Azylis (Chapitre 153)

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Je m'assois sur le lit couvert d'un drap fait d'un curieux tissu bleu qui brille de mille feux. En face de moi, il y a une petite coiffeuse, sous mes pieds un superbe tapis et à ma droite un dressing.

Et des photos. Des dizaines de photos sur les murs à côté d'une grande glace à gauche de la coiffeuse. Je me lève lentement de l'endroit où je m'étais assise et m'approche des papiers verglacés. Quand il était jeune Gabriel venait ici avec ses parents... Et sa sœur.

C'est dans la chambre d'Edilyn que je suis actuellement. Gabriel n'y a pas touché. Pourquoi ? Sans doute parce qu'il regrettait leur complicité de naguère...

Mes yeux se posent sur une image au centre. Une petite fille déjà d'une beauté troublante souffle des bougies sur une étrange pièce montée. Et dans l'angle, celui qu'on voit à peine, il y a Gabriel... Âgé de neuf ans et souriant de son air mystérieux habituel.

Mes doigts se posent sur l'image tandis que je sens la lame d'un couteau plonger dans mes veines et me faire atrocement souffrir.

Sur toutes les photos il y a ces deux visages... Edilyn et Gabriel.

Je m'assois sur le siège de la coiffeuse et ouvre l'un des tiroirs plus pour m'occuper les doigts qu'autre chose.

Le premier est vide. Le second aussi. Mais dans le troisième je découvre un petit cahier.

Je l'ouvre sans réfléchir, l'esprit ailleurs, essayant de faire abstraction de ma douleur tout en la recherchant car j'ai l'impression dérisoire qu'elle me rapproche de celui que j'aimais tant...

Sur la première page, il n'y a qu'un nom tracé d'une écriture irrégulière. Edilyn Astra.

Quel âge avait-elle en écrivant ça ? Huit ans ? Neuf ?

Je tourne les pages, sentant ma tristesse se muer petit à petit en colère. Mes yeux survolent les lignes tracées à l'encre sans réellement y faire attention.

J'écris un "carnet secret"... parce que maman en fait un et que je veux être comme elle ! Pourquoi a-t-elle crié quand elle m'a vue en train de lire son carnet rouge ?

... Je n'ai rien à dire mais j'écris parce que j'en ai envie. Cousin John m'a encore pris mon écran et l'a cassé... maman n'a pas voulu le punir...

John est bizarre. Maman ne l'aime pas. Et je crois que c'est pour ça qu'elle ne le punis pas... parce qu'elle ne veut pas qu'on s'en rende compte...

...J'ai soufflé mes bougies... douze ans ! Gabriel ne pourra plus dire que je suis une "toute toute petite fille". Je suis grande maintenant.

... Maman a punis cousin John. J'ai trouvé ça bizarre. Mais c'est peut être parce que je lui avais demandé pourquoi elle ne l'aimait pas...

... Ma tante est venue. Elle est jolie la sœur de maman ! Alors pourquoi est-ce-que maman a dit qu'elle ne l'aimait pas ?

... Treize ans. J'ai fais quelque chose de très mal... J'ai lu le carnet de maman.

Le petit cahier se finit sur cette dernière phrase. S'en est presque mystérieux... Mais ça m'est totalement égal.

Effondrée, je jette le cahier loin de moi avec répulsion et plonge la tête dans mes mains.

Des minutes, des heures peut-être passent lorsque j'entends quelqu'un toquer à la porte. Je me retourne et dis d'une voix étranglée :

-Entrez !

Quelqu'un pousse alors le battant et je vois à travers mes yeux brouillés Thaïs entrer dans la pièce. Elle approche une chaise qui était dans l'un des angles et s'assoit à côté de moi sans un mot. Elle plonge son regard rêveur dans le mien et murmure :

-Tu sais, je ne sais pas consoler les gens... je ne suis pas du genre à les serrer dans mes bras. Et je ne sais pas trouver les bons mots. Mais je t'en prie Azylis, si je peux t'aider...

Je secoue la tête, regrettant déjà mon emportement et articule d'une voix saccadée :

-La petite fille Thaïs ? C'était encore une fausse piste ?

Lorsqu'elle baisse la tête, je sens mon cœur se serrer affreusement dans ma poitrine. Avant que j'ai pu seulement dire un seul mot, elle me répond doucement :

-Non. Ce... ce n'était pas une fausse piste.

-Vous l'avez retrouvée ? Ysaïne !

Mais Thaïs relève des yeux aussi brillants que les miens et douche mon bel enthousiasme en s'exclamant :

-Azylis... Nous n'avons rien pu faire ! Les parents adoptifs ont pris peur et se sont enfuis. Ils ne veulent pas nous la rendre...

Ça y est, je suis folle. Mon esprit me paraît à des kilomètres et il me faut fournir un énorme effort avant de pouvoir demander :

-Ce qui veut dire ?

-Que nous avons vu Ysaïne... mais que nous l'avons perdue.

Si j'étais allée dans leur groupe, si... Des dizaines de pensées se bousculent dans ma tête avant que Thaïs ne me tire de mes réflexions en disant :

-Et toi ? Ça s'est passé comment ?

-La petite fille aux cheveux bleus n'était qu'une gamine que ses parents utilisent pour faire des photos de mode... La petite en est très fière d'ailleurs. Elle voulait me donner un autographe...

Ma voix se brise sur les derniers mots mais je ne me remets pas à pleurer. Pas question. Je reprends la parole d'une voix que j'espère neutre :

-Elle allait bien ? Vous êtes absolument sûrs que c'était elle ?

-Oui. Ses parents -adoptifs bien sûr- paraissent l'aimer. Azylis, j'ai avertis les autres, on va centrer les recherches... on tient une piste !

Mais je ne sais pas pourquoi, je n'y crois pas. Et malgré tous les efforts de Thaïs pour paraissent sûre de ce qu'elle avance, elle n'en a pas l'air non plus convaincue.

-Comment as-tu su que j'étais dans cette pièce ?

Elle esquisse un sourire amusé.

-C'est Vincent. Tu sais, le robot de Maly... Il t'a vue entrer ici et quand j'ai demandé si quelqu'un savait où tu étais eh bien, il m'a indiqué cet endroit...

Mes yeux se posent sur le petit cahier que j'ai balancé loin de moi. Thaïs suit mon regard et se lève pour aller le ramasser. Lorsqu'elle revient vers moi et se rassoie, elle me demande :

-Qu'est-ce-que c'est ?

-Je l'ai à peine regardé. C'est le journal intime d'une fillette de huit ans jusqu'à son treizième anniversaire...

-Edilyn pas vrai ?

-Comment le sais-tu ?

-Il suffit de te regarder...

Thaïs le feuillette quelques minutes et le silence s'installe entre nous. Étonnamment, je sens un début de curiosité m'envahir.

-Dans ce cahier elle parle d'un certain cousin John... Tu sais qui c'est ?

Thaïs se mord la lèvre et lève les yeux vers moi.

-C'est celui qui est mort non ?

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