. N'importe qui pouvait être le prochain assassin missionné par l'inconnu qui voulait sa peau.

Sombrant peu à peu dans la paranoïa, il décela tout de même un faible rayon de lumière le jour où l'agent San Lucar lui apporta son petit déjeuner. Il la regarda déposer le plateau sur la table puis s'en retourner vers le couloir.

StockholmWhere stories live. Discover now