Ysaïne (Chapitre 188)

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L'aéronef de la dame nous a déposé dans une grande tour toute rouge. Elle m'a dit d'attendre dans le petit salon froid, et moi je regarde la grande vitre ou l'on peut observer la nuit noire et les étoiles.

Je pense à Papa et à Maman et je me recroqueville sur ma chaise. Ou sont-ils ? Alors que je m'apprête à me laisser pleurer, un homme ouvre la porte et entre. La vieille dame le suit et elle se met à sourire. Le monsieur demande en me montrant du doigt (ce qui n'est pas poli je m'en souviens) :

-Alors c'est ça la gamine dont tu veux faire ta nouvelle protégée ?

-Oui. Elle ne manque pas de courage et je compte bien sur elle...

L'homme lève les yeux au plafond. Il paraît en colère quand il me regarde.

-Une enfant, ce n'est pas parce qu'on en a envie qu'il suffit de la prendre dans les rues... Elle a sûrement des parents et...

Je me laisse tomber au sol, manque de trébucher, mais relève la tête avec fierté.

-Oui, j'ai un Papa et une Maman. Et ils vont venir me chercher...

L'homme esquisse un drôle de sourire, narquois dirait Papa, mais il se tourne ensuite de nouveau vers la vieille sorcière.

-Là, tu vois bien...

Mais elle secoue la tête avant d'articuler lentement en détachant les syllabes :

-Il y a eu des centaines de morts. Des disparitions ? Il n'y en aura qu'une de plus à déplorer...

Je ne comprends pas leur discussion. Quand vont-ils appeler Papa et Maman ? Je ne sais pas pourquoi mais je repense au grand cri que j'ai entendu dans mon sommeil juste de l'autre côté des murs qui me séparaient de la foule.

Ysaïne. C'est drôle, moi je m'appelle Ysa. La dame reprend alors la parole :

-Je te dis que je veux la prendre avec moi...

-Tu veux juste une gamine. Tu sais quel âge tu as ?

-Merci je sais encore compter les bougies. Mais non, tu te trompes, ce n'est pas un simple caprice...

L'homme hausse les épaules et s'apprête à répliquer sèchement lorsque quelqu'un toque à la porte. Si j'étais à la maison, je me précipiterais en riant pour aller ouvrir après avoir crié "c'est qui ?" mais là je reste immobile.

La porte s'ouvre et un homme à la peau translucide entre. Il ne me regarde pas, pas plus que la sorcière, mais demande à l'homme :

-Patron, aucune nouvelle... On n'arrive pas à mettre la main sur la fille aux cheveux bleus, malgré toutes nos recherches depuis plusieurs mois. Vous m'aviez demandé un rapport aujourd'hui.

L'homme pousse un juron.

-Très bien Gérard. Continuez à chercher. Pour les contrebandiers que nous sommes, marchander une princesse pourrait pourtant se révéler une excellente affaire... Enfin, du vent, tachez de revenir avec de meilleures nouvelles.

L'homme tout pâle s'incline un peu puis s'en va. La porte se referme et le silence se fait. Je m'approche alors de deux petits pas et demande :

-Pourquoi vous voulez une fille aux cheveux bleus ?

L'homme et la sorcière échangent un regard. La vieille dame me répond avec un sourire ironique en coin.

-Parce qu'elle vaut son pesant d'or.

Très gravement, soudain consciente de mon importance, je dis tranquillement :

-Moi, j'ai les cheveux bleus.

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now