9 - Numéro 7

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A l'heure du dîner, Ellie se présenta au mess d'où provenaient quelques effluves pas désagréables. Falco s'y trouvait déjà, installé dans l'angle d'une banquette avec la dernière chose qu'on se serait attendu à voir entre les mains de cet homme bourru : une paire d'aiguilles à tricoter.

— T'aurais pu prévenir, j'ai failli avaler ma langue en te voyant avec ça, ironisa la jeune femme.

— Fous-toi de ma gueule si tu veux San Lucar, j'en ai rien à carrer, rétorqua le mécanicien flegmatique sans quitter son ouvrage des yeux.

— Et qu'est-ce que tu nous tricotes au juste ? Une serpillère ?

— Un bâillon pour que tu fermes ta gueule, déclara-t-il avec un sourire espiègle.

— C'est mal barré vu la quantité de trous...

Ellie s'installa sur une chaise en face de Falco, l'amusement à peine détectable dans le fond de ses yeux couleur noisette. Elle commençait presque à apprécier ce vieux roublard, il fallait croire qu'il l'avait eue à l'usure.

— C'est quoi cette odeur ? demanda-t-elle en humant le parfum qui s'échappait de la cuisine.

— Gratin.

— Me fais pas croire que t'as épluché des vraies patates.

— Et puis quoi encore ? C'est du gratin en conserve. J'ai rajouté la blinde de fromage par-dessus pour que ça ait goût à quelque chose au moins.

— Charmant, commenta Ellie.

— Plains-toi, je crois que je fournis carrément plus d'efforts que toi quand c'est mon tour en cuisine.

L'homme n'avait pas tort, les repas préparés par la demoiselle étaient basiques au possible et toujours fades. A croire qu'elle faisait exprès d'être médiocre pour qu'on lui en demande le moins possible... Dans leur trio, seul Luc se démenait pour bricoler des plats sympathiques avec les moyens du bord et, par la force des choses, il se retrouvait en charge de la cuisine presque quatre-vingt pour cent du temps.

— Désolé de te l'apprendre mais t'es pas bonne à marier, ajouta Falco toujours sur le ton de la plaisanterie.

— Et en quoi ça te dérange ? Tu comptais me faire ta demande ?

— Aller arrête de me chercher gamine, soupira l'homme avec lassitude. Et Luc, il fout quoi ? Le gratin va être prêt.

— Il finissait d'évacuer la paille souillée quand je suis partie. La première cuve de compost est quasi pleine, j'espère que t'en as prévu suffisamment pour tenir jusqu'à Chimaera.

— T'inquiètes pas pour ça, je connais mon boulot.

— Et tu connais bien ta marchandise aussi ? interrogea Ellie en croisant les pieds sur la table avec désinvolture.

— C'est quoi cette question ?

— Les moutons, y'en avait combien à l'embarquement ?

Falco posa son tricot à côté de lui, la curiosité faussement détachée de la jeune femme paraissait suspecte.

— J'sais plus, une trentaine, estima-t-il. Le chiffre exact est dans les registres.

— Et on peut les voir ces registres ?

— Ecoute San Lucar, tu commences à être vraiment bizarre là. C'est quoi le problème avec ces foutus moutons ?

StockholmWhere stories live. Discover now