Intemporel T3 & 4

Azylis (Chapitre 62)

-Allez, vas-y, racontes moi tout !

Assise à même le sol de ma cellule, j'accueille Eric qui vient d'entrer dans ma prison. En quelques jours, ce jeune garçon est devenu ma mine de renseignements personnels. Si je n'ai pas encore totalement confiance en lui et si je ne suis pas absolument certaine que ce ne soit pas Edilyn qui l'envoie, je suis en revanche heureuse des renseignements qu'il m'apporte.

Je reprends la parole tandis qu'il s'assoit dans le léger espace disponible entre les pattes de Dynamite qui pousse un léger grognement.

-J'ai entendu toute la nuit des explosions dans la ville... Et des cris ! Et puis l'ambiance n'est pas pareille aujourd'hui... Les gardes m'ont regardée avec un drôle d'air lorsqu'ils nous ont apporté à manger... Que se passe t-il ?

Eric écarte une mèche de cheveux sombre derrière son oreille et me répond d'un air inquiet et trop sérieux.

-Eh bien, hier a eut lieu l'ouverture des jeux olympiques...

Les JO... Nous en avions parlé avec Christian et Gabriel. Un sombre pressentiment m'envahit et je demande avec appréhension :

-Il s'est passé quelque chose de spécial ?

Eric acquiesce gravement avant de poursuivre.

-Oui. Le prince Gabriel est venu en personne à la tête de ses participants aux JO. Ils étaient tous habillés en noir... Le deuil. Et Gabriel a publiquement traité Edilyn de régicide.

Je remarque d'un ton docte :

-Il n'a fait que dire la vérité...

Mais mes pensées carburent dans un même temps à cent à l'heure. Edilyn ne laissera jamais passer ça... Mais la foule ? Je demande avec avidité des détails sur l'être qui me manque le plus au monde avec ma fille.

-Gabriel était comment ? Je veux dire, comment a réagit la population ?

Eric esquisse une moue douloureuse.

-C'était le délire... Il est sortit sous une pluie d'applaudissements... Et Edilyn sous les cris et les huées.

Je regarde Maly qui s'approche alors de nous pour demander à Eric :

-Et comment crois tu que va réagir Edilyn ?

Il relève la tête et esquisse un sombre sourire.

-Elle va se venger. Mais elle pourra même le faire légalement... Il lui suffit d'attendre qu'il perde aux jeux olympiques.

Je n'avais pas envisagé cet aspect des choses. Je n'y avais tout simplement pas pensé.

-En quelle discipline s'est-il inscrit ?

Eric relève les yeux vers moi et me réponds trop calmement pour que sa voix ne soit pas parfaitement contrôlée.

-Il... Il fait de l'escrime sur corde raide.

Je sens l'horreur se répandre dans chacun de mes membres. Je regarde tour à tour Maly silencieuse, mon dragon puis enfin Eric.

-Dites moi que ce n'est pas vrai ! De l'escrime, de l'épée quoi, c'est ça ? Et... Sur corde raide ? Marcher sur une corde ! À combien de mètres du sol ?...

Maly échange un coup d'œil désolé avec Eric et c'est finalement lui qui me répond lentement.

-C'est ça. La corde est tendue à cinq mètres minimum du sol.

-Et... Savez vous si Gabriel est doué dans une telle discipline ?

Eric hausse les épaules avec impuissance.

-Je n'en sais rien...

Maly fronce les sourcils en me regardant avant d'admettre la même chose.

-J'ai forcément dû le savoir. Mais cela fait partie de mes mémoires réinitialisées...

Je hoche lentement la tête et ramène contre moi mes genoux avant de poser mon menton dans mes mains.

-J'aimerai sortir d'ici... J'ai l'impression que le monde entier s'apprête à s'affronter et que je ne suis qu'un pion d'échiquier... Et un handicap pour Gabriel.

Dynamite allonge la tête vers moi.

-Tu te trompes. Tu es sa raison de combattre. De rester en vie...

-Peut être. Il est la mienne...

Eric se relève alors et me salue d'un hochement de la tête.

-Je... Je crois qu'il est temps que je rentre.

Je serre la main qu'il me tend en songeant fugitivement qu'il n'est qu'un adolescent torturé entre les deux voies qui s'offrent à lui. Un honneur et une gloire possible ou seulement l'honnêteté.

Alors qu'il disparait dans la trappe je ne peux m'empêcher d'ajouter quelques mots.

-Veilles sur toi !...

-Pas de problèmes Azylis. Toi de même... Ne désespères pas...

J'ai soudain une inspiration et je lui demande doucement.

-Dis... Tu accepterais de faire parvenir à Gabriel un billet de ma part ?

Eric devient aussitôt méfiant et circoncept. Il arrête de descendre et s'immobilise au bord de la trappe.

-Je ne suis pas un traitre à Edilyn. Je lirai ton message... Pour m'assurer qu'il ne contient rien d'important.

J'acquiesce, respectant ce qu'il vient de me dire.

-Merci beaucoup... Je te le donnerai la prochaine fois que tu viendras.

Il incline la tête et disparait dans l'ouverture. Je laisse ma tête retomber contre le mur. Maly s'approche de moi et pousse un long soupir avant de prendre la parole.

-J'aimerai faire quelque chose. Je ne supporte pas cette inaction !

J'acquiesce vigoureusement.

-Je ne te le fais pas dire.

Je jette alors un coup d'œil sur la trappe du centre de la pièce qui se soulève une nouvelle fois. Un homme en uniforme pose un plateau repas sur le sol. Je jette un coup d'œil à Maly qui sourit malicieusement avant de s'exclamer :

-Ah non ! C'est toujours moi qui vais le chercher ton plateau repas... Vas-y pour une fois...

Le garde pose alors un tube contenant quelques pastilles vitales pour un robot. Les yeux de Maly brillent et elle continue :

-Après tout... Je vais peut être aller le chercher...

J'esquisse un fin sourire franchement amusé, qui s'élargit lorsque l'homme pose un énorme morceau de viande et qu'il s'éloigne précipitamment, apeuré lorsque Dynamite approche sa gueule remplie de dents... D'une longueur redoutable il faut bien l'admettre... Et la trappe se referme aussitôt.

Maly m'apporte mon plateau et mon sourire s'élargit.

-On peut dire ce qu'on veut de toutes ses prisons mais la nourriture donnée aux prisonniers vaut bien un hôtel cinq étoiles...

-Tu n'exagères pas un peu ?

Je goutte quelque chose qui ressemble de loin à un pain d'épice bleu et pousse un grognement d'appréciation.

-Pas du tout. C'est vraiment délicieux...

Maly, philosophique, ouvre un boîtier de son bras et y pose une à une les pastilles qui sont dissoutes pour  ensuite circuler dans ses circuits... Elle remarque :

-La nourriture est sûrement délicieuse... Mais enfin, vivement qu'on sorte d'ici.

J'avale une cuillerée d'un liquide rose bonbon qui me donne des frissons de plaisir avant de répondre avec un léger sourire.

-Complètement d'accord.