Gabriel (Chapitre 93)

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-Donc on est bien d'accord ?

-Oui. C'est les wagons de transport qu'on va miner. En espérant que la déflagration n'atteindra pas les wagons des passagers.

Je dévisage Christian plus particulièrement en disant cela. J'ai parfois tendance à me méfier légèrement de lui. Nous avons réuni deux équipes de quatre hommes que nous dirigerons chacun de notre côté. L'un de mes soldats prend la parole en me regardant :

-Merci d'avoir pensé à moi pour cette opération.

Je pose la main sur l'épaule du jeune leader que j'ai sauvé du bombardement de la tour Astase.

-N'oublies pas que c'est dangereux. Tu n'es pas obligé de le faire Harry.

-Mais j'y tiens et c'est pour ça que vous m'avez choisi.

J'incline la tête et prends la tête de mon petit groupe pour rejoindre l'aéronef qui nous attend sur la plateforme de verre. Christian a déjà décollé et je pousse un léger soupir. J'espère qu'on y arrivera sans problèmes.

Tout le monde monte dans l'appareil et je le programme rapidement. Quelques minutes plus tard, nous sommes en plein ciel.

Je sens mon coeur tambouriner dans ma poitrine tandis que nous nous rapprochons inexorablement d'une tour entièrement noire et gris métallique située au sud de la capitale. La gare... Où il va falloir entrer en douce avec nos sac bourrés d'explosifs.

L'aéronef ne tarde pas à se poser au pied de la tour et nous descendons rapidement pour pénétrer à l'intérieur du bâtiment. Christian doit s'occuper du train numéro trois. Et nous du cinq. Je lève les yeux vers un panneau d'affichage et place mon bras devant un détecteur qui décode aussitôt ma question. Une voix féminine me répond aussitôt.

-Le train numéro cinq est prêt à partir dans trois minutes. Si vous voulez le rejoindre, dirigez vous vers la troisième plateforme de dématérialisation et gagnez le deux-centième étage. Je répète...

Je coupe l'appareil en retirant mon bras et en disant machinalement "merci" avant de me retourner vers les quatre hommes qui me regardent avec intérêt.

-On se dépêche, on a plus beaucoup de temps... Chacun a bien tout son matériel ?

Un "oui" unanime me répond tandis que je me mets rapidement à marcher en direction de la plateforme numéro trois. La foule est très dense et chacun si pressé que personne ne pense à s'attarder sur mon visage, ce qui m'est plutôt utile pour l'occasion où il faut que nous soyons discret.

Nous entrons dans la salle de la plateforme numéro trois en même temps qu'une jeune fille de dix-huit ans aux cheveux blonds coupés courts à la garçonne.

Je ne lui jette qu'un léger coup d'œil et nous ressortons quelques minutes plus tard au bon étage.

Un train occupe une grande partie de l'espace disponible tandis que l'avant et l'arrière du bâtiment sont ouvert pour laisser passer les rails.

Je me tourne vers mes co-équipiers sans remarquer le regard intrigué que la jeune fille de tout à l'heure pose sur moi.

-Pas de questions ?

Un non unanime me réponds et nous commençons à nous frayer un passage jusqu'au derniers wagons. Aussi blanc et aérodynamique que les wagons passagers, ils ne s'en différencient que par l'absence absolue de toute fenêtre.

Chacun de mes hommes ouvre alors la porte d'un wagon dans l'inattention générale et, quelques minutes plus tard, tout le monde est entré dans son wagon désigné.

Je grimpe alors dans le mien et referme rapidement la porte derrière moi. Je ne dispose que de peu d'espace, les marchandises s'entassent dans des caisses d'acier absolument partout, et je prends le sac que j'avais sur le dos pour commencer à sortir ce dont j'ai besoin.

Un boîtier rouge... Il clignote correctement et un léger sourire me monte aux lèvres. Heureusement qu'Azylis ne sait pas exactement comment va se dérouler cette fameuse opération...

Je me cogne alors légèrement contre le bord du wagon et constate que le train commence à avancer, d'abord lentement puis en prenant de plus en plus de vitesse.

A ma grande surprise, une voix résonne alors dans le wagon et je manque de faire tomber le boîtier rouge que je tiens toujours dans la main. Je fixe les ténèbres pour finalement distinguer un visage derrière des caisses.

-Vous êtes bien le prince n'est ce pas ? Qu'est ce que vous faites ici ?

-Et vous ?

Je tente de percer l'obscurité et devine enfin le visage de la jeune fille qui était avec nous dans la salle de téléportation.

-Vous m'avez suivie !

-Oh, tutoyez moi... J'ai dix-huit ans ! J'ai toujours rêvé de vous rencontrer et de vous parler en tête à tête alors lorsque je vous ai vu...

Je sens une panique froide s'emparer de moi. Ça, ce n'était pas prévu au programme. Je regarde avec anxiété le boîtier dans ma main. L'opération est prévue pour exactement cinq minutes... Et je n'ai aucun moyen de l'annuler. La colère prend peu à peu le pas sur la peur et m'aide à réfléchir. Tant pis, je ferai quand même ce que j'ai à faire. Et espérons que mon parachute suffira à nous maintenir en l'air tous les deux...

-Ecoutes moi bien petite sotte... Dans cinq minutes, je vais faire sauter ce wagon et...

-Quoi ?! Mais on va mourir !

Son cri aigu m'exaspère un peu plus.

-Ça dépend si tu m'écoutes ou non !

Elle redevient alors tout à coup aussi sage qu'une parfaite écolière.

-J'écoute alors. Que voulez vous faire ?

-J'avais un parachute pour sauter. Tu vas t'accrocher à moi et te débrouiller pour ne lâcher sous aucun prétexte, compris ?

-J'ai toujours rêvé de vivre une superbe aventure avec vous...

Je me retiens de lever les yeux au ciel et pose à terre avec précaution le boîtier. Quand il ne restera plus qu'une minute, et si nous avons bien tout calculés, nous serons pile au dessus de l'immense pont de Michigem.

L'attente est pénible et je sens une goutte de sueur me couler dans le coup. J'enfile lentement le harnais du parachute. Quelques secondes plus tard, je suis entièrement équipé.

Je regarde alors le boîtier à terre et pousse un soupir. Il ne reste plus qu'une minute. J'ouvre la porte du wagon grâce aux commandes électriques et elle coulisse rapidement. Nous sommes bien au dessus du pont. Je me retourne vers la jeune fille :

-Accrochez-vous à moi, vite !

Elle obéit avec pour la première fois au fond des yeux une lueur de peur.

Je me jette dans le vide.

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now