Gabriel (Chapitre 26)

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Je reste immobile sur mon siège. Pas un muscle de mon visage ne tressaille. En revanche, je ne peux pas empêcher la pâleur mortelle qui me monte aux joues.

Mes poings se serrent tandis que je tente de remettre mes pensées en marche. Ils sont morts ! Papa, maman... Est-ce normal que j'ai soudainement l'impression de redevenir un enfant que je n'aurai jamais cessé d'être ?

Toute une partie de moi refuse d'accepter ce que je viens d'entendre. L'autre accepte et songe déjà à la vengeance...

Ce poison froid qui se distille lentement dans mes veines, transportant ma haines jusque dans les plus petits recoins de mon coeur.

Ma mère... Qui se souviendra de son extraordinaire douceur mais aussi de sa rage de vaincre ? Et mon père... Qui se souviendra de son honneur et de sa noblesse ?

Edilyn... Ma chère petite soeur. Même simplement en pensée, les mots m'écorchent la bouche. Comment a-t-elle pu ? Comment... Elle les a tué !

Je relève la tête et fixe des yeux ou s'affrontent toutes les misères du monde Azylis.

Elle retient un léger mouvement de recul avant de dire d'une voix douce :

-Gabriel, je... Je voudrai t'aider...

Je me lève sans répondre pour m'approcher de la fenêtre. On doit avoir exactement les mêmes impressions que moi en ce moment quand on se jette dans le vide. Il n'y a pas de justice dans ce monde...

-Azylis ?

Je ne me suis pas retourné et même à moi, ma voix me paraît terrible.

-Oui ?

-Tu le sais non ? Si tu me ramènes chez moi, si tu me laisses repartir, j'essaierai de la tuer. De me venger. Ce sera un épouvantable duel...

Je sens alors une main se poser sur mon épaule. Elle est là, debout à mes côtés, et l'espace d'un bref instant en voyant ses boucles de cheveux dorés, il me semble que le volcan qui grondait en moi se calme un peu.

-Gabriel... Tu es sous l'effet du choc, de la colère. C'est ta soeur. Et tes parents n'auraient jamais voulu ça... Et moi non plus.

Elle fait une légère pause et son visage se durcit à son tour avant qu'elle ne reprenne la parole.

-Mais je suis d'accord avec toi. Un monstre comme elle ne peut pas régner là-bas. Tu es le prince héritier... Rallie les rebelles, ils t'obéiront. Mais jure moi que tu te contenteras de laisser ta soeur pourrir en prison...

Je redresse la tête un peu plus et la fixe droit dans les yeux, sans ciller.

-Azylis, ne me demande pas ça. En tout cas pas maintenant. Je ne serai capable que de te jurer le contraire. Je ne pourrai jamais vivre en la sachant en vie quelque part. Et elle non plus... Nous finirons bien par nous battre, un jour. Et que pourras tu faire à ce moment-là ?

Elle ne détourne pas la tête et lève avec un brin de défi le menton.

-Je partirai. Je te quitterai, je veux dire. Je ne suis pas la femme d'un homme qui tue sa soeur. Sinon, tu ne vaudras pas mieux qu'elle !...

Je baisse mes yeux sombres vers le plancher sans répondre. La rage, la douleur et la tristesse se partagent mon coeur. Je voudrai tant retrouver mes repères habituels... Mais j'ai l'impression que tout a été balayé par un typhon qui n'aurait pas été annoncé par la météo.

-Peut-être. En tout cas, maintenant que je suis au courant, il est temps de repartir. Ne perdons pas de temps, viens, on redescend dans la rue.

Je me dirige vers la porte de l'appartement et manque rater la première marche de l'escalier tant je suis aveuglé par ma rage et ma tristesse. Azylis me suit et nous ne tardons pas à être de nouveau au pied de l'immeuble. Lorsque je veux sortir dans la rue, Azylis m'agrippe par le bras.

-Gabriel, tu veux appeler la machine là, sur la route ?

-Bien sûr. Il n'y a personne et au pire, ils croiront à une hallucination. Allez, viens.

Nous sortons. Le soleil ne parvient pas à me réchauffer lorsque je tourne mon visage trempé de larmes vers lui. Puis, lentement, je concentre chaque parcelle de mon être.

Mon bras prend rapidement son habituelle couleur bleue tandis que le sifflement retentit à deux pas devant nous.

La machine se matérialise peu à peu pour finir par se stabiliser. J'entends alors un cri de stupeur d'Azylis.

-Gabriel, un policier ! Il nous a vu, il vient vers nous et...

Je n'en écoute pas plus et l'attrape fermement par le bras. La porte de ma machine coulisse sur mon ordre et je me rue à l'intérieur, entraînant Azylis avec moi. Heureusement que grâce à mon bras je n'ai pas besoin de la clef... Trop de temps perdu.

Une fois à l'intérieur, Azylis se ressaisit aussitôt. Il était temps car le policier est maintenant tout près. Je rentre le code d'activation et l'écran commence à clignoter d'une lumière verte.

-Ady ? Direction 2720, même endroit que la dernière fois, et pour l'heure, une de plus que mon dernier départ.

-Ok, ça marche ! Attention, attachez vos ceintures... Le premier qui l'attaché gagne un tour gratuit !

Azylis me lance un regard furtif avant de murmurer à l'intention d'Ady.

-Je ne crois pas que ce soit exactement le moment de plaisanter...

Ady ne répond pas, sûrement vexée, et la machine démarre. La routine habituelle quoi...

Mais ce voyage si ne ressemble à aucun de mes précédents voyages. Je retourne chez moi et personne ne m'attend.

Que ferai-je ? Cette question me hante profondément. Ai-je vraiment l'intention de rejoindre les rebelles ? Et Ysaïne, notre chère petite fille perdue au milieu de tout ça ?

Je grimace tandis que je sens la machine se stabiliser de nouveau. Je me tourne vers Azylis et demande :

-On est où exactement ?

-Dans le jardin de ton palais privé.

-Pourquoi avoir choisi cette endroit à ton arrivée ici ?

-C'était l'un des rares que je connaissais bien...

Ady intervient alors dans notre dialogue.

-Toutes les caméras ont été désactivées et je décèle une présence tout près de nous.

J'aimerais presque que ce soit Edilyn... Mon désir de vengeance augmente encore un peu plus dans mon âme. Mais Azylis se charge de me détromper.

-C'est Edmée, une fille qui doit nous conduire à l'hôpital... Si tout se passe comme prévu.

Ah. Elle aussi se méfie malgré son rendez-vous prévu dès le départ.

-Ady, ouverture des portes s'il te plait. Une fois que nous serons partis, cache la machine comme d'habitude. On y va Azylis !

La porte coulisse et je saute à terre. Je trébuche et tombe, roulant sur moi même sur quelques mètres. Lorsque je me redresse, je contemple Azylis debout, et le vide. La machine est déjà repartie.

Nous nous retournons alors d'un même mouvement en entendant la voix complètement décalée dans ce joli paysage.

-Bonjour tout le monde !...

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now