Azylis (Chapitre 22)

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La machine ralentit lentement sa course et s'immobilise.

-On est juste devant chez toi Azylis. Il n'y a personne dans la rue mais ça ne devrait pas tarder...

J'acquiesce et récupère rapidement le petit bâtonnet d'argent que je fourre dans ma poche avant de répondre.

-Ok, merci Ady... Ouvre la porte s'il te plait et ensuite cache la machine, comme d'habitude, au même endroit que l'autre fois...

-Pas de problème, à bientôt !

J'acquiesce une nouvelle fois rapidement de la tête et me rue dehors une fois la porte ouverte. J'ai le temps de m'éloigner de quelques pas avant d'entendre le sifflement suraigu de la machine. Lorsque je me retourne, la rue est de nouveau vide. J'esquisse un petit sourire amusé avant de froncer de nouveau les sourcils. La situation est grave, et je ne dois surtout pas l'oublier. Ysaïne est toujours seule, ou presque, dans le futur...

Je marche d'un pas vif de quelques mètres jusqu'à atteindre la porte de l'immeuble. Je glisse rapidement la clef dans la serrure et entre dans la petite cage d'escalier. Légèrement essoufflée, je monte tout de même rapidement les quelques marches jusqu'à atteindre la porte de notre appartement.

Je sors une nouvelle fois mon trousseau de clef -étonnant d'ailleurs que je ne l'ai pas déjà perdu- et entre rapidement à l'intérieur après avoir ouvert la porte. L'entrée est vide et je me dirige rapidement vers le salon. Pas âme qui vive.

-Gabriel ? Gabriel !...

Je fais le tour de tout l'appartement avant de me rendre à l'évidence : il n'est pas là. Je ne peux m'empêcher de résumer à voix haute mes pensées.

-Allons bon, ou est-il passé celui-là ?...

Je me dirige alors vers la cuisine avec une idée soudaine. Lorsque nous voulons laisser un message a l'autre, Gabriel ou moi, nous épinglons sur le frigo un petit mot. Mon pressentiment se justifie aussitôt et je fronce les sourcils en déchiffrant son écriture soignée.

Je suis chez bonne-maman. Si tu daigne revenir et que l'information t'intéresse.

Misère de misère de malheur. C'est une basse vengeance. Bonne-maman, c'est ma grand-mère, et je l'adore. Elle a tout de suite adopté Gabriel et a toujours été ravie de nous rendre visite et d'admirer notre petite famille... Le seul problème, c'est que je vais me faire passer un sacré savon pour être ainsi partie sans prévenir... Je pousse un léger soupir en relisant le petit mot.

Après tout, je l'ai sûrement bien mérité. Je sors de la cuisine et me dirige vers l'entrée avant de sortir de l'appartement en claquant la porte après avoir récupéré ma veste au passage. Je descends en courant les escaliers jusqu'au sous-sol et pénètre rapidement dans le garage. Bon, mauvaise nouvelle, Gabriel a pris la voiture. Me voilà obligée de prendre le bus et de marcher un peu...

Je soupire une énième fois en laissant un bref instant mes pensées dériver vers l'idée de retrouver mon lit et mon oreiller pour pouvoir enfin faire une sieste confortable. Mais Ysaïne est en danger... Cela suffit à me rebooster et je ressors rapidement de l'immeuble.

Je plonge les mains dans mes poches et me met à marcher assez vite dans les rues. J'arrive devant l'arrêt de bus et pousse un nouveau soupir, cette fois-ci de soulagement, en voyant le véhicule tant attendu arriver pile à ce moment précis.

Je grimpe dans le bus et me dirige vers l'avant, question d'habitude, et reste debout, une main accrochée à l'une des barres de fer. Les arrêts défilent sans que je prenne vraiment le temps de réfléchir à ce que je vais dire à Gabriel... Et à ma grand mère !

Je descends du bus dix minutes plus tard et marche rapidement. La maison est deux rues plus loin, ce qui facilite tout de même l'accès. Les numéros défilent à leur tour jusqu'à ce que j'arrive devant la bonne porte d'entrée. Je grimpe les quelques marches du petit perron avant de prendre posément ma respiration et d'appuyer sur la sonnette.

Presque aussitôt, un léger vrombissement m'indique que la porte est ouverte. Je la pousse résolument et pénètre dans une petite cage d'escalier à l'ancienne. Dédaignant l'ascenseur, je grimpe les marches de l'escalier deux à deux et arrive un peu essoufflée au palier du deuxième étage.

C'est ma grand-mère qui m'ouvre la porte et qui me fait signe d'entrer. Je pénètre dans le petit appartement et me dirige directement vers le salon en suivant mon guide après avoir déposé mon manteau au passage sur le dossier d'un siège.

-Bonne-maman, Gabriel est ici ?... C'est que je le cherche et...

-Et on ne vient plus me voir pour moi-même ? Qu'est-ce que tu lui a fait d'ailleurs à ce pauvre garçon ? L'abandonner ainsi ! Ah, si je n'avais pas pour règle de ne jamais m'occuper des affaires des autres...

-Si, bien sûr que je viens te voir mais... Oh, heu, heureuse d'apprendre l'existence de cette règle de conduite importante !

Je réprime un sourire en pénétrant dans le salon et ma grand-mère aussi. Ce ne doit pas être si grave. Gabriel me tourne le dos, posément assis devant le piano et les doigts encore sur les touches. Dommage que je ne l'ai pas entendu jouer, ses mélodies sont toujours tout simplement divines. J'ai souvent pensé qu'il aurait du succès en concert.

Ma grand-mère s'assoit dans un siège et je fais de même. Le cœur battant, j'attends que Gabriel se retourne vers moi, ce qu'il ne tarde pas à faire. Je lis alors dans ses yeux une lueur incertaine de colère qui vacille puis disparaît sous le soulagement.

-Azylis !... Ça me fait plaisir de te revoir !

Et sans que je m'y attende, nous nous précipitons dans les bras l'un de l'autre. Bonne-maman paraît s'amuser de la situation.

-Allons, vous voilà séparés pendant vingt-quatre heures, et c'est absolument terrible ! Quelle jeunesse ! De mon temps...

Je me retourne vers elle et esquisse un fin sourire avant de terminer sa phrase.

-... C'était forcément mieux ! Qu'est ce que Gabriel t'a raconté ?...

-En gros qu'il avait besoin de réconfort moral car tu étais partie suite à une dispute... Mais je n'ai pas eu plus de détails. Tu m'en parles ?

Je retiens un nouveau sourire devant son visage faussement plein d'innocence. Ma grand-mère n'est pas n'importe qui. Avec ses cheveux rose bonbon, un grand parapluie qui sert plus à taper les gens qu'à se protéger des intempéries et un solide sens de l'humour que je n'ai jamais vu chez personne d'autre, elle a un don pour mettre les gens à l'aise et vous faire oublier vos soucis.

Mais de toute évidence, Gabriel résiste à son charme.

-Azylis, où est Ysaïne ?

Je laisse échapper une grimace avant de me tourner carrément vers lui.

-Restée là où j'étais, je...

-Quoi ?!... Répète un peu ça ?! Tu as laissé Ysaïne dans le...

Je devine la fin de sa phrase sans qu'il ait besoin de la dire. J'ai laissé Ysaïne dans le futur. Mais nous n'avons pas le temps de tergiverser, il faut qu'il vienne avec moi, tout de suite. Pour la retrouver.

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now