Edilyn (Chapitre 131)

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Je toise un à un les gens que j'ai rassemblé pour cette importante réunion. Assis à ma droite se trouve le chef de ma garde, Iguen.

Le reste de la salle est composé de mes habituels conseillers. Les retrouver n'a pas été facile. J'ai dû publier un avis de recherche. Je me lève de mon siège et prends la parole d'une voix ferme.

-Il faut que nous discutions sérieusement. La capitale est dans un sinistre état... Il faut absolument que nous prenions les choses en main. Je suggère de programmer dès demain nos robots pour qu'ils aillent reconstruire les points clefs, et en priorité le palais.

La plus jeune de mes conseillers relève la tête et prend la parole rapidement en fronçant légèrement les sourcils.

-Pourquoi le palais en priorité ?

Furieuse, je la toise et elle se tasse sur sa chaise. Je l'incendie du regard avant de lui répondre.

-Parce que je le veux ainsi.

Mais, empêchant la jeune femme de répliquer, Iguen prend la parole.

-Majesté... Je voudrai vous parler d'autre chose. Vous savez où se trouve le prince Gabriel actuellement non ?...

Le silence se fait aussitôt dans la salle. Et tous, intrigués, me fixent, attendant ma réaction. Je pâlis légèrement et réponds d'une voix contrôlée.

-Oui, pourquoi ?

-Nous pourrions l'attaquer et essayer de le détruire.

Le cri qui jaillit de ma bouche est instantané et surprend tout le monde, moi la première.

-Non !...

Personne ne reprend la parole. Je reste immobile, indécise, avant de me rasseoir dans mon siège. Les yeux fixés sur le centre de la table, je me décide à reprendre la parole doucement.

-Non. Il... Il est beaucoup plus fort que nous. Ils ont là bas beaucoup d'hommes pour les soutenir. Attendons d'avoir réorganisé nos propres troupes.

Personne ne reprend la parole. Le silence se fait tendu tandis que chacun réfléchit à ce que je viens de dire. Personne ne pense un seul instant que je puisse ne pas dire la vérité. Ils me connaissent... Ils se contentent d'échanger des regards entre eux et de se demander si je suis vraiment la plus forte ou si ce ne serait pas le moment de changer de camp. Seul Iguen paraît douter.

Ses yeux se posent sur les miens, interrogateurs. Son attitude me rappelle pendant un cruel instant celle de Chris qui savait si bien deviner mes doutes secrets. Le plus discrètement possible, je secoue la tête. Il garde le silence, pas certain d'avoir bien compris mais ne pose plus de question.

N'y tenant plus, je me relève d'un bond de mon siège. Hésitante, les joues en feu et les mains tremblantes, je reprends la parole pourtant fermement.

-La réunion est terminée.

Je désigne la jolie blonde du menton. Derrière son apparence futile, elle cache un tempérament dure et une volonté inflexible associé à une forte ambition.

-Tu t'occupes de la reconstruction du palais. Elle doit commencer dans l'heure.

Je désigne ensuite un homme au mince collier de barbe brune.

-Vous Gérard, vous allez organiser le recensement de tous ceux qui ont fuis la ville en feu. Rassurez les fuyards et assurez leur qu'on s'occupe d'eux et qu'ils retrouveront avant l'hiver un toit au dessus de leurs têtes. Notez aussi dans un rapport... Toutes les personnes présumées disparues.

Il incline la tête et j'ordonne à tout le monde de partir d'un geste froid de la main.

Ils m'obéissent tous sauf Iguen qui se contente de se lever de son siège.

Une fois que nous sommes tous deux seuls dans la pièce, je m'approche de l'unique fenêtre et lui tourne le dos. Sans le regarder, je demande d'une voix que j'aimerai neutre :

-Que veux-tu ?

-Vous demander ce que vous penser exactement du prince Gabriel.

Tout le monde lui donne son titre maintenant, moi la première. Je m'en fais la réflexion sans vraiment y faire attention. Je suis heureuse qu'Iguen ne puisse pas voir les traits torturés de mon visage. Je me décide pourtant à répondre.

-Je l'admire. D'avoir su dompter ses émotions au point de me porter secours. Et... Me croiras tu ?...

Je me retourne vers lui, ne lui cachant plus les larmes qui débordent de mes joues. J'hésite quelques secondes avant de continuer.

-Je... Je ne pourrai plus jamais porter la main sur lui. J'ai voulu tuer Azylis. Je... Nos parents. Je suis assoiffée de pouvoir depuis toujours. Et... Il m'a pardonnée on dirait bien. Ou en tout cas il me laisse ma vie qui ne vaut déjà plus rien à mes propres yeux. Peux tu comprendre ce que je ressens ?

Il me contemple quelques minutes, avec au visage une expression que je ne comprends pas. J'esquisse un geste perdu de la main avant de poursuivre sans lui laisser le temps de reprendre la parole.

-Bien sûr que non tu ne peux pas comprendre !... Sais tu que tu es en danger ? J'ai fais fusiller des gens pour moins que ça. Tu viens de me voir douter de moi... Je pardonne rarement ce genre de crime.

Mais il me regarde avec des yeux étrangement lumineux.

-Au contraire majesté. Je crois que vous allez me pardonner.

Il s'approche de moi et me prend les mains sans que je me défende. Il les serre dans les siennes. Pas à la manière de Gaëtan, quand il me regarde avec cet amour au fond des yeux... Non, plutôt comme Gabriel pourrait le faire : à la façon d'un frère.

-Je crois que vous commencez à changer. Majesté, quand vous avez fait de moi votre chef des gardes, je me suis juré de vous servir jusqu'au bout. Quel que soit les missions que vous me confierez. Pour le meilleur comme pour le pire... À vrai dire, j'étais certain que ce serait plutôt pour le pire. Ça ne me déplaisait pas. Je n'ai jamais été quelqu'un de gentil et je suis même plutôt cruel. Mais vous éveillez en moi depuis que je vous connais un sentiment d'amitié et d'admiration... Si vous voulez changer de chemin, je vous suivrais.

Je retire mes mains des siennes et recule légèrement.

-Que... Que veux-tu dire ? Que penses-tu que je serais prête à faire ?

-Rendre le trône à votre frère. Avouez le. Vous rêvez de le retrouver et de changer...

Je le regarde, encore plus perdue qu'avant. Il lit dans mon coeur avec une rare clarté...

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now