GROSSE ET ALORS ? [Tome 2]

15. Bonne ou mauvaise mère ?

Le cours de géographie est interminable, je ne cesse de taper du pied depuis le début de l'heure. Je vais discuter avec ma mère et je ne sais pas comment aborder les sujets les plus importants. Ma famille est au courant de ce rendez-vous même si Sam n'est pas très emballée à l'idée que j'aille parler à notre mère.

Je note une nouvelle date importante sur ma feuille en me préoccupant pas du reste. Il faudra que je demande un résumé de la leçon à Klee parce que je suis complètement larguée. La sonnerie retentit annonçant la fin de la journée. Je rassemble mes affaires en sentant comme un poids dans ma poitrine. Est-ce vraiment une bonne idée ? J'ai affronté bien des démons l'année dernière, mais ma mère est certainement la plus dangereuse.

― Tu es libre pour aller boire un café avec moi ? demande Klee.

― Je suis désolée, mais j'ai des engagements ailleurs.

― Pas de souci, mais on se programme ça dans la semaine !

Je regarde mon amie s'éloigner dans le couloir tandis que je me dirige vers la sortie. J'ai la chance de terminer une heure en avance contrairement aux autres qui ont encore une bonne heure à suivre. Je sors du lycée avec la crainte de ne voir personne m'attendre sur le parking, mais elle est bien présente.

Le vent soulève mes cheveux tandis que je reste plantée en haut des escaliers à regarder ma mère. J'arrive à me reconnaître dans les traits de cette inconnue, nous nous ressemblons même si cela me déplaît de le reconnaître. Je frotte mes mains moites sur mon jean tout en prenant une grande inspiration pour m'approcher d'elle. C'est une confrontation que je redoute depuis son retour dans nos vies, mais elle est nécessaire. Maxine Price ne fuit pas, elle affronte. Nos regards se croisent pour la première fois depuis longtemps, ce qui me replonge dans mon enfance heureuse. Maman et son sourire. Maman et sa gentillesse. Maman qui guide ses filles pour qu'elles deviennent de bonnes personnes.

― On peut y aller, déclaré-je.

― Nous pourrions acheter des pâtisseries chez Joe ? Elles m'ont terriblement manqué et il est hors de question que je quitte la ville sans une bonne pâtisserie et un thé.

Je mords ma lèvre en me retenant de hurler.

― Le salon de thé n'existe plus depuis quelques années. Joe a eu une crise cardiaque et personne ne pouvait reprendre l'affaire alors elle a tout bonnement disparu. Désolée pour ton envie de thé.

― Pauvre Joe... Elle était d'une gentillesse incroyable, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai emmené ton père pour me tenir compagnie. Nous détestions le thé, mais l'endroit était si chaleureux que je ne pouvais pas m'empêcher de m'y rendre !

Je me souviens parfaitement de Joe, une femme au grand coeur qui veillait sur le bien-être de chaque personne vivant à Dunwood. Après le départ de maman, je ne suis plus parvenue à me rendre au salon de thé par crainte de faire face aux souvenirs de ma mère. Elle n'avait malheureusement aucune famille capable de prendre la relève et il ne reste aujourd'hui qu'une vieille enseigne s'effaçant au fil du temps.

Je monte dans la voiture sans adresser un regard supplémentaire à Mary. Elle s'installe derrière le volant puis tapote l'écran tactile du GPS afin de trouver un endroit où nous rendre. Je garde la bouche fermée lorsqu'elle me demande une bonne adresse. Le Lovely Coffee est mon endroit, je ne veux pas qu'elle vienne le salir. Nous nous mettons finalement d'accord pour un café à la bonne réputation.

― Tu as passé une bonne journée ?

― Banale.

― Je me souviens de ma propre entrée au lycée, une épreuve effrayante. Cette première année était éprouvante, mais cela ne pouvait pas être pire que ton père. Il s'est trompé de classe pendant deux jours avant de comprendre son erreur !