Edilyn (Chapitre 82)

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-Ça va Eric ?

-Oui, oui, ça va. Il n'y a pas de problème.

Il me jette un coup d'œil depuis son fauteuil et hésite. Je le contemple pendant une ou deux minutes de pesant silence avant de dire.

-Tu voudrais savoir ce qui s'est passé n'est-ce-pas ?

Il incline la tête avec inquiétude et demande précipitamment :

-La tour... Elle s'est bien écroulée ?

J'acquiesce lentement et il demande avec des yeux emplis d'angoisse :

-Et... Et Azylis... Elle est...

Il n'ose pas poursuivre. Il ne sait pas si je suis ou non au courant qu'il a tenté de la sauver. Une vieille caméra encore en fonctionnement l'a trahis et l'un de mes espions m'en a avertis. Mais je ne lui en veut pas. C'est tellement dans son caractère que cela aurait dû me paraître prévisible.

-Je suis au courant que tu as tenté de la sauver sans trahir ta promesse de ne rien lui dire... Oui, elle s'en est sortie. C'est Chris qui est allée la chercher. Et il paraît que le robot a aussi survécu à l'explosion.

Le jeune garçon relève les yeux vers moi et murmure gravement :

-Mais pas le dragon...

Je lui tourne le dos et me dirige vers la porte avant de demander froidement :

-Quelle importance ? Ce n'est qu'un animal créé dans un de nos laboratoires...

Eric ne réplique pas pendant quelques secondes avant de lentement se décider à reprendre la parole.

-Je crois... Je crois que c'était plus que ça pour elle.

Je ne me retourne pas et sors de la pièce. Je ne veux pas qu'il voit mon exaspération grandissante. Aujourd'hui, tout le monde ne parle que de la tour Astase. Son explosion a entraîné un événement que je n'avais pas prévu.

La colère de toute la population d'Ivy. Et c'est à ce moment là que la présence de Chris se révèle particulièrement précieuse. Étrangement, il est apprécié par une partie de la population. L'autre partie considère de toute évidence que le fait d'être mon mari le rend horriblement détestable.

Je gagne ma salle de réunion ou m'attendent justement Chris et quelques représentants de la population venus en délégation. J'incline la tête en entrant en réponse à ceux qui s'inclinent et m'installe à ma place. Chris s'assoit juste à ma droite et les autres prennent place dans un joyeux désordre. Avant que j'ai pu dire quoi que ce soit pour ouvrir la réunion, un homme au signe distinctif d'une courte barbe noire, se lève et prend la parole avec virulence :

-Majesté, il faut faire quelque chose ! Il y a une émeute dans les centres commerciaux du quartier Estrel. Plusieurs personnes ont déjà atterris dans des hôpitaux, certains même dans un état critique.

Mais une femme âgée et d'aspect assez disgracieuse se lève et prend la parole avant que je puisse dire quoi que ce soit.

-Non, les forces de police doivent intervenir et venir renforcer celles devant la tour Astase. Les gens sont littéralement furieux là-bas...

Un jeune rouquin qui doit avoir à peine dix-huit ans la coupe pour parler à son tour violemment :

-Tout le quartier ouest est en proie aux émeutes... L'explosion de cette nuit a littéralement mis le feu aux poudres...

S'ensuit une joyeuse cacophonie où je ne peux placer un mot. Je me lève alors froidement et perds mon peu de patience.

-ASSEZ !

Un silence tendu fait aussitôt suite à mon hurlement. Personne n'est encore assez fou pour prendre le risque de braver ma colère. J'inspire fortement et expire de manière à me calmer au moins un minimum. J'échange un coup d'œil avec Chris qui m'encourage d'un léger sourire que je suis la seule à percevoir.

-Ecoutez-moi, tous. Nous ne disposons pas non plus de forces policières infinies. Cette situation ne durera que quelques jours car nous sommes déjà en train de considérablement augmenter nos effectifs, notamment en recrutant massivement dans les villes du nord du pays qui nous restent entièrement fidèles. Maintenant, il nous reste à tenter de calmer les choses. Mon mari, Chris, va se rendre sur les ruines de la tour Astase pour parler à la population. Quand à vous, je compte sur votre autorité pour calmer chacun de vos quartiers. Mesdames, messieurs, la réunion est terminée. Nous nous revoyons demain à la même heure pour faire le point.

Je quitte la salle la première en compagnie de Chris et gagne rapidement mes appartements. Chris m'accompagne et une fois que nous sommes seuls dans mon salon, il s'autorise à m'interroger.

-Tu es certaine de penser que c'est moi l'homme de la situation ? Je ne suis pas du tout sûr de réussir à calmer ces gens...

Je le dévisage calmement et inspire fortement. Ne pas paniquer surtout... Pourquoi est-ce que toute la situation est en train de m'échapper ?

-Je ne connais personne de plus qualifié que toi pour calmer une foule. Si tu n'y parviens pas, c'est que ce n'est tout simplement pas possible. Et ton titre de prince consort te donne une autorité que personne d'autre ne peut revendiquer.

Chris hoche lentement la tête.

-Je ne te pardonne toujours pas l'explosion... La seule chose qui fait que je te parle encore c'est que j'ai eu l'impression que tu regrettais... Mais je suis à tes côtés et j'espère sincèrement pouvoir t'aider. De plus, éviter à ces gens de s'entre-tuer me paraît être un but plutôt louable...

Je tourne la tête vers l'une de mes fenêtre ouverte. On entend un bruit lointain de slogans hurlés par une foule en colère descendue dans les rues. La tour que j'ai explosée a provoqué une certaine panique de la population. La certitude que je ne reculerai devant rien désormais.

Chris recule avant de se tourner vers la porte de mon appartement et sors en disant quelques mots :

-A tout à l'heure alors Edilyn.

Il s'immobilise alors sur le pas de la porte et murmure d'une voix très étrange.

-A bientôt Edy...

Je le regarde partir avec une curieuse impression que je n'arrive pas à définir. Qu'est-ce-qui me trouble soudain ?

Intemporel T3 & 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant