Christian (Chapitre 54)

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-Repliez-vous ! Repliez-vous en direction de la porte principale de l'hôpital !

Allons bon, mais que fait l'armée d'Acalin ? Tandis que je cours au milieu de nos hommes en débandade vers la grande porte qu'il nous faut à tout prix défendre et refermer, je ne peux empêcher d'étranges pensées envahir mon esprit.

Pourquoi donc ai-je perdu un temps précieux à protéger Azylis ? Je secoue la tête pour écarter son visage de mon esprit et accélère sur le terrain découvert ou les coups de feu pleuvent de tout côté et commencent à avoir raison de nos boucliers dont les batteries sont presque déchargées.

Lorsque j'arrive devant la porte, j'entraîne tout le monde vers l'intérieur à grand renfort de nouveaux cris et gesticulades. J'aperçois alors deux mètres plus loin Gabriel en train de faire exactement la même chose.

Je traverse une marrée d'homme en déroute et réussit à le rejoindre. Pour la première fois, je me sens proche de cet homme que je ne peux que détester pour tout ce qu'il représente. Il paraît aussi démoralisé et épuisé que moi.

-Gabriel, ça va ?

-Non... Rassures-moi, tu as vu Azylis ?

Je croise ses yeux fou d'inquiétude et y lit une profonde tristesse que je ne comprends pas.

-Non. Tu penses qu'il lui est arrivé quelque chose ? Je l'ai perdu de vue il y a plus d'une heure déjà...

Je ferme les yeux un bref instant. Inutile de lui dire que j'ai sauvé la vie de sa femme a trois reprises. Je rouvre les yeux et grimace lentement. Si elle n'a pas rejoint Gabriel, il y a effectivement de fortes raisons de s'inquiéter...

-Gabriel, il faut qu'on referme la porte...

-Je sais. Allons-y.

Des gardes tirent de tout côté pour empêcher les soldats d'Edilyn d'approcher. Nous ordonnons une nouvelle fois la retraite et je vois Gabriel se précipiter pour aider les hommes à refermer les lourdes portes. Ils ont débranché les commandes électroniques de peur que quelqu'un de l'autre bord ne casse les codes et ne puisse les manœuvrer... Je hausse les épaules et me dépêche de rentrer à l'intérieur. J'ai déjà beaucoup trop risqué ma vie aujourd'hui.

Quelques minutes plus tard, les portes sont refermées et les boucliers magnétiques de nouveau activés. Et le siège recommence... La garde d'Edilyn entoure la place forte et nous sommes coincés à l'intérieur.

Je m'éloigne de quelques pas de l'enceinte et m'adosse à une fontaine légèrement cabossée par l'impact d'une balle pour souffler un bon coup.

Gabriel ne tarde pas à me rejoindre.

-Elle n'est pas dans l'hôpital...

Je détourne la tête pour répondre.

-Elle n'a sans doute pas pu rentrer et doit se cacher à l'extérieur.

-Tu sais comme moi que c'est presque impossible.

Ses yeux se voilent d'un nuage et je ne vois plus devant moi qu'un homme brisé par la souffrance. Il titube et je m'écarte brusquement lorsqu'il s'écroule contre le jet d'eau glacé de la fontaine.

Il reste prostré quelques secondes avant de lentement se ressaisir, la figure trempée et des gouttelettes d'eau dégoulinant de ses bras.

-Christian...

-Oui...?

-Pourquoi détestes-tu Edilyn ?

Je détourne la tête, pour la première fois presque gêné.

-Je te l'ai déjà dit. Je déteste tous les princes en général.

La voix de Gabriel est amère lorsqu'il me répond.

-Moi y compris.

Il hausse les épaules et finit par reprendre :

-Bon, je vais ordonner aux hommes de se reposer. Je ne pense pas qu'ils tenteront aujourd'hui une nouvelle attaque. Et nous aurons besoin demain de toutes nos forces.

J'acquiesce en silence et Gabriel s'éloigne rapidement de moi. Il disparait de ma vue à l'angle d'un bâtiment. Je pousse alors un lourd soupir et laisse deux larmes rouler sur mes joues. Je les retiens depuis le début de notre conversation. Deux minutes plus tard, alors que les larmes continuent de jaillir de mes yeux clos, j'entends quelqu'un m'interpeller.

-Pour qui pleures-tu ?

Je me retourne d'un bond vers Sarah et maudis silencieusement cette seule minute ou j'ai laissé la tristesse m'envahir. Je réponds avec une mauvaise foi évidente.

-Personne.

Elle reste quelques minutes indécise avant de reprendre la parole.

-Comme Gabriel a ordonné un repos général, nous n'avons pour le moment rien à faire. Juste à attendre... Alors j'ai du temps pour t'interroger.

Je retiens une légère grimace tandis qu'elle s'approche de moi avec un sourire triste.

-Je l'ai vu, tu sais, le prince. Il s'est enfermé dans une des pièces de l'hôpital et il pleure. Azylis a disparu...

Je fronce les sourcils et la dévisage calmement même si je sens mon rythme cardiaque augmenter fortement.

-Et alors ? Je veux dire, je suis triste pour lui bien sûr, mais pourquoi me dis tu ça comme ça ?

Elle s'arrête devant moi et ferme les yeux à demi. Elle m'observe quelques minutes en silence à travers ses longs cils noirs.

-Disons simplement que je ne t'avais jamais vu te préoccuper de quelqu'un d'autre que toi-même. Et je trouve que tu la regardais souvent, Azylis... Ce ne serait pas elle que tu pleures par hasard ? Je ne suis pas certaine que cela en vaille vraiment le coup...

Je bondis en avant, sentant une colère froide m'envahir tout entier. Mes mains lui prennent brutalement les bras et je la sers dans un étau de fer avant de dire avec rage :

-Redis ça... Redis qu'Azylis ne valait pas la peine que l'on pleure pour elle et...

Elle relève les yeux et dégage lentement ses deux bras. Je me laisse faire et elle esquisse un sourire triste.

-Tu es parfois prévisible Christian. Ta colère me donne raison. C'est elle que tu pleures.

Je reste immobile, sentant presque mon regard devenir brûlant et fixe en silence le sol à mes pieds avant de répondre d'une voix roque lentement.

-C'est possible... Qu'est-ce-que cela fait ?

Elle s'éloigne de quelques pas avant de brusquement revenir se planter devant moi.

-Rien... Ça ne fait rien.

J'hésite quelques secondes avant de me décider. Mes yeux plongent dans ceux de Sarah et je lui demande d'une voix blanche :

-Jures-moi que tu ne diras à personne que...

Elle esquisse alors une légère moue et une larme roule le long de sa joue. J'avance doucement la main pour la cueillir au passage et la force à relever la tête vers moi. Elle se dégage alors brutalement et me dévisage, les yeux en feu à son tour.

-Je te le jure Christian. Je ne dirai jamais à personne que tu l'as aimée.

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