34 - Gestes invasifs

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— Vous n'êtes pas Rémi Falco, assena le capitaine Dubrov, davantage comme une remarque rhétorique que comme une véritable interrogation.

— Non, admit Luc. Je suis son neveu et apprenti.

— Pourquoi ne nous a-t-il pas accueilli lui-même ? C'est plutôt déplacé d'envoyer son apprenti à sa place.

Luc déglutit avant de vomir dans la précipitation son mensonge pas assez préparé :

— Mon oncle est tombé malade la veille du départ et je l'ai remplacé au pied levé.

Le militaire n'eut pas l'air convaincu par cette assertion. La voix mal assurée du jeune homme ne plaidait pas en sa faveur.

— Vous voulez me faire croire que vous êtes seul à bord, mon garçon ?

Ils arrivaient en vue de la cabine de pilotage ; Horton et Nevak se trouvaient déjà à hauteur de la porte et s'engouffrèrent dans la pièce pour fondre sur les ordinateurs de bord.

— Cette mission humanitaire était très importante, tenta de justifier le jeune mécanicien remis en cause. Il fallait qu'elle parte le jour prévu, sans faute, alors c'était trop tard pour recruter un nouveau chef de mission. Je me suis porté volontaire, la solitude me fait pas peur.

— Vos deux noms apparaissent sur les registres, alors soit cette magouille de dernière minute est pas très légale, soit vous me montez un bateau et vous avez profité du voyage pour zigouiller votre oncle incognito.

L'homme n'avait pas l'air de rire, il fixait d'ailleurs sa cible avec un grand sérieux. Mais s'il y avait une chose que ces huit mois passés aux côtés d'Ellie et Falco avaient appris à Luc, c'était à se méfier d'un humour pince-sans-rire dispensé avec sarcasme. Aussi se garda-t-il de répondre trop vite quand le capitaine se pencha vers lui avec un regard perçant.

— Vous savez ce qu'on dit, susurra l'homme avec gravité. Dans l'espace, personne ne vous entend crier.

Le visage encore une fois bien trop proche de Dubrov se déforma peu à peu en une grimace jusqu'à afficher une expression hilare. Le rire débridé qui courut dans les couloirs du Stockholm traversa Luc jusqu'à la moëlle dans un frisson désagréable. Il avait senti la plaisanterie potache arriver, mais n'en était pas moins terrorisé ; il ne savait pas comment se comporter face à ce type de tempérament indécryptable pour lui.

Alors qu'ils avaient atteint la cabine de pilotage, l'apprenti effarouché découvrit Horton et Nevak affairés sur les consoles. Leurs doigts couraient partout, s'immisçant dans les programmes les plus confidentiels de l'IA, mettant les fichiers sens dessus dessous, à nu, complètement assujettis à la curiosité vorace des soldats. Ainsi penchés sur les écrans, on lisait très clairement les grosses lettres blanches de l'ADICT imprimées sur leur dossard.

— Ils cherchent quoi ? s'inquiéta Luc.

— Ils vérifient ce qui se cache sous les jupons du Stockholm, indiqua Dubrov. Les dernières commandes entrées dans le système, l'état de la cargaison, ce genre de choses...

Le sol se déroba subitement sous les pieds de l'apprenti et son estomac fit une dégringolade vertigineuse. L'historique des commandes allait tout révéler à ces sans-gêne : les tentatives répétées pour interrompre le pilote automatique, la prise de contrôle temporaire par leur passager clandestin et les jeux de pouvoir qui avaient opposé ce dernier à Falco durant de longues semaines. Aucun secret n'échapperait aux fouineurs insatiables, et Luc n'avait aucune explication cohérente à leur présenter.

StockholmWhere stories live. Discover now