Azylis (Chapitre 14)

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La guerre ? Deux mots qui me frappent de plein fouet. Je remarque alors que tandis que le premier infirmier installe Ysaïne à l'intérieur de l'appareil et pose sur sa figure un masque respiratoire, l'autre surveille des yeux les alentours et garde la main crispés sur l'arme qui dépasse de sa ceinture.

-Tout est prêt pour la petite, tout le monde à bord, et vite s'il vous plait.

J'incline la tête et monte à l'arrière. Il y a deux rangées en plus des deux rangs de devant et je m'installe à côté d'Ysaine dont je sers la main sans être absolument certaine qu'elle s'en rende compte. Un léger sourire effleure pourtant sur ses lèvres. L'inconnu s'installe dans la dernière rangée et les deux infirmiers grimpent à l'avant.

Cet aéronef est très différent de tous ceux que j'ai déjà connu. En premier lieu, dès que nous sommes tous à bord l'infirmier aux commandes appuie sur un bouton et un toit de verre nous recouvre, faisant ressembler l'appareil à une petite fusée à moitié vitrifiée.

Je jurerai que cette parois protège des impacts de balles. Les aéronefs que j'avais l'habitude de voir n'avait jamais de toit, ce qui rend celui-ci très atypique.

J'ai choisis de revenir quatre ans plus tard par rapport à notre dernier passage dans le futur. La guerre ? J'ai encore du mal à réaliser. Ce n'est pas possible ? Qui ? Contre qui, contre quoi ?

Car lorsque l'aéronef s'élève lentement dans les airs, je vois bien le soulagement se peindre sur tous les visages. Ils craignaient donc une attaque ici même, une embuscade.

C'est donc une guerre civile... Mes yeux se reposent malgré moi sur le visage d'Ysaine et j'écarte de son front quelques mèches de cheveux bleus. Elle transpire et une forte fièvre semble s'être emparée d'elle.

-Est-ce normal qu'elle ait aussi chaud ?

Le premier infirmier répond aussitot, laconique. Nous survolons une véritable forêt d'arbres en tout genre et je me concentre sur une seule espérance : arriver le plus vite possible dans un hôpital, n'importe lequel.

-Oui, c'est normal, mais cela confirme nos pires craintes. Au fait, mademoiselle, vous ne nous avez toujours pas dit d'où vous venez...

Je sens une certaine dose de méfiance dans sa voix et je tente de dissimuler au docteur qu'il est, le soudain accroissement de mon rythme cardiaque.

-De l'étranger. Ça faisait longtemps que je n'étais pas revenue à Astra mais...

-Et vous avez choisi de revenir en pleine guerre ? Avec une gosse malade ? Vous êtes complètement folle !

Mon inconnu s'approche légèrement de mon dossier et murmure à mon oreille quelques mots de façon à ce que je sois la seule à l'entendre.

-A moins que vous n'ayez pas dit tout à fait la vérité.

Il n'attend pas de réponse et s'installe de nouveau posément au fond de son siège. Moi, un véritable déluge d'émotion me traverse. Que voulait-il dire ? Ce qu'il sous-entend est extrêmement clair, mais je serais aussi curieuse qu'inquiète de connaître la réponse qu'il pense connaître me concernant.

Le premier infirmier, celui aux cheveux roux, prend la parole en me lançant un bref coup d'œil tandis que je regarde moi le paysage défiler par la vitre sous nos pieds.

-Je m'appelle Georges Cassey. Et vous ?

Je garde quelques minutes le silence. J'avoue qu'avec toutes les émotions que m'ont causées les récents événements, je n'avais pas du tout songé à cette question. Je ne peux pas répondre Azylis d'Alcy, ce serait vraiment chercher à provoquer les ennuis. Mais avant que j'ai pu articuler une seule syllabe, l'inconnu de tout à l'heure se rapproche de nouveau et chuchote :

-Pourquoi pas Mathilde Kavy ?

J'évite la perche qu'il me tend. Facile de comprendre qu'il espère que je choisirais effectivement le nom qu'il me propose, ce qui reviendrait à admettre, au moins pour lui que je me cache.

-Kerry. Kerry MacLean.

Je me retourne posément et incendie du regard l'inconnu. Même si je n'oublie pas que c'est uniquement grâce à lui que nous nous trouvons, Ysaïne et moi, dans cet aéronef vers les urgences.

-Et vous monsieur ?...

Un sourire amusé envahit ses traits et il répond sans une once d'hésitation, ce qui ne veut pourtant rien dire.

-Acalin Adams.

Tandis que je me retourne, le second infirmier se retourne et entame lui aussi la conversation après nous avoir jeté un coup d'œil soupçonneux.

-Moi c'est Pierre Emiclon. Vous ne vous connaissiez pas ?

Je répond rapidement, avant que l'autre n'intervienne et pour garder le monopole des informations que je souhaite révéler.

-Je viens de croiser monsieur Adams, et je lui ai demandé de l'aide parce que ma fille venait de s'évanouir. Il vous a aussitôt appelé.

L'infirmier darde un œil soupçonneux sur mon mystérieux sauveteur qui ne fait que lui renvoyer un aimable sourire avant de se tourner posément vers moi.

-Oubliez le monsieur Adams et appelez moi comme tout le monde Acalin.

Il est le seul à voir mon sourcil se relever en une mimique soupçonneuse et à entendre ma réponse.

-Vraiment ? Tout le monde ?

Il plonge ses yeux dans les miens et me répond à voix basse avec une franchise absolument désarmante.

-Vous avez raison. Peut être simplement toutes les personnes à qui je ne fais pas confiance.

Un sourire à la limite de l'amusement et de l'ironie apparaît sur ma figure avant que je ne réponde.

-J'ai donc deux possibilités à envisager. Soit vous me faites confiances puisque vous me révéler que ce n'est pas votre vrai nom, soit vous ne me faites pas confiance puisque je doit vous appeler Acalin. Laquelle des théorie est la bonne ?

-Vous voulez la vérité ? Je suis pour la première fois de ma vie incapable de trancher. Une jeune femme avec sa petite fille gravement malade, vous avez tendance à lui faire tout de suite confiance. Mais...

-Mais ?

-Pas à une femme qui apparaît au milieu de nulle part, de toute évidence uniquement à cause d'une grave nécessité, et qui regarde nos armes comme si elle n'en avait jamais vu. Ce qui fait un peu étrange, vous en conviendrez, par les temps qui courent.

L'infirmier dénommé Pierre se retourne alors vers nous et lance avec une grimace de colère :

-Qu'est ce que vous complotez vous deux au fond ? Si je vous reprends à parler comme vous le faites, c'est à dire sans que nous puissions entendre, je vous balance par dessus bord sans même prendre la peine de me poser, vous, mais aussi la gosse.

Je reste quelques secondes interloquée avant de lâcher à voix haute sans lui répondre directement et m'adressant plutôt à Acalin.

-Il plaisante ?...

-Oh non, je ne crois pas... Regardez à vos pieds.

Je baisse les yeux. Le plancher me paraît maintenant étrange et je réalise alors avec effroi ce que signifie ce que j'ai sous les yeux. Des trappes. De toute évidence, l'infirmier n'a qu'à appuyer sur un bouton pour que nous passions par dessus bord.

Le cas est prévu. Quel est ce monde de fous ? Ou plutôt, ce monde en guerre ?

Intemporel T3 & 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant