Gabriel (Chapitre 48)

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-Augmentez le tir sur la gauche ! Défendez la grande porte jusqu'à votre dernier souffle !...

Je cours de tout côté, m'arrêtant de temps en temps pour aider certains des hommes à tenir leurs positions si l'on peut parler ainsi d'un fort assiégé.

L'avantage que nous nous soyons alliés, Acalin, Christian et moi, c'est que nous avons maintenant un bon effectif et que nous sommes trois chefs à pouvoir donner des ordres. Depuis l'aube, les armées officielles d'Astra assiègent l'hôpital et tentent de nous déloger. Mais nous tenons bon... Et Acalin a réussit assez facilement à joindre son capitaine qui ne devrait pas tarder à prendre l'armée d'Edilyn à revers... Et à faire basculer le sort d'une bataille qui pour le moment ne semble pas être en notre faveur.

Le coeur blindé, penché au dessus des remparts et prenant des risques inimaginables, je tire et tente de déloger les hommes qui cherchent à escalader les parois. Je sais qu'Azylis agit en ce moment de la même façon que moi et se rend utile à la défense aérienne de l'hôpital. Elle détruit grâce aux canons lasers les drones qui tentent de trouver des failles dans le système de protection.

J'essuie d'un revers de bras la sueur qui me coule sur le front avant de me remettre à tirer aux côtés d'un homme de trente-cinq ans qui me jette de temps en temps un coup d'œil admiratif. S'il savait que je tente juste de ne pas penser à ma fille que je ne reverrai probablement pas avant plusieurs années !

Dans la tourmente des balles qui parviennent à passer le bouclier de protection et à nous atteindre et dans le bruit des crépitements électriques de cette même protection, entendre quelque chose est difficile.

Au bout d'une dizaine de minutes, je finis pourtant par me retourner avec l'impression d'avoir entendu mon titre suivi de mon prénom. Un jeune homme, deux mètres derrière moi, s'époumone effectivement à m'appeler sans oser s'approcher de peur des balles.

-Prince Gabriel !... Acalin vous demande... Il dit qu'il a des nouvelles importantes à vous transmettre.

Je hoche lentement la tête et me détache de la muraille pour me relever et le suivre. Le fin pistolet blanc pèse lourd dans ma main et malgré toute la tourmente, je ne peux m'empêcher pendant un bref instant de revoir le visage de Sady devant mes yeux.

Je secoue la tête et jette un coup d'œil au soleil brûlant qui me tape sur la nuque et rend le combat encore plus difficile avant de me mettre à marcher derrière le soldat, sans doute également apprenti médecin car je l'ai déjà croisé dans les blocs opératoires.

Je rentre ainsi à l'intérieur d'un des bâtiments et il me laisse devant une porte que je pousse de la main après l'avoir remercié d'un nouveau hochement de tête.

Lorsque je referme la porte derrière moi, je reste un instant stupéfait par les décors que je découvre. Acalin est assis au milieu d'un petit espace rectangulaire dont les murs sont  couverts intégralement d'écrans numériques qui transmettent des dizaines d'informations et de panoramas. Je relève des vues du combat mais aussi des zones de forêt et même quelques vues en temps réel de la capitale.

Acalin se retourne d'un bond en m'entendant et je remarque le casque fin qu'il porte sur les oreilles avec une antenne intégrée. Il me tend d'une main un casque similaire et me désigne l'un des écrans.

A la vue de son visage crispé par la peur et l'appréhension, je sens une nouvelle fois mon sang se glacer dans mes veines. Je m'empresse d'enfiler le casque sur mes oreilles et le rejoint devant l'écran en question.

Une vue aérienne d'une forêt... Et des bruits qui résonnent dans le casque. Acalin prend alors la parole et je remarque le micro devant sa bouche intégré au casque. J'ai d'ailleurs exactement le même attirail.

-Edmée... Edmée... Réponds nous s'il te plaît...

J'arrête pendant quelques secondes de réfléchir, suspendu au ton trop calme d'Acalin comme s'il cherchait par dessus tout à se contrôler. Lui serait-il arrivé quelque chose ? Et... Et Ysaïne ?

Je serre mes doigts les uns contre les autres et sens quelques nouvelles gouttes de sueur me couler dans le cou. Mais aucune n'est dû à la chaleur. Simplement à une terrible appréhension.

Et brusquement, nous sursautons tous les deux, Acalin et moi. On est en train de répondre ! Je m'accroche désespérément à cette parcelle d'espoir et enregistre chacun des sons que j'entends.

-Crrr... Crrr... J'ai réussi à échapper au drone qui me poursuivait... Ysaïne est en sécurité à...

Je voudrai hurler les dizaines de questions qui se pressent sur mes lèvres mais je respecte l'inquiétude légitime d'Acalin et le laisse interroger sa fille... Après tout, n'a-t-elle pas dit que la mienne était en sécurité ?

-Edmée, que se passe t-il ? Ta radio-transmission doit être endommagée, nous n'entendons pas tout...

La voix d'Edmée résonne alors de nouveau dans nos appareils, beaucoup plus claire.

-J'ai changé la fréquence, ça devrait aller mieux. L'appareil est très endommagé et je ne sais pas si je vais pouvoir arriver jusqu'à vous en un seul morceau... J'ai eu du mal à éviter le drone.

Je me décide à prendre calmement la parole.

-Edmée, ou as-tu laissé Ysaïne ?

Seul un inquiétant silence nous répond. Je me tourne vers Acalin et nos yeux semblent renvoyer la même terrible appréhension d'un drame. Acalin reprend la parole d'une voix crispée et son front se couvre lui aussi d'une mince pellicule de sueur.

-Edmée... Edmée... Réponds nous !

-... Drone de nouveau là... Crrr... Crrr... Radio endommagée, je...

Acalin ne retient plus sa peur et hurle dans son micro :

-Edmée, poses-toi au sol ! Le principal c'est que tu te mettes en sécurité !

Nous entendons alors de nouveau Edmée nettement. Elle répond et l'on devine dans sa voix son angoisse.

-J'essaie, je ne sais pas ce qui se passe mais on dirait que la radio fonctionne de nouveau... Le drone vient de démolir l'un de mes réacteurs... Je ne vais plus pouvoir tenir très longtemps et...

Même dans nos oreilles, le son de l'explosion retentit avec une force peu commune. Acalin hurle de nouveau dans ses écouteurs :

-Edmée ! Edmée...!

Je retire les miens, reculant dans l'ombre de la pièce. Je sais bien que plus rien n'est possible pour elle.

Edmée est morte... On ne survit pas à une telle explosion. L'aéronef ne répond plus.

Intemporel T3 & 4Where stories live. Discover now