16 - Œil pour œil

Depuis le début
                                    


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Seth s'était réfugié dans le faux plafond, calé entre des tuyaux dont il ignorait la fonction et un faisceau de câbles courant sur la paroi. Du sang coulait le long de son bras, l'humain l'avait salement amoché. Il avait aussi encaissé plusieurs coups dans la poitrine et un direct à la mâchoire. Il ne s'attendait pas à ce que le vieil homme se révèle si combatif et hargneux.

Si ; hargneux, il aurait pu le deviner. C'était à cause de ce sale caractère – qu'il avait remarqué pendant sa phase d'observation – que Seth avait choisi d'enlever plutôt le jeune. Mais après plus d'un mois de ratés, Luc avait échoué à le convaincre qu'il était capable de programmer une nouvelle destination pour le Stockholm. C'était curieux que le garçon se soit montré si persévérant, il craignait peut-être des représailles s'il échouait à la tâche.

Seth n'avait pas encore décidé ce qu'il ferait de lui. Il se massa le front ; un mal de crâne pernicieux irradiait derrière ses yeux. Fichue lumière. S'il avait su que l'adversaire se montrerait si fourbe, il aurait baissé davantage encore le taux d'oxygène, en prévention. Œil pour œil, c'était bien ce que disaient les humains, non ?

Seth se ressaisit et commença à ramper dans les entrailles du vaisseau. Il ne pouvait pas renoncer si facilement à sa proie. Ses pieds nus glissaient dans la traînée de sang noir qu'il laissait derrière lui, il serra les dents pour renforcer sa détermination à ignorer la douleur.

Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir une trappe, un tamponnement léger et répétitif l'arrêta. Une drôle de souris trottinait non loin ; il hésitait à aller à sa rencontre.

L'humaine passa tout prêt de lui sans déceler sa présence derrière la paroi. Seth poussa un soupir. Elle allait lui causer des ennuis s'il continuait à se montrer clément envers elle. Un doute l'assaillit : quelle proie suivre maintenant ?


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Falco avait vu juste, le passage vers la salle des machines était à nouveau accessible. Il jubilait à l'idée de prendre sa revanche, l'ennemi allait bientôt pouvoir goûter un échantillon de sa propre médecine.

Sa grosse lampe-torche ne le quittait plus dorénavant, il l'avait attachée autour de son cou avec une cordelette et la laissait allumée en permanence pour chasser l'obscurité et les ombres qu'il devinait aux aguets dans le noir. Régulièrement, il s'arrêtait pour donner quelques coups de manivelle préventifs ; hors de question que sa meilleure arme de dissuasion le lâche sans prévenir.

Le mécanicien avait récupéré deux gros sacs qu'il avait remplis de tout le matériel et les réserves qu'il avait pu. Chargé comme une mule, on l'aurait dit prêt à tenir un siège ; la salle des machines était sa cité à protéger. Il poussa un soupir de soulagement lorsqu'il posa le pied en terre promise.

La salle était plus haute de plafond que le reste du vaisseau. D'immenses turbines occupaient la moitié de l'espace central et des consoles surmontées d'écrans ceignaient les parois circulaires. De larges tuyaux scintillant de différentes nuances de gris s'enfonçaient dans les tréfonds de cet immense espace, engloutis par un tunnel noir qui fuyait dans les abysses. Falco se sentait à la maison, c'était son domaine, il retrouvait toute sa confiance en lui ici. Il était prêt à rendre les coups, à affronter ce démon qui voulait dicter sa loi sur le Stockholm. Depuis la salle des machines, il avait les moyens de se défendre, et de se battre.

Falco posa la lampe-torche à côté de lui et s'attela à la tâche. Il avait un plan à mettre en œuvre. Dans son sac se trouvaient des mètres de câbles à dérouler, des outils, des batteries... Le MacGyver en lui se frottait les mains, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion d'exprimer ses talents dans des conditions aussi précaires. Il se flattait d'être assez doué pour gérer les choses à l'ancienne, sans l'assistance d'une IA et toute l'ingénierie moderne. Ce petit retour dans le passé, en des temps plus terre à terre, le stimulait beaucoup.

Le mécanicien aux mains pleines de cambouis métaphorique ne vit pas les minutes passer. Branchements et dérivations occupèrent tout son esprit jusqu'à ce qu'un souffle discret vienne lui hérisser les poils de la nuque. Sa main attrapa le marteau posé par terre avant même qu'il en ait consciemment formulé l'ordre dans ses pensées, puis il s'empara de la lampe-torche dans la foulée et balaya la pièce en faisant un tour sur lui-même. Il ne détecta aucun intrus.

Soudain, un sifflement fendit l'air et Falco sentit un projectile lui frôler la tempe à la vitesse de l'éclair, y dessinant une alarmante traînée écarlate. L'objet termina sa course en rebondissant avec fracas contre une épaisse turbine et dégringola au pied de sa cible. C'était un stupide écrou.

Falco s'agita et pointa sa lampe accusatrice dans toutes les directions, frénétique. Il ne pouvait pas éclairer tous les recoins de la vaste salle en même temps, mais il savait ce qui lui restait à faire ; il n'avait besoin que de quelques instants supplémentaires. La lampe retrouva sa place au sol, tout contre la cuisse du mécanicien agenouillé, tandis qu'il reprenait son bricolage là où il l'avait laissé avant cette interruption. Il travaillait encore plus vite sous la pression.

Un nouveau sifflement menaçant fusa à travers la salle et la lampe-torche éclata dans une explosion de verre brisé. La nuit engloutit tout en une fraction de seconde. Falco grogna mais poursuivit son travail avec obstination. L'image du circuit sous ses doigts était encore fraîche dans son esprit et il poursuivit sa tâche à l'aveugle malgré la sueur qui commençait à se mêler à ses sourcils.

Une main empoigna l'homme par le dos de son vêtement et tenta de le soulever mais c'était sans compter sur son incroyable ténacité. Falco fit valser son marteau sur le côté et ne manqua pas sa cible. Accroupi par terre, il avait dû atteindre son ennemi en plein dans les jambes, peut-être dans les genoux s'il avait eu de la chance.

La main l'avait lâché sur-le-champ avec un hoquet de douleur et quelque chose comme un feulement de haine.

Falco touchait au but. Il se redressa d'un bond et se suspendit à une large manette juste au-dessus de lui, comme dans son souvenir. Le levier s'abaissa en déclenchant un système d'éclairage alternatif. En un instant, toute la salle des machines fut éclairée comme en plein jour.

Falco ricana de fierté en voyant l'ennemi vaincu déjà près de la sortie, fuyant en clopinant. La salle des machines était dorénavant sa place forte, son puits de lumière imprenable. Il savait qu'il allait beaucoup s'amuser avec ses nouveaux jouets et s'en délectait par avance avec un sadisme décomplexé. 


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Et le sadisme décomplexé de l'autrice, on en parle ?


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