Stockholm

37 - Les sirènes de la colère

Est-ce qu'il avait pris la bonne décision ? Le doute s'était immiscé dans l'esprit de Luc aussitôt sa confession terminée. Impossible de revenir en arrière. Il avait craché le morceau : le quatrième passager, Ellie, tout. Le capitaine Dubrov connaissait chaque détail à présent. La culpabilité se tenait encore à distance, mais elle ne tarderait pas à faire un retour en force. Si seulement celle que Luc prenait pour une amie ne lui avait pas menti, il n'aurait peut-être pas cédé si facilement aux sirènes de la colère.

Les choses n'avaient pas tardé à se mettre en place. Les soldats de cette modeste patrouille de l'ADICT comptaient certes peu de membres, mais la qualité de leur équipement palliait très bien ce léger défaut. Ils étaient retournés chercher sur le Waterloo tout un attirail de shockers, grappins et filets adaptés à la chasse sur un vaisseau spatial. Mais surtout, ils disposaient d'un avantage de taille qu'aucun des occupants du Stockholm n'avait anticipé : un détecteur thermique.

Comme ça au moins les choses étaient claires pour Luc, qu'il ait dénoncé ou non sa camarade ne changeait rien à l'inévitable. Les soldats auraient débusqué les clandestins dans tous les cas de figure, alors autant se montrer coopératif dès le départ s'il espérait avoir encore une chance de mener son navire à bon port.

Histoire d'abréger cette fouille désagréable, le jeune délateur indiqua la zone dans laquelle Ellie et son prisonnier étaient susceptibles de se dissimuler. La jeune femme connaissait très bien les cachettes à proximité de la bergerie et elle lui avait fait part, dans une confiance naïve, de son projet de s'y abriter. Les soldats commenceraient donc par explorer ce secteur, avant bien entendu de passer tout le reste du vaisseau au peigne fin.

Nevak ouvrait la marche, scannant murs et plafonds avec son détecteur, tandis qu'Horton faisait de même à l'arrière. Un autre soldat répondant au nom de Sargasse les avait rejoints à bord, il occupait le poste de pilote sur le Waterloo et avait pris place aux commandes du Stockholm afin de verrouiller et d'isoler les sections en cours de fouille, coupant toute possibilité de fuite aux resquilleurs.

Quant au capitaine Dubrov, armé jusqu'aux dents, sur le qui-vive, il était bien décidé à ne pas rentrer bredouille de cette chasse exaltante.

⭐⭐⭐

Ellie bouscula Seth du coude, il s'était assoupi ; un sommeil agité plein de réminiscences du passé. Des bruits de pas approchaient dans le couloir situé sous leur position.

— Quelqu'un approche, chuchota-t-elle.

Un doigt glacé lui imposa le silence en se pressant un instant en travers de ses lèvres ; elle sentit la pointe d'une griffe juste sous son nez. Malgré l'obscurité, la jeune femme devina les mouvements de son acolyte qui s'allongeait sur la paroi horizontale pour y coller l'oreille. Tout était parfaitement silencieux. Ellie réfréna son envie de poser des questions jusqu'à ce que celle-ci se fasse trop impérieuse.

— Tu entends quelque chose ?

Un cri de douleur arraché à Seth répondit de façon imprévue à l'interrogation.

— Je l'ai eu ! cria un homme dans le couloir juste en-dessous.

Ellie paniqua, elle n'y voyait rien mais comprenait que Seth avait été blessé. Il se redressa en extrayant une tige en métal plantée dans son abdomen, dévoilant un trou dans le faux plafond par lequel s'infiltrait maintenant un fil de lumière.

— Suis-moi, ordonna Seth en détalant sans attendre.

Plus facile à dire qu'à faire dans cette obscurité pâteuse que les rares interstices entre les plaques de tôle ne suffisaient pas à délayer. Les genoux de la jeune femme raclaient la surface quand une nouvelle pointe de métal traversa la paroi, à quelques centimètres à peine de la paume de sa main. Pendant une seconde, elle ne sut plus comment réagir à cette attaque surprise. Continuer ? Repartir en arrière ? Le temps qu'elle débloque ses réflexes abêtis, un troisième projectile perça la tôle, lui éraflant cette fois une bonne partie de l'avant-bras, sans y rester planté heureusement.