Gabriel (Chapitre 5)

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Chapitre dédié à ff_livres

-Fais attention à ton chat et viens, on rentre à la maison Ysaïne.

Je la prend par la main et l'entraîne à travers tout le dédale des rues parisiennes sans vraiment regarder autour de moi. Tout s'est passé si vite... J'aimerai une nouvelle fois dans ma vie m'être trompée. Et pourtant Marguerite me l'a avoué sans chercher à me le cacher plus longtemps : elle est gravement malade.

Qu'a t-elle ? Je lutte pour refouler loin de moi ce sinistre pressentiment : nous ne la reverrons jamais. Je jette un coup d'œil à ma fille qui court presque à mon coté pour rester à ma hauteur et je ralentis légèrement mon allure. Le chat essaye toujours de lui échapper, visiblement loin d'être enchanté de cette ballade improvisée.

-Ysaïne... Donne-le-moi donc, ton espèce d'animal, je sens qu'il va t'échapper sinon...

Elle me tend le chat et je le prends dans mes bras, pestant en passant quand il enfonce ses griffes dans mon abdomen.

Lorsque nous arrivons devant chez nous, je sors rapidement de ma poche un trousseau de clefs et ouvre la porte d'une seule main. Une fois dans la cage d'escalier qui sert à tout l'immeuble, nous montons rapidement les marches et je ne tarde pas à pousser la porte de l'entrée de service de notre appartement. Lorsque j'entre et pousse un lourd soupir en m'adossant au battant que je viens de refermer, Ysaïne se met à sautiller sur place en riant.

-Papa, papa ! Tu me le donne maintenant dis ?

Ah oui, bien sûr, le chat... Je pousse un nouveau soupir et lui remet rapidement sa bestiole qui se calme alors miraculeusement et accepte les caresses d'Ysaïne en poussant même de temps en temps un ronronnement.

Ma fille ne perd pas une minute et court alors rapidement vers le salon où elle espère trouver Azylis. Je la suis plus calmement, tentant de me remettre de cette étrange rencontre.

Azylis est effectivement dans le salon et lorsque je pénètre dans la pièce à la suite de ma fille, j'ai le temps de découvrir toute la scène.

-Maman, regarde ! J'ai un chat, un vrai, qui bouge !...

Elle réussit à m'arracher un sourire et je m'approche jusqu'à me laisser tomber dans mon fauteuil habituel. Azylis relève la tête et fronce les sourcils en observant l'animal.

-Un animal ? Tu as réussis à faire fléchir papa là dessus ? Je ne croyais pas cela possible... Tu aimes les chats maintenant ?

Les derniers mots me sont clairement adressés et je réponds rapidement, avec un geste fataliste.

-Je déteste toujours autant toute sorte d'animal, mais celui-ci, ce n'est pas moi qui l'ai offert... Et je n'ai pas pu refuser !

Ysaïne s'empresse d'intervenir avec un joyeux sourire tandis qu'Azylis enlève tous ses papiers de révisions pour lui faire une petite place sur le canapé.

-Oui, c'est une dame qui me l'a offert... Elle était jolie mais Papa était tout triste...

La curiosité d'Azylis est maintenant éveillée. Intelligente, elle se penche vers Ysaïne pour lui dire avec un sourire quelques mots.

-Et si tu montais dans ta chambre montrer à ton nouveau compagnon tous tes jouets ?

Ysaïne relève la tête et acquiesce avant de se lever. Elle sort de la pièce en lançant une phrase avec le plus grand naturel du monde qui nous arrache à tous deux un superbe sourire.

-D'accord, je m'en vais, et je vous laisse discuter entre parents !...

Azylis attends quelques secondes avant de se tourner carrément vers moi. Elle croise les jambes et pose sa tête dans l'une de ses mains pour m'interroger.

-Alors ? Tu me racontes ? Car jusqu'ici, avoues que c'est plutôt confus... J'ai bien retenu qu'il y avait un chat et une inconnue impliqués dans l'histoire, mais à part cela ?

Je tends les mains devant moi et penche la tête en avant, tentant d'ordonner mes pensées en un récit cohérent.

-Le début de l'histoire, tu le connais évidemment déjà. Je suis sortis avec Ysaïne et nous nous sommes promenés dans la ville... Jusque là, rien de surprenant. Dans un quartier proche de celui où nous nous rendons assez souvent pour acheter du pain, -tu vois ou c'est ?-, Ysaïne s'est arrêtée net devant la devanture d'une petite boutique. Une animalerie... Tu la connais, pas moyen d'éviter d'y entrer...

Elle décroise les jambes et nous entendons alors un grand bruit de verre brisé. Je grimace un sourire amusé et commente à haute voix.

-Allons bon, on dirait que ce fichu chat a déjà cassé quelque chose...

Azylis acquiesce et me presse de continuer mon récit.

-Sûrement, mais c'est ce qui s'est passé tout à l'heure que je veux savoir... Je monterai voir ce que fabrique Ysaïne dans quelques minutes, ça attendra bien jusque là... Alors ?

-Dans l'animalerie, il y avait toute sorte d'animaux mais pas âme qui vive... Enfin, j'ai entendu le bruit d'une discussion et compris que deux personnes au moins se tenaient dans l'arrière boutique. Ysaïne a ensuite commencé à me demander d'acheter ce chat... Tu me connais, j'ai répondu non. Nous nous apprêtions à sortir de la boutique lorsque quelqu'un m'a interpellé. Lorsque je me suis retourné, j'ai pu voir Marguerite... Et le commerçant revenu derrière le comptoir.

-Marguerite !... Tu as revu Marguerite ! Que s'est il passé pour qu'elle te mette dans un tel état ?

La surprise d'Azylis est égale à celle que j'ai ressentie tout à l'heure. Sa question me fait également prendre conscience du fait qu'elle s'est bien aperçue que quelque chose n'allait pas. Je redresse la tête et nos yeux se croisent.

-Elle était bizarre... Vraiment étrange. Lorsqu'elle a vu les cheveux bleus d'Ysaïne, elle a eut une réaction étonnante. Comme si elle souffrait de voir une personne sans doute malade... Mais encore une fois, c'était une réaction que je n'avais jamais vu chez personne d'autre. Et puis, elle lui a acheté ce chat... Qui vaut un peu d'argent d'ailleurs, soit dit en passant...

-Tu as compris ensuite les raisons de son comportement ?

-Oui, et c'est ça le pire. Lorsque nous sommes sortis de la boutique, elle a jeté un nouveau coup d'œil à Ysaïne... Et puis, elle a tout à coup eu une sorte de crise. Sa respiration était sifflante, irrégulière, et elle ne tenait plus debout au point qu'elle serait tombée sans le mur derrière nous.

Je vois une étincelle de compréhension en même temps que de rejet s'allumer dans les yeux d'Azylis tandis qu'elle murmure lentement.

-Non... Ce n'est pas possible...

-Elle m'a avoué être gravement malade sans me donner plus de détails. Elle a refusé mon aide et m'a fait donner ma parole qu'aucun de nous deux ne révélerait jamais à personne son secret...

-Et elle est partie... Je ne la comprends pas. Mais je crois n'avoir jamais appris une aussi mauvaise nouvelle. Je lui souhaite vraiment de s'en sortir... J'espère la revoir heureuse et en bonne santé dans quelques années...

-Et moi aussi...

Intemporel T3 & 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant