Azylis (Chapitre 40)

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-Edmée, ou étais-tu passée ?

La jeune fille secoue ses longs cheveux sombres en regardant son père et hausse les épaules.

-Je n'ai rien fait donc quelle importance ?

Je m'approche d'elle avec un léger sourire et prends la parole :

-Edmée, j'ai eu une idée te concernant qui devrait te plaire...

Elle me dévisage avec un sourire un peu perplexe.

-Quelle genre ?...

Mais je ne peux pas répondre car un long murmure parcourt la foule. Anonyme au milieu des autres, j'observe les autres. Nous venons d'envoyer deux émissaires parlementer avec le chef rebelle. Et il a été convenu qu'il viendrait en personne avec quelques hommes parler avec Gabriel...

Comme les autres, je regarde avec une légère appréhension les portes exceptionnellement ouvertes.

Gabriel se tient en haut des remparts et attends. Je me dégage de la foule en laissant derrière moi Edmée et Acalin même si je sais que ce dernier ne tardera pas à me rejoindre lorsque j'aperçois quelques hommes s'avancer dans le passage qui s'ouvre pour eux.

J'avance dans la même direction rapidement et ne tarde pas à gravir les marches de pierre pour rejoindre Gabriel qui toise les hommes qui s'avancent, conduits par Jimmy.

Un jeune homme ne tarde pas à se détacher du groupe et je tourne la tête pour observer Acalin qui vient de me rejoindre par l'autre côté. Il dévisage le jeune homme avec une animosité visible.

Gabriel échange une poignée de main avec l'inconnu et le salue avec une désinvolture affichée.

-Christian ! Quel plaisir de te revoir... Comment vas-tu ?

Christian se contente de froidement hocher la tête en réponse et je remarque avec un peu d'amusement malgré moi qu'il est le seul à être absolument impeccable alors que nous sommes tous couverts de poussière.

Gabriel prend de nouveau la parole, effaçant de sa voix son ton faussement amical.

-Bon, on ne va pas discuter ici. Entrons à l'intérieur du bâtiment, laisse tes gardes ici et...

Christian jette un coup d'œil, un peu narquois à Acalin à mon côté qui frémit, avant de prendre la parole.

-Et si c'était un piège ? Mon vieil ami Acalin serait ravi de me faire payer l'attaque de l'hôpital...

Je vois Gabriel pâlir de rage.

-N'as tu pas confiance en ma parole ?

-Je devrais ?

Les poings de Gabriel se contractent et je ne peux m'empêcher moi aussi de sentir la colère m'envahir devant ce personnage qui fait tout pour se rendre insupportable. J'interviens dans la discussion.

-La parole d'un prince est sacrée !

Christian perd alors son beau sang-froid de façade et me regarde en plissant légèrement les yeux.

-Et que vaut celle d'un assassin ?

Je garde un ton froid et calme.

-Nous rediscuterons de cela a l'intérieur. Si tu es venu ici, c'est que tu n'estimes pas tes jours en danger. Alors cesse de nous provoquer.

Gabriel nous conduit au bout du chemin sur les remparts jusqu'à une grande porte vitrée. Nous franchissons quelques salles que je n'ai jamais vu et finissons par nous arrêter dans un élégant salon.

Tout le monde s'assoit dans les divers fauteuils et nous ne tardons pas à faire un cercle de discussion à peu près correct.

Acalin, moi, Jimmy, Gabriel, et le fameux Christian... Les cheveux marrons, un peu longs pour un garçon, le regard sombre, il évoque assez bien l'idée que je me fais d'un jeune chef de guerre.

Il prend en premier la parole en me désignant.

-Je sais tous qui vous êtes... Mais elle ?

Je fronce les sourcils, habitude dont je ne parviens décidément pas à me défaire.

-Autant s'adresser à moi pour obtenir mon identité... Je me nomme Azylis Astra.

Il faut quelques minutes à Christian pour enregistrer cette donnée. Et pour comprendre que je suis mariée à Gabriel. Personne ne l'interrompt lorsqu'il reprend la parole d'une voix de nouveau dangereusement calme.

-Qu'attendez-vous de moi exactement ? Au tant que nous sachions dès maintenant la teneur des négociations...

Acalin s'apprête à répondre mais Gabriel étend le bras pour l'empêcher de parler et prend la parole.

-Tu fais la guerre contre ma soeur... A deux nous serons plus forts. A trois puisque les forces d'Acalin se joindront à nous. N'est-ce-pas ton intérêt ?

Christian laisse passer un petit silence avant de répondre d'une voix presque doucereuse.

-Si tu avais raison, ce serait effectivement mon intérêt. Mais tu t'es trompé sur un point...

Je fronce une énième fois les sourcils avant de demander :

-Lequel ?

Christian tourne son visage vers moi et mon regard croise le sien aux reflets métalliques.

-Je ne combats pas Edilyn. Ou en tout cas pas seulement. Je me bats contre les princes. Et je refuse d'en remettre un à la tête du pays.

Je m'apprête à argumenter avec colère lorsque je croise le regard de Gabriel. Ce combat, c'est le sien. Et il compte bien le gagner. Il adopte le ton de son adversaire.

-Tu es peut-être anti-monarchiste Christian... Mais à quel point le sont tes hommes ? Si jamais je leur proposais par hasard de me rejoindre... Combien me suivraient ?

Pour la première fois depuis le début de cette rencontre, Christian paraît incertain. Je comprends en moi-même qu'une grande loyauté subsiste dans ce pays malgré le gouvernement tyrannique d'Edilyn. Christian prendra t-il le risque de voir ses effectifs diminués ?

Il reste silencieux encore quelques secondes avant de lentement répondre.

-Cela ressemble à du chantage.

Gabriel hausse les épaules.

-J'aurai aimé utiliser une autre méthode mais tu ne m'a pas laissé le choix.

Christian laisse alors son regard errer sur chacun de nous avant de s'arrêter de nouveau sur celui de Gabriel.

-Pourquoi veux-tu gouverner ?

La question résonne dans le silence et je ne peux m'empêcher de me concentrer un peu plus comme tout le monde. Mais Gabriel ne paraît pas le moins du monde désarçonné.

-Parce que j'ai des devoirs. A quinze ans, j'ai promis en direct devant les télévisions du monde entier lors d'une cérémonie importante que je veillerai au bien être de chaque habitant d'Astra. Et que je reprendrai à la suite de mes parents le trône...

Sa voix se brise légèrement avant qu'il ne finisse sa phrase. Jamais il ne m'avait parlé d'une telle cérémonie. Mais les autres semblent parfaitement savoir de quoi il parle. Il finit avec un calme de façade ses quelques mots.

-Je n'ai jamais oublié.

Christian se lève de son siège et se place face à Gabriel qui se redresse lui aussi. Le jeune homme laisse la colère apparaître au fond de ses yeux gris presque noirs.

-Très bien. Tu es dur à combattre Gabriel et je n'ai pas le choix. Je ne t'appellerai jamais le prince mais je serai ton allié... Mais n'oublies jamais ceci : j'essaierai par tous les moyens et à tous moments de te renverser et de prendre ta place. Je suis un outil pour toi... Fais attention. Tous les outils sont à double tranchant. Ne te coupes pas la main.

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now