On a dit six chapitres... :p Dédié une fois de plus à ff_livres
Un nouveau sourire malicieux me monte aux lèvres. Je crois que je m'en souviendrais toute ma vie de cette fameuse fuite du dernier hôpital... Un de mes meilleurs moments depuis l'annonce et le diagnostic de ma maladie !
Mais je n'ai pas le temps d'y consacrer un peu plus mes pensées car la porte de ma chambre s'ouvre en grand et trois personne entrent en parlant entre elles. Mon infirmière, le docteur en chef et un plus jeune, au visage rendu original par un léger collier de barbe blonde.
-Elle est réveillée docteur, vous pouvez l'interroger...
-Bien, merci Tanya.
Le plus âgé des deux hommes s'approche alors de moi et s'installe sur la chaise à côté de mon lit. Mes deux autres visiteurs restent en retrait tandis que son regard grave et paternel se pose sur moi.
Ses yeux gris sont cerclés de lunettes marrons allant parfaitement avec ses cheveux impeccable et je le verrai en fait plus en homme d'affaire ayant la quarantaine qu'en médecin bien conservé.
Je ne peux empêcher un sourire aimable de me monter alors aux lèvres en songeant qu'il serait plutôt surpris d'apprendre la teneur de mes réflexions.
-Mademoiselle...
J'esquisse un vague haussement d'épaules, faisant attention à ne pas réveiller mes douleurs aux articulations et lui adresse un regard angélique. Derrière ce simple mot, on devine déjà la fameuse question... Voyant que je ne réagis pas, il esquisse un geste d'agacement et précise sa pensée.
-Tout d'abord, bonjour... Et ensuite, me permettrez vous une simple question ? Comment vous appelez vous ?
Voyant mon silence de plus en plus obstiné, il prend pourtant son mal en patience et laisse seulement échapper un soupir pourtant plein de douceur.
Il me prend la main sans que je puisse réagir et me force à le regarder avant de reprendre de nouveau.
-Vous avez bien une famille, et ils doivent être...
A la lueur sauvage qui traverse les yeux, il abandonne et lâche ma main avant de reculer.
C'est à mon tour de soupirer car sa patience vient de réussir un exploit : il a dompté ma satanée mauvaise humeur.
-Marguerite. Marguerite Savigny, 14 avenue Gireaux.
Le docteur hoche la tête en signe de remerciement et le plus jeune note avec application mais rapidement ce que je viens de dire. Je reprends lentement la parole.
-Docteur, pas de cachoteries s'il vous plaît... Combien ?
-Combien de quoi ?
J'ai pourtant l'impression à son regard triste qu'il se doute déjà du fond de ma question.
-Combien de jours bien sûr... Qu'est ce qui pourrait bien m'intéresser d'autre ?
-Je ne le sais pas, effectivement. Il vous reste, oh, on ne peut pas être précis vous le savez bien mais...
-Combien docteur ?
-Trois mois. Une centaine de jours.
Si j'étais plus attentive, je ferais sans doute attention au soudain silence et au hoquet de surprise que laisse échapper mon infirmière. Je devine aussi qu'elle tente de cacher sa tristesse.
Mais cela m'est égal. J'ai l'impression d'avoir tout à coup dans la tête un gigantesque sablier. Combien de temps a-t-il dit ? Trois mois... Cent jours. Je ne sais pas pourquoi mais ce dernier chiffre s'arrête devant mes yeux, retenant mes pensées et me fascinant littéralement.
Les deux hommes se retirent dans un pesant silence sans que j'y fasse vraiment attention. Mon infirmière s'approche alors de moi et demande :
-C'est triste tout ça petite... Tu veux une tasse de chocolat chaud ?
Je reste un instant muette de surprise devant sa proposition inattendue. Elle en deviendrait presque caricaturale avec sa peau couleur café au lait et son air un peu mère-poule. Mais je me demande combien de personnes auraient su réagir aussi parfaitement dans une telle situation.
Elle ne se pose pas trente six mille question mais se contente d'apporter un peu de joie avec les moyens du bord. Je lui réponds par un sourire splendide, l'un des plus beaux que j'ai jamais fait depuis longtemps.
-Merci Tanya... Je veux bien.
Elle m'adresse un clin d'œil et constate :
-J'en commanderai une pleine carafe et trois verres...
Je hausse légèrement un sourcil, surprise.
-Pourquoi trois verre ?
Elle prend alors un parfait air de conspiratrice amusée et répond avec une franchise désarmante.
-Parce que l'heure des visites de l'après midi ne va pas tarder... Et que je parie que votre ami va immédiatement venir ici... la seconde tasse pour vous, et la troisième pour moi parce que je m'autorise la boisson pendant le service !
Elle poursuit avec un œil accusateur.
-D'ailleurs, en parlant de repas, vous n'avez pas touché à celui que je vous ai fait monter... Ce n'est pas bien ça !
Je grimace et jette un coup d'œil au petit plateau posé sur une petite table à ma droite. Il faut bien dire en même temps que je n'avais remarqué ni le plateau ni la table. Mais je n'ai pas particulièrement faim et me contente de répondre quelques mots :
-Va pour les trois tasses de chocolat ! Même si vous vous trompez sur un point, mon visiteur n'est pas un ami... Mais pour le repas, il sera toujours bon ce soir, maintenant, je n'ai pas faim...
Elle n'écoute que d'une oreille et choisis de rebondir sur le sujet qui l'intéresse le plus.
-C'est votre frère alors ?
-Non, c'est juste un parfait inconnu qui a appelé les secours lorsque je suis tombée dans la rue.
-Oh ! Mais il fallait me le dire... Si je l'avais su plus tôt, je l'aurai mis dehors bien avant, ce matin...
Son sourire espiègle démentit ses sévères paroles et lorsque la porte de ma chambre s'ouvre de nouveau en grand, mon inconnu s'avance et prend un ton faussement outragé pour demander :
-Comment ça ? Me mettre plus tôt dehors ? Moi ?
-Oui vous ! Et d'ailleurs, à ce propos, je vous ai dit ce matin "pas avant l'heure des visites"... Or, il reste une minute. Alors, pas d'entourloupes, allez attendre dehors...
Tanya ne rend pas si facilement les armes... Mais devant nos yeux ahuris, le jeune homme s'avance dans la pièce et attrape posément l'horloge accrochée au mur. Il tourne avec application l'aiguille de deux minutes puis raccroche l'appareil au mur.
Il se tourne ensuite vers Tanya avec un léger sourire.
-Je suis à l'heure maintenant, non ?
Elle cache mal son sourire et lève les yeux au ciel avant de répondre.
-Votre satané culot mérite bien sa récompense... Je vais chercher le chocolat chaud.
Lorsque la porte de ma chambre se referme derrière elle, l'inconnu lui lance une réponse :
-Prenez en pour dix, et n'hésitez pas à dévaliser la cuisine !...
Son éclat de rire nous parvient, signe qu'elle a entendu, et le jeune homme s'approche alors pour s'assoir sur l'unique chaise de la pièce.
-Alors, ça va mieux ?
-Sans doute... Enfin, jusqu'au moment où vous êtes arrivé. Là, je sens nettement que ça empire...
Mon ton ironique ou simplement malicieux, je ne sais plus moi-même, le fait seulement sourire et il hausse tranquillement les épaules. Il s'adosse un peu plus confortablement au fond de son siège pour ensuite demander :
-Oh fait, je ne sais toujours ni votre nom ni votre prénom ?
Je soupire et me décide à lui répondre. Après tout, je viens quand même de lui faire perdre au moins deux jours.
-Marguerite Savigny...
Mais à ma grande surprise, son visage trahit immédiatement une immense stupeur.
Il me connaît. Mais d'où, comment ? Et seulement de nom ? Je tente de me calmer sans y parvenir. Je suis absolument certaine qu'il ne me connaît pas par la voie professionnelle. Un pressentiment...