Christian (Chapitre 135)

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Une balle siffle à mon oreille et je me baisse brusquement. Installé derrière un épais bureau renversé, arme au poing, je lance régulièrement des ordres à mes hommes encore en vie.

Normalement, cette opération n'aurait pas du tout dû se dérouler comme ça. Le but, à la base, sur une idée de Sarah, était simplement de poser des bombes en faisant semblant d'attaquer. Sauf qu'on s'est retrouvés bel et bien obligés d'attaquer...

Et nous ne pouvons plus fuir car des gardes noirs sont à l'étage juste en dessous. La seule chose que nous pouvons faire, c'est tirer sur chacune des entrées de l'étage. Nous sommes coincés comme des rats...

Un sourire cynique éclaire un bref instant mon visage tandis que je tire une nouvelle rafale de balles en direction d'un homme qui tente de nous rejoindre. J'ai été obligé de faire appel à Gabriel... Furieux de penser à ça maintenant, je secoue la tête et ne tarde pas à fixer mon attention sur Sarah qui se déplace pour me rejoindre, penchée vers le sol pour éviter les balles. Elle ne tarde pas à m'atteindre et s'affale derrière le rempart du bureau.

-Christian, on a presque plus de munitions ! Il arrive quand ton fichu Gabriel ?

Je grimace en effleurant mon bras. La manche est trouée et quelques gouttes de sang tombent sur le plancher. Ce n'est heureusement pas trop grave.

-Je te rappelle juste, au cas ou tu ne l'aurai pas remarqué, qu'en tentant le tout pour le tout on a quand même monté cinquante étages ! Donc Gabriel risque de mettre un peu de temps à arriver effectivement...

Elle fronce ses sourcils sombres, semblant réfléchir à une idée soudaine avant de tirer une nouvelle rafale de balles et de s'exclamer :

-Ils ont dû nous laisser monter les étages exprès pour mieux nous coincer ! Mais oui, c'est pour ça que ça a été plutôt facile...

J'étouffe un grognement avant de dire :

-Super, maintenant que tu sais qu'on s'est fait avoir dans les grandes largeurs, qu'est-ce-qu'on fait ?

-C'est toi le chef.

Je ne connais personne d'autre sur cette planète capable de m'exaspérer autant. La seule qui lui arrive peut être à la cheville est ma petite sœur Lizzie. Je pousse un bref soupir avant de hurler quelques ordres brefs en direction de mes hommes répartis sur tout l'étage.

-Économisez vos cartouches à tous prix ! Les renforts ne devraient pas tarder !

Ma phrase fait le tour de toutes les pièces, et tout le monde commence à reprendre espoir. Pas moi. Je sais très bien que nos chances de tenir jusqu'à l'arrivée de Gabriel sont minimes.

Soudain, aussi brusquement que tout l'enfer s'était déclenché et comme pour me contredire, le bruit des balles cesse pour laisser place à un grand silence. Un de mes hommes en face de moi, l'arme pointée sur l'une des salles de téléportation, m'adresse un coup d'œil nerveux. Qu'est ce que cela veut dire ?

Cette accalmie dans la tempête nous inquiète tous car nous ne savons pas à quoi nous attendre. Je jette un nouveau coup d'œil au jeune homme et parle d'une voix calme en ignorant les coups de coude de Sarah dans mes côtes qui veut de toute évidence me dire quelque chose.

-Fait passer l'ordre que tout le monde reste attentif et à son poste. Nous n'avons qu'à attendre.

Il acquiesce et mon ordre se répercute quelques minutes plus tard dans tous l'étage. Moi, profitant du calme soudain et du silence, je me détends très légèrement et m'adosse au mur derrière moi, écartant d'une main les gravats qui jonchent le sol. Sarah reste en place et prend la parole d'une voix de stratège.

-Christian, ils sont en train de faire le point. Ils ont du mal à nous dégager d'ici et perdent beaucoup d'hommes pour rien... S'ils prennent la décision d'attendre...

-Mais ils doivent savoir que nous attendons une aide extérieure...

-Ils pensent sans doute en venir facilement à bout. J'ignore s'ils ont raison mais je sais que de toute façon cette pause est une chance inouïe pour nous.

Je ne réponds rien et un lourd silence retombe dans la pièce. La plupart de mes hommes se sont réunis tout en gardant leurs armes à la main et les yeux rivés sur les positions à défendre comme les salles de téléportation. Ils chuchotent entre eux pour tenter d'évacuer la tension qui nous habite tous. Je pose ma tête contre le mur et ferme un instant les yeux. Malgré cela, je sens sans avoir besoin de le vérifier le regard de Sarah posé sur mon visage. J'entrouvre mes paupières, bien décidé à donner l'exemple et me remets moi aussi à fixer les points stratégiques.

Le silence entre Sarah et moi est palpable. Mais au bout de quelques minutes, elle le rompt et prend la parole en chuchotant de sa voix grave.

-On dirait qu'on va mourir non ?

-Il y a un risque.

Je rencontre ses yeux sombres sans éprouver le moindre sentiment. J'ai l'impression d'avoir l'esprit complètement vide. Mais Sarah n'abandonne pas son espoir de conversation malgré mon manque de coopération. On dirait bien que pour une fois nous avons échangés nos caractères.

-Tu ne m'as jamais parlé de toi.

-C'est le fait de bientôt mourir qui te donne de pareilles idées de discussions ?

Elle me toise quelques secondes avant de détourner la tête. Je tente de rassembler mes pensées en un fil cohérent tandis qu'elle me répond froidement.

-Où plutôt l'envie de pouvoir dire un jour que je te connaissais un minimum après plus de cinq ans passés côte à côte.

Son regard furibond me fait hausser les épaules puis je pousse un léger soupir. Après tout, pourquoi pas ? Je ne parle jamais de moi. A personne. Mais il semble que les minutes à venir vont être terriblement longues...

-Que veux-tu savoir ?

Sarah pose de nouveau ses yeux sur mon visage avant de les poser sur le sol.

-Parles-moi de ta famille déjà. Je ne sais même pas qui sont tes parents, si tu as des frères et sœur, enfin, je suppose que non mais...

Un éclair traverse mes yeux avant que je ne me ressaisisse et je murmure dans un chuchotement bas :

-Tu supposes mal. J'ai des frères et sœurs.

-Tu n'en as jamais parlé !

La surprise perce dans sa voix. Je tourne la tête vers la salle de téléportation déserte à l'autre bout de la pièce.

-C'est une histoire compliquée.

Sarah ne peut s'empêcher de retrouver son ton docte.

-Je crois que j'ai le temps de l'entendre.

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now