Je jette un coup d'œil aux écrans de la salle. Ils montrent tous la même chose... Il n'est que quatre heures du matin et la manifestation commence déjà à m'échapper.
Des milliers de personnes sont déjà dans la rue, hurlant, demandant la libération des prisonniers. Ils sont trois-cent à devoir partir... Leur famille est prête à tout et je viens de leur donner une opportunité d'agir.
Je me lève de mon siège rapidement et me tourne vers mon seul interlocuteur dans la pièce.
-Ok, on va tenter de faire ce qu'on a dit Christian...
-Ça va marcher Azylis, qu'est-ce qu'Edilyn peut bien répondre à ça ?
-Je ne sais pas mais je ne la vois pas ne pas réagir. Bref, tu as raison, j'arrête de m'inquiéter, ça ne sert pas à grand chose. Tu viens ?
Je me dirige vers la porte sans attendre de réponse, et, deux minutes plus tard, nous sommes tous les deux dans le couloir. Je me dirige sans hésiter vers la salle de téléportation, passe devant un de nos rares gardes en inclinant la tête pour répondre à son salut et pénètre à l'intérieur avec Christian.
De cette gigantesque tour, nous ne louons que deux étages. Aussi, le choix est rapide à faire. La voix de l'ascenseur murmure calmement :
-Nous descendons d'un étage.
Quelques secondes plus tard, je franchis de nouveau la porte toujours suivie de Christian et passe devant un garde similaire au premier.
Mais l'étage en lui-même a été aménagé de manière un peu différente. Séparé en deux, il contient d'un côté les logements des plus fidèles de nos gardes et de l'autre une immense pièce réservée à mes deux dragons...
C'est vers celle-ci que je me dirige et, quelques secondes plus tard, je suis face à Rebelle et Satan, allongés tous deux sur le sol.
-Satan, Rebelle, vous êtes toujours partants ?
Rebelle allonge la tête vers Christian et le fixe avec un soupçon de supériorité marqué sur ses traits.
-C'est celui que tu veux que Satan prenne sur son dos petite humaine ?
-Tout à fait. Satan, pas de problème ?
-Non. De toute façon lui ou un autre...
Christian ne peut s'empêcher de pousser un léger grognement de frustration à côté de moi et demande :
-Azylis tu pourrais encore une fois m'expliquer votre conversation ?
-Je n'y peux rien s'ils refusent de discuter avec toi... En résumé tu pars avec Satan.
Christian s'approche du dragon plus foncé sans ajouter un mot et je m'apprête à reprendre mon échange mental avec mes deux animaux lorsqu'une voix résonne derrière moi et me fais me retourner.
-Azylis ! Tu n'espérais pas partir sans moi quand même ?
-Maly ! Il me semblait avoir dit à Vino de se débrouiller pour t'empêcher de me rejoindre... Je te rappelle que tes nouveaux circuits ne sont pas au point.
Maly esquisse une petite grimace moqueuse.
-Tu croyais vraiment que Vino parviendrait à me retenir ? Tu aurais dû confier cette mission à quelqu'un de plus doué...
Je me mets à sourire moi aussi malgré moi et hausse les épaules.
-Je n'avais personne d'autre sous la main. Mais, franchement Maly, je pense qu'il est mieux que tu restes ici...
-Dans tes rêves Azou ! Moi, je pars avec vous, et c'est sans condition. Mes circuits vont très bien je t'assure...
En disant cela elle s'avance un peu trop vite vers moi et s'effondre sur le sol. Je la devine furieuse contre elle même mais elle relève la tête avec un sourire plein d'une fausse innocence.
-De toute façon, que je trébuche à chaque pas n'est pas un problème puisque nous allons rester sur le dos de ton dragon...
La voix de Rebelle s'en mêle dans mon esprit et je pousse un soupir.
-Elle n'a pas tort petite humaine.
-Tu la défends maintenant ?
-Non, je dis juste qu'elle a peut être raison...
Je lève les yeux au ciel puis finis par dire à voix haute :
-Ok, Maly, tu viens avec nous. Après tout, je suis certaine que tu pourras m'aider...
L'un des deux gardes près de la verrière passe son bras sous un capteur sur un léger signe que je lui adresse et la porte fenêtre commence à lentement coulisser sur la droite.
-Satan et Christian, vous passez devant, on vous rejoint dans quelques minutes d'accord ?
Ils acquiescent dans un parfait accord et Satan baisse légèrement son long cou écailleux pour permettre au jeune homme de grimper sur son dos.
Contrairement à Gabriel, Christian ne paraît pas avoir peur de l'animal. À mon avis, il prend juste tout ceci comme un défi... Je respire un peu plus fortement, m'interdisant de me plonger dans mes souvenirs.
Maly vient heureusement à mon secours en lançant :
-Azylis, tu m'aides à grimper ? Mes circuits viennent encore de me lâcher...
Je la prend dans mes bras et la soulève pour la placer sur le cou de Rebelle. Je grimpe ensuite sur le dos du dragon en m'aidant des écailles et installe plus correctement Maly qui s'agite dans tous les sens.
-Ça devrait aller maintenant Azylis... Je ne suis pas non plus une poupée de chiffons hein !...
-Très bien mais je ne tiens pas à ce que tu tombes en plein vol. Alors tu te débrouilles mais tu restes là et je te tiens, même si ça t'énerve.
Sans écouter ses horribles jurons, je tourne la tête vers la porte fenêtre maintenant entièrement ouverte. Satan s'avance lentement vers l'ouverture, arrive sur la plateforme de verre et s'élève gracieusement dans le ciel en poussant sur ses pattes arrières.
Christian perd quand même un peu de ses couleurs...
-À nous maintenant Rebelle...
Elle s'avance à son tour et nous passons devant les deux gardes que je remercie au passage d'un signe de tête et d'un pâle sourire. Quelques minutes plus tard, nous sommes dans le ciel et juste derrière Satan et Christian.
Le vent qui souffle avec force sur mon visage me fait observer le temps un peu plus attentivement. Le ciel est gris, couvert, et les nuages sombres n'annoncent rien de bon... Il fait froid et je resserre malgré moi mon élégante veste noire.
Il va pleuvoir...
Les dragons franchissent rapidement une certaine distance et nous ne tardons pas à apercevoir les tours centrales de la ville d'Ivy. Maly murmure malicieusement à mon oreille :
-J'espère que Vino ne m'en voudra pas trop à notre retour...
-Pourquoi ?
-Il tenait absolument à t'obéir, donc à m'empêcher de vous suivre... Finalement j'ai du l'enfermer dans un placard.
Je m'apprête à répondre qu'à la place de Vino il me faudrait au moins cinq ans pour pardonner ça, lorsque nous tournons autour d'une énième tour.
Alors, lorsque je baisse les yeux, j'aperçois l'immense route principale, la seule au sol, couverte d'une foule si compacte que personne ne peut avancer...
Un tonnerre de cris s'échappe de toute les poitrines en nous voyant. Tout le monde se souvient des grands dragons bleus de combat... Ils savent que je suis là. À leur tête.
À ce moment précis retentit un coup de tonnerre précédé d'un éclair et les premières gouttes de pluie se mettent à tomber, tandis que l'orage que tous commençaient à redouter se déclenche.
On dirait un mauvais conte de fée ou la dernière scène d'un drame particulièrement atroce...