Intemporel T3 & 4

Azylis (Chapitre 77)

Courir... Alors que je n'en peux plus et que je viens pour la dixième fois au moins de revenir sur mes pas.

Haletante, les cheveux collés par la sueur, je continue pourtant d'avancer à travers les couloirs. Je ne regarde même plus les chiffres rouges car ils me paniquent un peu plus à chaque fois.

Je suppose que si je m'arrêtais quelques secondes pour réfléchir, je serais atrocement déçue par la conduite d'Eric, même s'il m'a donné une chance de m'en sortir, et serais également haineuse envers cette reine infernale qui s'obstine à me gâcher la vie. Qui risque de peut-être finir rapidement d'ailleurs. Mais sur le moment, cette pensée ne me fait vraiment pas rire.

Malgré tout mon courage, une pensée entêtante n'arrête pas de me répéter dans mon esprit :

"Abandonne-les, vous ne pourrez de toute façon pas fuir à trois et..."

Mais, courage ou folie, je la repousse chaque fois dans un recoin un peu plus lointain de mon esprit. Je ne pourrais jamais me regarder dans une glace dans les années à venir si j'abandonne maintenant Maly et Dyna.

Je m'arrête à un nouveau croisement de couloirs.

Je lève la tête et jette un coup d'œil aux chiffres fatidiques. 3 minutes. Il me reste trois minutes !

Je pousse un soupir terrifié -je pense que j'ai des raisons de l'être - et me remets à courir en choisissant le couloir de gauche. Je remarque avec un léger soulagement quelques mètres plus loin que ce doit être le bon car il monte légèrement.

J'arrive à une toute petite pièce ronde et je pousse un cri presque hystérique.

Je l'ai reconnue... Je lève les yeux vers le plafond et vois avec un soulagement de courte durée la trappe. Mais comment vais-je l'ouvrir ?

Plus que deux minutes... Je mets mes mains en porte-voix devant ma bouche et hurle :

-Maly ! Tu m'entends ?

Je me connecte en même temps à l'esprit de Dynamite qui pousse un cri de surprise silencieux.

-Azylis ! Qu'est ce qui se passe ?...

-Pas le temps de t'expliquer, je ne trouve pas l'ordre d'ouverture de la trappe et de toute façon l'électricité ne fonctionne pas... Tu peux la défoncer ?

Dynamite semble comprendre l'urgence de la situation à ma voix, enfin à ma pensée, tandis que je tente de ne pas complètement paniquer. Nous sommes encore en haut... Et Eric m'a expressément conseillé de ne pas venir ici.

J'entends alors la voix de Maly suraiguë :

-Azylis ! Qu'est ce qui se passe ? Il n'y a pas de gardes ? Dynamite est en train de défoncer le plancher !

C'est effectivement le cas et je dois précipitamment retourner dans le couloir lorsque je commence à recevoir des bouts de plâtre sur la tête.

Plus qu'une minute pour s'enfuir d'ici...

Je sursaute alors en entendant la voix de Dynamite dans ma tête. Il ne s'est pas déconnecté de mon esprit.

-Azylis, je ne pourrai pas sortir et j'ai bien vu l'urgence dans tes pensées. J'ouvre un passage pour Maly puisqu'il n'y a pas de gardes, mais surtout, ne m'attendez pas !

Je plaque la main sur ma bouche dans un muet cri d'horreur.

Il ne reste plus que vingt secondes et je sais pertinemment que Dynamite a raison.

-Veille sur Maly d'accord ? Et sur toi aussi !

Avant que je puisse répondre, le plafond achève de s'écrouler et Maly tombe devant moi.

Il ne reste plus que dix secondes. Je la prends par le bras sans lui laisser le temps de réagir et fonce droit devant moi dans les couloirs que je viens d'emprunter.

-Azylis, mais qu'est ce qui se passe ?...

Cinq secondes... Effrayée par la panique qui brille dans mes yeux et habituée aux situations d'urgence, Maly me suit en courant aussi vite que possible sans réfléchir. Si elle pensait à Dynamite, je ne pourrai plus la faire bouger...

Le couloir descend déjà et nous passons à l'étage inférieur. J'ai juste le temps d'échanger quelques derniers mots avec Dynamite avant qu'une formidable déflagration nous jette durement à terre.

-Adieu Dynamite...

-Adieu... Ne te laisse pas aller surtout. Il faut que vous sortiez d'ici.

Et le contact mental se rompt brutalement. A terre, je lève les yeux vers le plafond. Il est en train de partir en miette et tout ne va pas tarder à nous tomber dessus.

Maly pousse un hurlement :

-Dynamite !...

Essuyant rageusement mes propres larmes, je prends de force le bras de la petite fille à la peau violette et l'entraîne de nouveau dans une longue course épuisante dans les couloirs labyrinthes. Tant que l'on descend, tout va bien... Et l'on reste en vie.

Le feu s'est déclaré en haut de la tour. L'odeur âcre de la fumée nous pique déjà la gorge.

-Maly, cours, ne t'arrête pas, ne regarde pas en arrière !...

Elle n'hésite alors plus et me devance même. Ses réserves d'énergies sont importantes et je sais qu'en course à pied, elle tiendra bien plus longtemps que moi...

Le feu doit avoir atteint quelque chose car la tour est secouée d'une nouvelle dégradation. Je suis jetée en avant et j'ai beaucoup de mal à me relever. Mon dragon... Qu'est ce qu'ils lui ont fait ?

Je puise dans ma tristesse et ma colère la force de continuer. C'est Maly maintenant qui montre le chemin et ses yeux brillent d'une lueur sauvage. Au dessus de nous tandis que nous continuons à courir, le plafond commence à se fissurer un peu plus...

Nous descendons encore deux étages. Combien en reste t-il ? Plusieurs centaines, j'en suis persuadé. Ça ne tiendra pas jusque là...

J'accélère en trouvant au fond de moi un nouveau regain de courage. Encore un étage de franchit... Ne surtout pas m'attarder au bruit juste au dessus de moi des étages qui s'écroulent les uns après les autres...

Je sens alors le sol se fissurer sous mes pieds. Maly se retourne vers moi, paniquée, et hurle sans s'arrêter de courir :

-On y arrivera pas !...

Je tente de répondre mais le sol cède brusquement sous mes pas et ma jambe se retrouve coincé dans le plâtre et les gravats. Le feu progresse derrière moi à une terrible allure et le plafond continue de me dégringoler sur la tête. Maly revient vers moi et réussit à m'aider à dégager ma jambe. Je reste quelques secondes immobiles avant de la suivre de nouveau, chancelante, pas à pas.

-Azylis, il faut que tu coures ! C'est notre seule chance, relèves toi !

Je tombe à genoux sur le sol, complètement épuisée.

-Maly... Laisse tomber. Je n'en peux plus.

-Pas question.

Elle me tire violemment par le bras et me force à me relever. Elle me lance avec défi du haut de sa petite silhouette mauve :

-Tu es revenue me chercher... Combien de personnes l'auraient fais ? Alors, je vais bien réussir à te faire bouger ! Allez, dépêche...

Je me relève de nouveau et la suit en vacillant.

Quelques secondes plus tard, l'endroit où je venais de m'assoir s'écroule, ne laissant qu'un trou béant. J'ai de la chance d'être encore en vie... Mais pour combien de temps ?