Azylis (Chapitre 24)

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-Allons-y vite alors. Maintenant. Mais il va falloir que tu m'expliques comment tu as pu laisser faire une chose pareille.

Je jette un coup d'œil désolé à bonne-maman avant de répondre posément à Gabriel.

-Ne t'inquiète pas, elle est en sûreté.

Je suppose que vu de l'extérieur notre conversation doit paraître assez étrange...

Je me tourne vers ma charmante grand-mère, toujours amusée à la simple idée d'apprendre des petits secrets de famille, et continue d'une voix légèrement ennuyée.

-Je te reprends Gabriel... Nous allons devoir retrouver Ysaïne qui doit nous attendre.

-Bien sûr, je comprends tout à fait.

Alors que je m'approche d'un pas vers bonne-maman pour lui dire au revoir, elle m'embrasse sur la joue en ajoutant quelques mots plus qu'étonnants à voix basse.

-C'est un adieu définitif ?

Mal à l'aise et surtout surprise par une telle question, je me décide à lui répondre, moi aussi en chuchotant.

-Non... Qu'est-ce qui peut bien te faire penser une chose pareille ?

-Appelle ça pressentiment... Jure moi juste que je reverrai ma petite fille. Au moins une fois.

Et si elle n'était déjà plus de ce monde ? J'écarte aussitôt cette terrible idée de mes pensées et me tourne vers Gabriel qui, cette fois-ci, a entendu la dernière phrase. Il dévisage gravement bonne-maman avant de prendre la parole.

-Nous vous en faisons la promesse.

Je tourne alors les talons et sors de la pièce, suivant Gabriel. Deux minutes plus tard, nous sommes en dehors de l'appartement et je me remets lentement de notre étrange conversation.

Une fois tous les deux assis dans la voiture, Gabriel devant le volant, je ne résiste pas à poser la question qui me brûle les lèvres.

-Gabriel... Qu'est ce que bonne maman a voulu dire ? Elle ne peut pas être au courant de nos voyages dans le temps !

Il tourne lentement ses yeux sombres vers moi. Sa figure crispée, signe qu'il n'a pas tout à fait abandonné sa colère contre moi, finit pourtant par s'éclairer d'un chaleureux sourire.

-Azylis, je t'adore et tu dois bien le savoir... Mais alors pourquoi te mets tu toujours dans des situation qui me force à t'en vouloir ? Concernant ta grand-mère, la réponse me paraît évidente. Meredith a dû tout lui raconter. Donc oui, elle est au courant...

-Merci de m'apprécier malgré toutes mes bêtises...

Je fronce les sourcils tandis qu'il se décide à démarrer la voiture. Nous roulons sans que je fasse attention aux maisons qui défilent à la fenêtre. La seule chose qui m'importe -enfin, en dehors d'Ysaïne- c'est ce que Gabriel vient de dire.

-Tu penses que Bonne-maman est au courant de tout ? Après ses paroles d'au revoir, j'aurais plutôt tendance à te donner raison... Mais pourquoi est-ce-que ce serait Meredith qui lui aurait tout révélé ?

-Parce que ce n'est pas le genre de Tugdual tout simplement. Et en dehors de nous et de lui, il n'y avait que tes parents ou ta soeur pour parler de notre secret... Mais bon, cela ne me dérange pas vraiment tant qu'il ne s'agit que de bonne-maman et personne d'autre.

Je reste un instant silencieuse, admettant en mon for intérieur le fait qu'il ait raison.

-Bien, admettons... Ou allons-nous maintenant ?

-A la maison. Avant de partir dans le futur, je tiens à entendre toutes tes explications. Que s'est-il passé là-bas ? Pourquoi Ysaïne n'est-elle pas avec toi ?

Je ferme un instant les yeux, repensant à Acalin. A ses confidences. Et à Ysaïne malade... Je tente de prendre une voix neutre pour répondre, essayant ainsi de cacher mes émotions.

-Je crois que l'on ferait effectivement mieux d'attendre d'être à la maison. A propos, tu m'en a voulu à quel point de mon départ inopiné ?

Gabriel freine sur le bitume pour ne pas griller un feu rouge. J'ai l'habitude, je n'ai jamais vu d'aussi mauvais conducteur que lui... Une lueur de sombre colère traverse un bref instant ses yeux avant de s'évanouir et je n'ai aucun mal à le croire lorsqu'il me répond.

-Je t'en ai voulu... Mortellement. Mais...

-Mais...?

Gabriel esquisse alors un fin sourire qui illumine en un instant son visage.

-Je me suis rendu compte en réfléchissant que j'aurai probablement agi de la même façon si les rôles avaient été inversés.

Nous échangeons alors un vrai sourire. Lorsque je détache de lui mon regard, je constate avec un véritable plaisir que nous sommes devant chez nous. La porte du garage coulisse et, quelques minutes plus tard, nous laissons notre voiture à sa place habituelle et montons deux à deux les marches de l'escalier, une vieille habitude.

Lorsque je pénètre dans notre appartement, je me dirige d'abord vers la cuisine. Je me sers rapidement un petit verre de menthe à l'eau avant de rejoindre Gabriel dans le salon. Lui a décidé de se servir un fond de whisky. Une boisson que je n'ai jamais pu apprécier, à sa juste valeur paraît-il.

Je recule malgré moi le moment des confidences. Lorsque je me laisse tomber dans l'un des fauteuils, je garde le silence et laisse mon regard dériver vers l'une des fenêtres. Gabriel prend rapidement la parole.

-Azylis, je ne comprends plus ton comportement. Pourquoi être revenue sans Ysaïne ? Ou... Pourquoi être revenue me chercher ?

-En fait, je...

Je m'arrête, alors terriblement consciente du fait que je ne sais pas par où commencer. Je me reprends et poursuis plus calmement, tentant de retrouver un semblant de concentration.

-Ysaïne a eu une crise grave en arrivant là-bas. Elle est en ce moment -si on peut dire "en ce moment" pour parler du futur- à l'hôpital dans un très grave état.

Gabriel se redresse d'un bond et se lève brusquement de son fauteuil, ahuris et horrifié à la fois.

-Et tu l'as laissée seule, à un pareil moment !...

Je baisse les yeux, pour lui cacher les larmes qui commencent à rouler sur mes joues en sachant que je vais lui annoncer le pire dans quelques minutes.

-J'ai changé d'avis. Il fallait que je vienne te chercher.

-Pourquoi ? Qu'est ce qui a changé dans la situation ? Dis le moi, au lieu de garder le silence... Tu me tortures...

Je me lève alors à mon tour et plante fermement mes yeux dans les siens.

-Gabriel... J'ai appris des nouvelles terribles. Et je savais que quoi que je pourrai dire, tu voudrai partir dans ton époque... Et malgré mon vote égoïste qui espère toujours te garder loin du danger, je sais que la justice voudrait que tu ailles là bas. Pour te battre.

-Je ne comprends plus rien de ce que tu racontes... Me battre ?

-C'est la guerre. Et ils t'ont remis dans tes droits d'héritier du trône.

-Attends... Tu veux dire que je suis de nouveau... Mais la guerre, je ne comprends toujours pas et...

Un sourire incertain éclaire pourtant un instant ses traits à l'idée d'être de nouveau le prince. Mon regard dans le sien, je laisse les larmes jaillir de mes yeux.

-C'est la guerre entre Edilyn et les révoltés du pays...

-Et mes parents ? Dans quel camp sont-ils ?

-Ils... Ils sont morts.

Il ferme les yeux et sa mâchoire se contracte dans un élan de fureur et de douleur mêlée que je ne lui ai jamais vu.

-Qui ? Qui !

Alors, fermant moi aussi les yeux, je lâche le prénom qui me brûle de l'intérieur depuis le début de la conversation.

-Edilyn.

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now